"Même les méchants rêvent d'amour."

Chapitre 7

Je le regarde, surprise. On dirait qu'il fait attention à moi. Il a l'air un peu gêné car lui, ne me regarde pas. Je n'ai pas faim, mais je fais un effort et le mange très lentement, sans oublier les compléments alimentaires. Je me lève pour aller mettre mon assiette dans la cuisine, mais il me la prend des mains et la met lui-même. C'est plus que surprenant, jamais Jared ne s'est conduit comme ça. Je me rallonge. Jared entre avec une sorte de bouillotte. Il la met contre le bas de mon ventre.
« -ça va te détendre je pense.
-Merci... lui dis-je. »
Il me regarde et approche doucement son visage du mien, puis dépose timidement et maladroitement un bisou sur mon front. Je ferme les yeux.
Jared me réveille. Il est dix-sept heures.
« -Je vais rentrer chez moi, dis-je.
-Je peux venir avec toi ? demande Jared.
-Euh, oui d'accord. »
Il prend quelques affaires et on se dirige chez moi. Evan m'appelle, mais je rejette l'appel, je ne tiens pas à subir une crise de nerfs de Jared. On regarde un film drôle, puis je vais faire à manger. Je fais des pâtes au pesto car je sais que Jared les adore. Ma mère est italienne, et malgré nos liens très froids j'ai appris beaucoup de recettes italiennes. On mange tandis que Jared me pose quelques questions sur Romain.
« -Je vais prendre une douche, lui dis-je.
-On peut la prendre ensemble, dit-il.
-Nan j'aime pas trop...
-C'est pas comme si je t'avais jamais vue toute nue. »
Sa remarque me met encore plus mal à l'aise.
« -Nan j'ai pas envie vraiment, une autre fois ! dis-je.
-T'es chiante. »
Je vais prendre ma douche. Evan réessaye de m'appeler donc j'éteins mon téléphone. Je reprends un médicament et vais me coucher. Jared me rejoint, il est en jogging torse nu. Il commence à m'embrasser, j'essaie de rejeter son baiser mais je n'y arrive pas. Il se met au dessus de moi et commence à m'embrasser dans le cou en mettant ses mains sous mon tee-shirt. Je suis fatiguée, j'ai juste envie qu'il me laisse. Lorsqu'il m'embrasse, il me fait mal à la lèvre. Il redescend dans mon cou et je sens qu'il me fait un suçon.
« -Jared fais pas ça ! C'est galère à cacher après ! lui dis-je.
-Mais c'est bon, tu mettras une écharpe ! dit-il avant de continuer. »
Je me laisse faire pour qu'il me laisse tranquille. Il s'arrête finalement. Je me mets de dos à lui, mais il s'en fiche.
Je me réveille, Jared dort encore. Je sors sur le balcon pour téléphoner à Evan. Il décroche rapidement.
« -Allô ?!
-Oui Evan, tu m'as appelée ?
-Oui je t'ai appelée ! Et t'as rejeté mon appel puis t'as carrément éteint ton tel !
-Désolée j'étais avec Jared.
-T'aurais au moins pu m'envoyer un message !
-Désolée.
-On peut se voir aujourd'hui ?
-Euh je sais pas ça dépend de Jared...
-ça va tu vas pas faire ta vie en fonction de lui ! Bon tu sais quoi oublie. Allez ciao ! »
Il raccroche. Il avait l'air sur les nerfs, mais tant pis. Je vais préparer le petit déjeuner pour Jared et moi je bois mon verre de jus d'orange. Jared se lève, mange puis part en me lançant un « salut ».
Je reste chez moi pendant trois jours pour travailler. Vendredi, Loan m'a proposé de venir chez lui l'après-midi donc j'ai accepté.
J'aime bien Loan, car il est calme, posé, il ne se prend pas la tête et n'est pas du tout violent. Il est gentil et compréhensif, contrairement à Evan qui ne cesse de vouloir tout savoir sur ma vie et qui est très impulsif. Et à Jared qui est violent.
On passe l'après-midi à discuter, je me sens bien avec Loan, on a des discussions très intéressantes et réfléchies, il aime les mêmes auteurs que moi, les mêmes matières etc... Et on rigole bien aussi, je ne me sens pas mal à l'aise, je ne me braque pas avec lui, comme s'il savait s'y prendre avec moi.
