Chapitre 65

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Je mange des nouilles dans un petit restaurant du Food street d'Hitek. C'est fou, mais ici, contrairement aux autres villes, les survivants ont repris leurs habitudes, les boutiques sont ouvertes et grouillent de monde, même si l'on remarque que les rues sont moins bondées. Dans la plupart des restaurants les gens offrent des tournées à tous les clients. Dans certaines rues, de la musique électronique envahit l'atmosphère et les gens dansent comme s'ils étaient dans un night club. Ils se droguent, fument... C'est comme s'ils profitaient de leur dernier instant sur terre.

Clay dépose ses baguettes sur son bol vide.

— Lorsque nous reviendrons, je fais le serment de t'inviter manger ailleurs.

Je glousse, c'est vrai qu'avec le bruit, la folie des gens, ce n'est pas un bon endroit pour un rencard. Mais jusqu'à présent c'est à Hitek que nous avons eu nos « rencards » si l'on peut dire. Obliger de se cacher des autres. Mais maintenant, ça ne sera plus nécessaire. Nous sommes libres de nous aimer.

— Par contre, tu n'es pas obligé de m'inviter dans un grand restaurant de luxe... Tu sais, un simple pic nique serait largement suffisant pour me combler. Même manger un hamburger.

— Un hamburger ?

Oh, j'avais oublié que dans cet univers les hamburgers ça n'existait pas.

— Oh, c'est du pain avec un steak de bœuf, du fromage et des tomates. Un jour, je pourrai t'en faire goûter si tu veux.

Il me sourit et attrape ma main pour y déposer un baiser.

— Ce serait avec plaisir.

Je souris et termine mon assiette, pensant étrangement au Clay de la version du monde où j'ai grandi. Dire qu'il m'avait offert un hamburger et que j'ai disparu sous ses yeux. Je me demande si dans ce monde, il existerait une autre version de moi, pour lui... Il a été si attentionné.

— Est-ce que ça va ?

Je croise les yeux de Clay.

— Oui, pourquoi ?

— Tu sembles un peu soucieuse. Est-ce parce qu'il nous reste encore deux petites heures avant que nous partions là-bas ?

— Non, c'est pas ça, c'est juste... Tu sais, ta version que j'ai tuée... Je crois qu'il était avec une version de moi... C'était un scientifique... Il vivait dans un monde où des gens avaient muté en sorciers cannibales. Après l'avoir tué, tu sais, j'ai vu une photo de lui, il était avec moi, enfin, une version de moi dans ce monde... C'était sa femme... et je dois te dire que dans le monde d'où je viens... (Je plonge les yeux dans le sien.) Ta version, m'attend.

Il arque un sourcil.

— Il t'attend ? Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

— Un jour, je m'ennuyais à Nanielrapa, alors je suis retournée dans mon monde... Tu sais, je ne connaissais pas particulièrement ta version dans ce monde, je le voyais juste de temps en temps et la seule fois où nous nous sommes adresser la parole, c'est le jour où Lucie m'a envoyé ici. Et quand je suis arrivée dans mon autre monde, je l'ai revu... Il m'a dit qu'il était content de me revoir, qu'il souhaitait faire ma connaissance et il m'a invité à prendre un chocolat chaud... En restant avec lui, je pense que j'ai commencé à me souvenir de toi... le Clay de ce monde, avait le même sourire que toi, ses yeux s'illuminaient chaque fois que je souriais, comme toi tu le fais avec moi. Mais lui n'avait pas de cicatrice à la joue... et même si je me suis sentis bien avec lui, j'avais l'impression qu'il manquait quelque chose.

— Même si nos doubles nous ressemblent nous sommes différents.

— Oui, le Clay de ce monde est un playboy contrairement à toi. Et son visage n'est pas aussi sérieux que toi.

Il pouffe de rire.

— Je ne sais pas si j'ai raison, mais j'ai la sensation que, quelque soit nos mondes, nos doubles sont peut-être fait pour être ensemble... ça m'a paru étrange de voir ta version que j'ai tué, marié à mon double... et le Clay de mon monde, qui voulait me connaître et dont les yeux pétillaient en ma présence...

