Chapitre 9

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Décidément c'est la soirée confidences !
J'ai un peu d'appréhensions. Je me suis confiée à Evan sur un coup de tête, parce qu'il m'inspire vraiment confiance, et subitement j'ai l'anxiété de m'être trompée sur lui.
Il me prend la main, ce qui me fait rougir.
« -Je suis sur que ça peut s'arranger. Mais tu n'as pas à te soucier à propos de toi, crois-moi tu peux être fière de toi ! »
On discute encore, mais la discussion n'est plus du tout sérieuse, Evan ne fait que de me taquiner, et moi de même, ce que je préfère à l'ambiance « confidences ». On décide de se coucher. Evan enlève les coussins du canapé dans sa chambre et commence à s'installer. Je l'interroge du regard.
« -Bah prends mon lit ! Il est mieux.
-Ah non, garde ton lit je vais pas te déranger encore plus !
-Tu ne me déranges pas ! En plus tu t'es fait mal au dos et mon lit est plus confortable. Donc reste ici car de toutes façons si tu te lèves je te porte de force à mon lit.
-Merci alors. Bonne nuit gros tas.
-Bonne nuit bouffonne. »
Je me réveille. Dans un hôpital. Tout mais pas ça. Et puis, pourquoi suis-je ici d'abord ? Je vais bien ! Je ne suis pas blessée. Je regarde mes bras. Ils sont maigres, excessivement maigres. La panique monte en moi. Je me lève, je suis faible. Je me regarde dans le reflet de la vitre car il fait nuit. Je suis maigre, affreusement maigre. Ce n'est pas possible, ce corps ne peut pas être à moi ! J'ai l'impression de me voir trois, quatre ans auparavant. Quand j'ai été hospitalisée, à la fin de la quatrième. Et pourtant je sais que je ne suis pas en quatrième. Je m'assieds et tripote ma bague. Ma mère entre dans la chambre avec un regard rempli de dégoût.
Le cauchemar recommence ?
« -Tu ne fais que me causer des soucis. »
Elle claque la porte. Je ne comprends rien. Un médecin entre. Je le reconnais ! Il fait partie des médecins qui s'occupent de la partie « anorexiques » de cet hôpital. Il me tend une sorte de flacon, une petite bouteille. Je sais très bien ce que c'est, c'est cette espèce de boisson, qui ressemble à un yaourt à boire, où sont concentrés des tas de trucs pour me faire grossir. Framboise, c'est celui que je prenais tout le temps.
« -Je ne veux pas le boire ! dis-je.
-Mais enfin Ambre, tu es malade. Tu es anorexique. Tu ne peux pas tenir sans ça. »
Tu es malade. Je déteste cette phrase.
« -JE NE SUIS PAS MALADE ! C'est pas vrai !!! Je mange pas le matin, mais je me fais plus vomir, j'ai même renoncé à faire de la muscu en dehors de la gym ! Je ne suis pas anorexique, je ne suis pas malade, je fais presque tout comme il faut, je n'ai rien à faire dans cet hôpital !
-Tu dois le boire ! Si tu ne le bois pas, tu vas mourir ! Car tu es ANOREXIQUE !
-Laissez-moi tranquille ! »
J'ai les larmes aux yeux, le souffle court. Mais que se passe-t-il ? Je ne suis pas malade, c'est faux ! Je ne peux pas être aussi maigre ! C'en est inquiétant, mes os ressortent. Subitement, le médecin part, je lance le flacon contre le mur, et puis il y a Jared en face de moi.
« -Jared ! Jared aide-moi ! lui dis-je.
-Je n'ai rien à faire avec une anorexique, tu n'es pas assez bien pour moi, tu n'es pas assez belle et beaucoup trop dérangée dans ta tête ! »
Cette phrase. C'est presque la même qu'il m'a dite juste avant mon hospitalisation. Ça m'avait fait énormément de mal. Je n'avais pas pleuré mais je crois bien que j'avais les larmes aux yeux, ce qui est encore le cas à présent. Je respire mal.
« -Tu peux pas me faire ça Jared ! Me laisse-pas je t'en supplie ! Jared ! JARED ! »
J'ai beau crier, il s'en va. Je suis comme prise d'une crise de panique, je tombe au sol, je tremble, je suffoque. J'appelle à l'aide, mes parents, Romain, Jared, mais aucun ne vient, juste ce médecin qui me hurle de boire sa boisson.
Je me réveille subitement. Je m'assieds d'un coup. Je suis en sueur, j'ai le souffle court. Il fait noir, mais je vois la pièce. Je regarde mes bras ; c'est bon, ils sont normaux. J'observe la pièce et me souviens que je suis chez Evan lorsque je le vois dormir paisiblement sur le canapé. Ce cauchemar tourne en boucle dans ma tête, surtout la vision de mon corps maigre, effrayant, et les paroles de Jared. Il faut vraiment que je me calme sans réveiller Evan. Je prends donc mes écouteurs et écoute « Hailie's song » de Eminem. Cette chanson a un effet inexplicable sur moi, elle a le don de me calmer. Je l'ai découverte en troisième, et elle m'aide beaucoup. Je ne m'en lasse jamais.
Il est six heures vingt ; tant mieux, je n'aurais pas pu me rendormir. Je réécoute la chanson en boucle jusqu'à ce qu'Evan se réveille pour être vraiment calme.
Sept heures ; il se réveille. Je souris légèrement en voyant sa tête, avec ses cheveux ébouriffés et ses petits yeux. Alors qu'il va dans la salle de bain, j'en profite pour m'habiller. Un pull large, comme toujours ; pour cacher mes bleus et surtout mon corps. Je m'attache les cheveux en queue de cheval haute, comme toujours, bien que je les avais laissés comme ça pour dormir vu qu'il y a Evan.
Je le rejoins dans la cuisine. Il mange. Je le regarde en attendant. Il me regarde.
« -Ah mais sers-toi ! Il y a du jus d'orange, de la confiture, du Nutella, des pains au lait, de la baguette, des chocapic, du lait... »
Je me sers juste un verre de jus d'orange, le bois en avalant bien évidement mon fameux cachet qui me rappelle le cauchemar de cette nuit.
« -C'est quoi ?
-Antidouleur, pour mon dos et ma cheville.
Il fronce les sourcils.
-J'ai l'impression de tout le temps te voir prendre des médocs. »
Je ne réponds pas.
« -Attends tu crois vraiment que je vais te laisser partir sans manger ?
-Nan Evan, vraiment j'ai pas faim, je peux rien avaler ! »
Il se lève, ouvre le frigo et prend un petit suisse, et le met dans un bol avec du sucre et me le tend.
« -Tu vas pas me dire que ça tu peux pas l'avaler ? dit-il.
-Evan...
-Je rigole pas, tu sortiras pas de chez moi sans avoir mangé ça. »
Je commence donc à le manger, très lentement, mon corps n'est pas habitué à ingurgiter de la nourriture le matin, même des petits suisses. Evan m'observe attentivement, et quand j'ai fini, il me dit :
« Tu vois, c'est pas si difficile. »
Et met mon bol à laver. Je ressens comme une pointe de culpabilité d'avoir mangé. Mais ce ne sont que des petits suisses, ils ne vont pas me faire grossir ! J'essaye de me convaincre. Je sais ce que signifie cette culpabilité et je ne peux l'accepter.
On part. Evan semble de meilleur humeur. Il me taquine encore sur tout le trajet. Il dit que je suis moche pour rigoler, donc je veux le taper mais ça ne fait rien et avec une béquille dans une main c'est plus compliqué.
« -T'as pas de force Brinou !
-Déjà je suis très forte c'est juste toi qui est trop lourd !
-Que du muscle Brinou !
-Mais tu vas arrêter avec ce surnom pourri ! Je vais t'appeler Vanou moi si c'est comme ça !
-Ok Brinou !
Après un silence, il me dit :
-Par contre si Sarah te demande, dis-lui que t'as pas dormit chez moi d'accord ? »
Sa question m'agace. Il a honte de moi ! Il a été très attentionné pendant toute la soirée, et maintenant il me renie totalement, tout ça pour Sarah. Alors qu'il est avec elle juste pour coucher, je le sais bien.
-T'as honte qu'une fille comme MOI ait dormit chez un mec comme TOI ? dis-je en le regardant droit dans les yeux, le regarde vide d'émotions.
Je regrette aussitôt ce que j'ai dit ; il va penser que sa remarque m'a blessée, et donc qu'il a de l'influence sur moi.
-Euh... je... balbutie Evan.
-Ah merde j'ai cours d'anglais en fait là elle va me refuser si j'arrive après la sonnerie !
-Mais on a cours ensemble et ça sonne dans cinq minutes !
-Justement, j'ai les béquilles et pas d'ascenseur ! dis-je contente d'avoir trouvé une excuse valable.
-Bah je vais t'aider à monter.
-ça vaut mieux pas, ça plairait pas à Sarah, elle te regarde très mal là ! »
Il se retourne et je commence à partir. Il a du aller vers elle.
La salle d'anglais est au troisième étage. Heureusement que je peux poser le pied. Je monte un peu lentement.
« -Je peux t'aider Ambre ?
C'est Loan qui vient me voir.
-Non ça va t'inquiète, je me débrouille bien !
-Laisse-moi t'aider ! Monte sur mon dos ! »
Il se baisse, je monte sur son dos et m'accroche bien à lui tandis qu'il tient ma béquille.
« -Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?
-Rien de grave ! Je suis tombée dans les escaliers, ce n'est qu'une entorse bénigne la béquille ce n'est que pour trois jours !
-D'accord !
-ça va t'es pas trop fatigué ?
-Mais non trop pas ! T'es toute légère t'inquiète pas ! »
Je rougis. Cela signifie que je suis trop légère ? Ou c'est un compliment ?
Evan arrive à côté de nous, le bras derrière les épaules de Sarah qui me regarde mal.
« -Tu fais quoi Loan là ? demande-t-il.
-Bah je la porte !
-Moi j'y vais bébé ! dit Sarah avant d'embrasser langoureusement Evan.
Aucune pudeur !
Arrivés au troisième étage, Loan s'amuse à tourner et à courir, moi je rigole comme une enfant sur les épaules de son père.
Sauf que mon père ne m'a jamais prise sur ses épaules.
« -Bon, pas la peine de vous donner en spectacle comme ça ! dit Evan avec une pointe d'agacement dans la voix.
-ça va Evan, t'as vu comment tu bouffes la bouche à Sarah toi ! dit Loan en riant.
-C'est bon Loan, on se passera de tes commentaires de mec parfait ! Et puis pourquoi tu la gardes sur ton dos comme ça ?
-C'est quoi ton problème Evan, on fait ce qu'on veut ! dis-je.
-Laisse-le, il est de mauvais poil le vilain garçon ! dit Loan en riant, ce qui me fait rire. »
Il finit par me poser, on rentre en cours, on se met à côté sur une rangée de trois, je suis au milieu mais Evan ne me calcule pas trop. Je m'en fiche à vrai dire !
Entre chaque cours Loan me porte sur son dos, ce qui m'amuse beaucoup !
Je sors de cours et commence à partir. Mais il y a Jared au bout de la rue. Je m'arrête net. Je n'ai vraiment pas envie de me discuter avec lui maintenant ! Il s'avance vers moi, ses traits du visage ne sont pas crispés, c'est bon signe. Il s'arrête face à moi, et se gratte la nuque, il est gêné.
« -Je... en fait je t'ai ramené ton écharpe ! Mais j'ai mis mon parfum dessus, dit-ilen souriant légèrement.
Il est incapable de s'excuser, je le sais, et je n'arrive pas à lui en vouloir. Il n'a pas été très gentil avec moi, mais en le voyant comme ça, je ne peux m'empêcher de le pardonner ! Je lui souris et mets mon écharpe.
« -T'es blessée... ?
-Ah non t'inquiète pas ! Une toute petite entorse bénigne, les béquilles c'est que pour trois jours pour reposer ma cheville ! »
Jared me fait un petit bisou sur le front, puis se contente de simplement déposer ses lèvres sur les miennes. Je suis tellement bien, j'ai cette sensation étrange au niveau du cœur et du ventre. Jared m'emmène à Starbucks. On boit tranquillement nos boissons. Jared est calme, presque doux. Je sais bien qu'il fait beaucoup d'efforts car ce n'est pas dans sa nature d'être comme ça, ça me fait plaisir.
Il finit par me déposer chez moi.

"Même les méchants rêvent d'amour."Où les histoires vivent. Découvrez maintenant