Le soir, je rentre chez moi et je parle par message avec Loan.
Je n'aime pas le silence, et comme je suis de bonne humeur je mets de la musique avec ma petite enceinte. Je me cuisine quelque chose de bon à manger avec la musique, tout en parlant à Loan par message. Je mange mon petit plat devant la télé puis prends un bon bain, et m'endors tard car je parle avec Loan.
J'ai passé tout mon week-end à lui parler. Ça me fait bizarre, on a toujours quelque chose à se dire. Lundi, il se met à côté de moi dans beaucoup de cours. On devient amis très vite... C'est la première fois que ça m'arrive avec quelqu'un !
Jeudi, je me réveille de bonne humeur ! C'est mon anniversaire. C'est aujourd'hui que j'ai seize ans (j'ai sauté une classe). Je prends mon verre de jus d'orange, mes parents ne me disent rien. Ils me le fêteront surement ce soir, même si je sais qu'il ne me feront pas de cadeau. Mes cours du matin se passent bien, enfin ils sont normaux, mais je suis de bonne humeur. A midi, alors que je m'apprête à aller manger seule à la cantine, Evan se dirige vers moi.
« -Joyeux anniversaire Brinou ! dit-il avec un grand sourire.
-Brinou ? je demande en riant.
-Bah oui ça te va bien !
-Haha mais comment tu sais que c'est mon anniversaire ?
-Je sais tout, cherche pas à comprendre ! Bon, on a deux heures et demie pour manger, tu manges avec nous au japonais ? »
Je suis très partagée, car j'adore le japonais mais pas les amis d'Evan.
« -Euh je sais pas, je connais pas tes amis et tout !
-C'est pas grave, y'a Loan vous vous entendez bien !
-Bon d'accord ! »
Je le suis, on arrive au restaurant, on rejoint son groupe à une table, il sont huit. On s'approche, Loan me sourit. Je m'assieds à côté de lui, Evan se met en face. La fille à côté de lui l'embrasse langoureusement, aucune pudeur. Il me semble qu'elle s'appelle Sarah, tout le monde la connait. Elle a beaucoup de fond de teint et de rouge à lèvre très... rouge. Elle n'a pas de vêtements excessivement vulgaires, hormis son short (avec un collant) déchiré et court, mais ce n'est pas le prototype de la fille populaire dont on entend toujours parler.
« -C'est qui elle ? demande Sarah à Evan.
-Une amie dans ma classe. »
Et ils recommencent à s'embrasser, moi je regarde les autres, et là, le choc.
C'est impossible.
Il ne peut pas être là, pas lui.
Tant de mauvais souvenirs me reviennent immédiatement en mémoire. Il est là. Axel. Une des personnes qui m'a le plus pourri la vie durant ces foutues années de collège. Mon cœur bât fort, ma gorge se noue, mais je reste de marbre. Je ne dois pas me laisser déstabiliser. Nos regards se croisent, il me reconnait. Il a encore ce regard moqueur, cette enflure. Je me rappelle toutes ces fois où il m'a balancé ses insultes devant tout le monde, pour m'humilier au maximum. Où il m'a traité de grosse en montrant cette fichue photo de moi, une des plus grosses conneries de ma vie. Puis lorsqu'il me lançait des insultes débiles sur l'anorexie. Toutes ces fois où il a tout fait pour me faire pleurer, mais ça n'a jamais marché. Je pensais avoir laissé tous ces souvenirs derrière moi, et voilà qu'ils me retombent dessus. Je tripote ma bague, comme à chaque fois que je suis angoissée.
« -Oh bah comme on se retrouve Ambre ! dit-il.
-Je te le fais pas dire, je réponds.
-Vous vous connaissez ? demande Evan.
-Oh que oui ! On se connait bien, dit Axel.
-On a simplement été dans le même collège, dis-je.
-ça va Ambre ? T'es un peu pâle, demande Loan.
-On a beaucoup de souvenirs ensemble, ça lui fait beaucoup d'émotions ! dit Axel. »
Je fais mine de rigoler. Puis Sarah se remet à me parler.
« -Alors comme ça t'es pote avec Evan ? dit-elle.
-Vite fait.
-Il est à moi, je te conseille pas de l'approcher.
-Manquerait plus que ça, dis-je en riant.
-De toutes façons il s'intéressera pas à toi Evan. Il sait apprécier les bonnes choses.
-Les bonnes choses ?
-Oui, toi tu vois, t'as pas de formes, t'es toute maigre, toute plate, tu prends même pas la peine de te maquiller fin j'sais pas, tu peux intéresser personne comme ça !
-Ah, je m'en fous pas mal en fait. »
Je devrais être vexée, mais après tout, je m'en fiche de n'intéresser personne, et encore plus de ce qu'elle pense. Elle est tellement stupide et superficielle.
Evan et elle ne cessent de s'embrasser langoureusement en se touchant... Aucune pudeur, mais après tout ça ne me regarde pas. Je me sens un peu mal à l'aise au milieu de toutes ces personnes super populaires, qui ont tous un physique parfait. Ils n'ont pas de conversations très intéressantes. Heureusement que Loan est différent.
« -Au fait, Joyeux anniversaire ! dit-il en souriant.
-Merci beaucoup !
-Alors, dix-sept ans ?
-Non, seize, j'ai sauté une classe ! »
On discute, encore et encore. Puis on va payer.
« -Je paye pour toi, dit Loan !
-Ah non, pas question !
-C'est ton anniv, laisse-moi payer ! J'ai pas de cadeau sinon !
-Mais t'as pas à m'offrir de cadeau ! »
Il me pique mon porte monnaie, paie lui-même puis me le rends avec son petit sourire un peu timide. On retourne au lycée et on fait notre après-midi de cours. Cette fois-ci c'est Evan qui est à côté de moi, et je ne peux pas m'empêcher de rigoler avec lui. Il est vraiment drôle. Ça ne sert à rien que je l'évite tout le temps après tout, je peux l'apprécier sans m'attacher à lui.
On sort à dix-sept heures trente car il y a un prof absent. Je suis encore avec Evan, Sarah nous fusille du regard, si elle pense que ça va me faire quelque chose ! On passe par la cour pour sortir, mais il m'arrête. Il me tend un sac en plastique.
« -Qu'est-ce que c'est ? je demande.
-Ouvre ! »
Il a son grand sourire de charmeur. Je regarde dans le sac, et je vois une grosse écharpe bordeaux, de marque ! Je n'arrive pas à cacher mon émotion. Les battements de mon cœur s'accélèrent, je souris.
« -C'est... c'est pour moi ?
-Bah oui ! Pour ton anniversaire !
-Nan je peux pas accepter... ça coûte cher cette marque !
-Mais on s'en fout ! Allez prends-là ! »
Ça doit bien faire quatre ans minimum que je n'ai pas eu de cadeau d'anniversaire. Je suis très émue.
« -Mer... merci Evan !
-Haha mais t'inquiète, c'est une écharpe !
-Mais c'est trop gentil ! »
Je la mets à la place de la mienne, je ne peux pas m'empêcher de sourire. Elle a l'odeur d'Evan. Lorsqu'il s'aperçoit que je la sens, il me dit, l'air prétentieux :
« -Je trouvais que l'odeur du magasin n'était pas géniale, puisque je sens bon je t'ai mis un peu de mon parfum !
-Ah ouais d'accord, pas trop prétentieux ! dis-je en riant. »
Notre conversation est coupée par mon téléphone qui sonne. Jared.
« -ça fait dix minutes que j'attends devant ton lycée ! T'es où ?!
-Tu m'as pas dit que tu venais me chercher !
-T'es où ?!
-A l'intérieur !
-Sort ! Dépêche-toi !
-Oui oui c'est bon j'arrive. »
-ça a l'air d'être l'amour fou entre lui et toi ! dit Evan.
Je ne réponds pas, je ne sais pas quoi dire.
-Il a l'air énervé. S'il te fait du mal, appelle-moi surtout !
-Jared ne m'a jamais fait de mal, dis-je en regardant ailleurs.
-Regarde-moi dans les yeux et dis-le.
Je le regarde dans les yeux, en ne montrant aucune émotion.
-Jared ne m'a jamais fait de mal, il ne m'a jamais frappée, dis-je la voix neutre.
-Jure-le. »
Ça en revanche, c'est plus compliqué. Jurer est quelque chose de fort.
« -Mais c'est bon Evan arrête de forcer !
-Je ne te croirai pas tant que tu ne l'auras pas juré.
-C'est pas bien de jurer.
-Surtout quand on ment.
-Je n'ai rien à te prouver après tout, dis-je en partant.
Il me rattrape le bras, et son regard a totalement changé, il a repris son regard moqueur.
« -En tous cas si t'as besoin de réconfort, ce soir mon lit est libre !
-Même pas en rêve ! dis-je en lui donnant une petite tapette. »
Je sors et aperçois Jared, qui m'attend en fumant. Je me dirige doucement vers lui. Il a un regard noir. Il m'attrape fermement le poignet.
« -ça t'amuse de me faire attendre quinze minutes ?! Tu crois vraiment que je suis à ta disposition !
-Mais tu m'as pas dit que tu venais ! »
Il me tire le bras et m'emmène chez lui.
« -Calme-toi Jared ! J'étais juste chez le CPE il y a un problème de logiciel avec mes absences ! lui dis-je, tentant en vain de le calmer.
-Pendant quinze minutes ?! Tu me prends vraiment pour un con ! Des fois tu ferais mieux de te taire ! »
On arrive chez lui. Il claque la porte derrière nous. Il commence à me crier dessus.
« -Qu'est-ce que tu faisais pendant quinze minutes ?!?!
-J'étais chez le CPE je t'ai dit ! »
Une claque pour moi. Je relève la tête et le regarde droit dans les yeux pour qu'il pense que ça ne me fait pas mal. Il baisse les yeux vers mon écharpe.
« -C'est quoi cette écharpe ?! demande-t-il.
-Bah c'est à moi !
Il me l'enlève et l'observe. Il voit l'étiquette.
-Comptoir des cotonniers ?! T'achète jamais rien là-bas !
-C'est un cadeau pour mon anniversaire... »
Il émet une sorte de rire nerveux. Je sais qu'il a oublié que c'était mon anniversaire.
« -Un cadeau d'anniversaire ?! Mais qui aurais pu t'offrir un cadeau d'anniversaire ?! Tes parents c'est tout juste s'ils te le souhaitent, et t'as pas d'amis ! T'as que moi !
-Ouais, et c'est pas toi qui va me le souhaiter et encore moins m'offrir quelque chose ! »
Je me reprends une gifle, un peu plus forte.
« -Parle-moi autrement !
-Ouais, toi tu préfères me taper dessus plutôt que de me souhaiter ! dis-je en haussant la voix, ce que je n'ai pas pour habitude de faire.
-Hausse pas la voix avec moi ! dit-il en m'attrapant les deux poignets. Qu'est-ce que tu veux, que je te félicite ?! C'est sur que t'as du mérite d'être née il y a seize ans ! Bravo, bravo Ambre !!! T'as déjà de la chance de m'avoir, alors pourquoi tu te plains ?! T'es rien sans moi t'entends, RIEN ! Tes parents t'aiment pas , ils en ont rien à foutre de ta gueule ! T'as pas d'amis, ils t'ont tous lâchée après ta maladie à la con ! T'as été le souffre douleur du collège, tu te rappelles comment tout le monde t'appelait ?!
-Nan ! Nan tais-toi !!!
-Qu'est-ce qui a ?! Je te rappelle juste la vérité ! Tu te rappelles quand tout le monde t'appelait la grosse allumeuse ?! Et moi j'étais quand même avec toi !!! Tu n'as que MOI, tu es seule sans moi ! dit-il en me secouant. Alors QUI t'a offert cette putain d'écharpe ?!?! »
Je ne réponds pas. Ce qu'il a dit m'a atteinte. Il m'a balancé mes années collège, il m'a rappelé à quel point je ne suis rien sans lui. Il approche l'écharpe de son nez. Il me regarde droit dans les yeux, d'un regard plus que noir, un regard effrayant, un regard assassin.
-Je rêve ou c'est une odeur de mec ? dit-il d'une voix menaçante.
Il me regarde en attente d'une réponse que je ne lui donne pas.
-Pourquoi ton écharpe sent le parfum d'un AUTRE mec ?!