Clay se mord les lèvres et dirige ses yeux vers son bol vide. Il semble se perdre dans ses pensées quelques instants puis me regarde, semblant hésiter à me dire quelque chose. Mais bientôt, il m'annonce : 

— Je pense que moi aussi j'ai tué un de tes doubles, quelques mois avant que tu n'arrives.

Je hausse les sourcils, surprise.

— J'étais en mission dans la Terre V182. Je poursuivais des Intemporels. Ils avaient placé des bombes un peu partout dans la ville, afin de tuer les dirigeants du pays, lors d'une réunion qui réunissait les vingt chefs d'états de ce monde. Un des Intemporels, possédait le bipper pour activer les bombes. À travers un trafic dense, j'avais entamé une course poursuite contre lui. J'avais même volé une moto pour le rattraper. (Il plonge son regard dans son bol). Je me souviens encore de la cloche d'une église qui sonnait fébrilement, des personnes qui descendaient des escaliers en pierres massives, poussaient des cris de joie, et lançaient je-ne-sais-quoi sur un couple de jeunes mariés. Mon ennemi, lui aussi en moto, et moi avions contourné l'église. Mais une voiture avait brûlé un stop sur notre gauche. Nous étions trop rapides pour pouvoir éviter le choc. J'ai valdingué et lui aussi. J'ai dû rester inconscient deux ou trois minutes... Et quand je me suis relevé, j'ai vu l'Intemporel pénétrer dans l'église et ensuite ça a explosé. Il avait lui aussi, une bombe sur lui. (Il relève les yeux vers moi, la tristesse ternissant son regard.) C'était la première fois que je ratais une mission. C'était aussi la première que je me trouvais aussi proche d'un des mes doubles. Le couple de jeunes mariés, tu sais qui c'était ?

Mon cœur grossit. Je crois le savoir.

— Toi et... en fait à l'époque j'ai cru que c'était Lucie. Mon double était un des survivants. Il tenait la femme qu'il venait d'épouser dans ses bras, des larmes inondant son visage, et il cherchait de l'aide. À ce moment-là, j'ai senti de la pitié et de la tristesse envers mon double, mais en même temps, une voix me susurrait que ce n'était pas grave, que je lui avais débarrassé du double de celle qui avait tué mon père et que peut-être je lui rendais la vie meilleure. Et c'est ce qui m'a dégoûté... Je me suis dégoûté de moi-même pendant un certain temps. J'étais en colère contre moi. Ma mission avait été un échec, et je pensais que ce double que j'avais vu avait peut-être mérité de mourir. (Il inspire profondément.) Quand j'étais enfermé dans la chambre de méditation, je sais que j'ai ressenti la même chose que cette version de moi dans ce monde, et je me suis dit que peut-être ce n'était pas ta sœur, mais toi... Tu as peut-être raison... Peut-être que nos doubles sont faits l'un pour l'autre quelque soient les mondes. Et je dois dire que ça me lancine encore plus de ne pas avoir pu arrêter cet Intemporel.

Les remords qui se lisent sur les traits de son visage me déchirent le cœur. Mais il n'a pas à éprouver cela. Je lui attrape la main.

— On n'est pas toujours parfaits, tu l'as dit. Et on ne peut pas toujours tout réussir. Ma mère me disait toujours que la vie est parsemée de réussites mais aussi d'échecs. Et il faut savoir les accepter. Tu ne dois pas te sentir coupable. Et, je vais te dire la même chose que tu m'as dite hier, il ne faut pas laisser le passé te ronger le cœur.

— Tu as raison, dit-il en déposant un baiser sur ma main puis en la posant sur sa joue.

Je pose alors mon front contre les siens et frotte mon nez contre le sien.

— Tu sais, je veux protéger les mondes avec toi. Protéger les vies de nos doubles pour que plus jamais de telles choses se produisent.

Un sourire nait au coin de ses lèvres et il m'embrasse.

— Moi aussi.

J'enroule mes bras autour de lui, ressentant le besoin impérieux de le serrer tout contre moi.

— Il nous reste une cinquante minutes avant de rejoindre l'ASD, me murmure-t-il à l'oreille. J'ai une idée pour faire pour passer le temps... 


Désolée pour l'attente, mais suite à un problème technique, je n'ai pas pu publier la semaine dernière. 

Voici deux nouveaux chapitres. 

La suite mercredi : )

Merci pour votre patience. 

Bonne soirée. 

PARAL-LEL Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant