Chapitre 19

80 18 4
                                    

Dulcie

Une odeur de miel et de camomille me chatouille les narines.

— Comment allez-vous ? me demande ma servante.

— Bien, dis-je en m'asseyant sur mon lit.

Elle me sourit et dépose mon petit-déjeuner. J'ai une faim de loup.

Je commence par la liqueur au miel et à la camomille, c'est ce dont j'ai besoin pour bien commencer la journée. Je beurre ensuite mes tranches de pain et les savoure tout en contemplant la vue sur Reversal qui s'offre à moi. Je suis une Impératrice, enfin pas encore, mais cette ville, c'est moi qui la gouvernerait !

Depuis que j'ai quitté le Vortex après ma troisième épreuve, je me sens comme possédée d'une énergie nouvelle et sauvage.

— Bonjour, Dulcie.

— Bonjour Corv, je réponds lorsqu'il apparaît à côté de moi. Pourrais-je revoir Léna plus tard ?

— Peut-être pas la revoir, mais communiquer avec elle via un télécomunicateur.

— Cela me ferait plaisir, j'aimerai bien avoir une amie avec qui discuter.

— Bien entendu. Mais après la dernière épreuve.

— C'est quand tu veux Corv ! Je suis impatiente ! D'ailleurs, je n'ai pas compris pourquoi tu as voulu que je me repose durant trois jours après mon épreuve contre Léna. J'étais super en forme.

Il me fait un sourire comme s'il me cachait quelque chose.

— Tu es aussi un être humain, cette épreuve t'a affaiblie, même si tu n'en n'as pas eu conscience.

Je sais que je me suis évanouie en discutant avec Léna. D'ailleurs, je ne sais plus de quoi nous discutions, j'ai l'impression que ma mémoire me joue des tours parfois. Mais ce n'est pas le plus important. Tant que je suis en parfaite santé, je ne dois me préoccuper de rien d'autre.

— La dernière épreuve est la plus dure d'entre toutes, c'est pourquoi j'ai préféré que tu sois en forme.

— Eh bien, maintenant je le suis.

— Je n'en doute pas. C'est aussi pour cela que je suis là. Dans une petite heure, lorsque tu seras prête, tu me rejoindras au Vortex.

Je pousse un cri de joie et si Corv n'était pas un hologramme, je me serai jeté à son cou.

Je me hâte de me préparer et je rejoins sans attendre le Vortex.

Enfin ma dernière épreuve ! Et ensuite, ce sera la destruction de Paralielna !

Les scientifiques pianotent sur leur écran, le Vortex se met en route et je me retrouve propulsé ailleurs.

Je heurte le sol. Je me redresse tout en étant attiré par les chaussures et les jambes immobiles d'une femme. Mes yeux parcourent son corps jusqu'à s'arrêter à son visage. Ses yeux s'arrondissent en croisant les miens, mais la femme ne peut pas bouger, elle est statufiée comme lorsque j'utilise mon don d'arrêter le temps, sauf qu'elle a conscience que son temps a été arrêté et qu'elle vient de me voir apparaître devant elle.

Je recule sous l'effet de la surprise et bouscule quelqu'un. Je me retourne et déglutit. Cette fois un homme d'affaire, la tête baissé sur son téléphone et derrière lui un million de gens figés.

Dans quel monde suis-je apparue ?

Tout à coup, un grognement, éveillant en moi une migraine atroce, raisonne dans ma tête et mes oreilles bourdonnent. Instinctivement, je pose les mains sur mes oreilles. Le son est insupportable. Mes genoux ont du mal à supporter mon poids.

Quand le cri se tait, je retire mes mains et regarde autour de moi. Qu'est-ce que c'était ?

Poussée par la curiosité, je me fraie un passage à travers les gens immobiles et me dirige vers la source de bruit.

Plus j'avance et plus le sol devient grumeleux, et les petites boules de boues sautillent comme si la terre tremblait, pourtant, je ne ressens pas de secousse. Tout à coup, le grondement éclate à nouveau. Encore plus bestial que le précédent. J'ai l'impression que le sol m'aspire. Dès que le silence revient, je poursuis ma progression et quelques pas plus loin, je m'arrête, interloquée par la statue démesurée de mon frère, Dragh. Il porte une longue tunique et une couronne sur la tête. Entre ses mains, une horloge dont les aiguilles ont arrêté de tourner. Suis-je dans un univers parallèle où il vit ? Brusquement, un effluve électrique se dégage de la statue et le grognement résonne comme un gong. Une force écrasante me repousse et je tombe à la renverse.

Je m'assieds en fixant la statue. Est-elle la source de tout ce blocage temporel ? En tout cas, une onde de choc émane d'elle ce qui produit ce hurlement.

Je regarde les personnes autour de moi, peut-être que mon épreuve consiste à refaire courir le temps, après tout, je l'ai toujours arrêté, mais jamais je ne l'ai remis en marche par moi-même. Je me concentre et ferme les yeux, malheureusement chaque fois que le grognement jaillit, j'ai mal à la tête et je ne parviens pas à faire tourner l'horloge. Subitement, la tête de Dragh éclate et des morceaux de pierres volent dans tous les sens percutant des innocents qui s'effondrent.

Qu'est-ce qu'il se passe ?

Le hurlement s'intensifie et cette fois, je sens une force brutale m'écraser. Mon corps est attiré vers le sol et une migraine carabinée m'affaiblit. Je lève les yeux vers la statue qui se brise petit à petit sous l'effet des effluves électriques. La terreur commence à serpenter entre mes tripes... Il y a quelque chose qui s'apprête à sortir... à prendre vie à l'intérieur de cette statue. Quelque chose que je crois avoir déjà rencontré... Des images naissent dans mon esprit et je me retrouve dans un abri, avec une dizaine d'années s'est écoulée et je me tiens le ventre. Je suis enceinte. Je marche le dos courbé, comme pour contrer un vent qui me repousse. Non, ce n'est pas du vent, c'est l'énergie de cette chose dont il s'agit. Elle veut me tuer.

Je laisse échapper un hoquet de stupeur et me retrouve à nouveau dans le présent. La statue est en train de se réduire en pièce et bientôt, recouverte d'un liquide gluant, un immense Charbon émerge des entrailles de la statue. Mes yeux s'écarquillent. C'est Dragh. Il retire le liquide huileux sur lui, pousse un grognement barbare et bondit jusqu'à se retrouver devant moi.

J'essaie de me relever, mais je n'y parviens pas. Une force gravitationnelle me retient par terre. Il s'approche de moi, chacun de ses pas faisant vibrer le sol. Brusquement, il me saisit par la tête d'une main et mes pieds se retrouvent à un mètre du sol.

— Comment oses-tu revenir ici après m'avoir emprisonné dans ma propre sculpture ?

Je ne sais pas de quoi il parle, mais j'ai l'impression que dans cet univers, il n'est pas mon protecteur et je pense être la seule qui puisse le battre... Mon épreuve, ma dernière épreuve : éliminer Dragh.

Les mains trémulant, je les pose sur le bras de Dragh.

Si son pouvoir est la distorsion de l'espace, alors je ne peux lutter qu'en utilisant la distorsion contre lui. Le dernier pouvoir qu'il me reste à maîtriser. 

PARAL-LEL Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant