Chapitre 38

59 8 0
                                    


Dulcie

Je suis dans le tunnel matriciel. Je n'ai aucun contrôle de mon corps. C'est comme si je tombais dans le vide entrainée par une force inquiétante. Brusquement, mon corps se met en suspens et une scène dans ma chambre se diffuse sous mes yeux. Le sénateur me serre contre lui et nous nous embrassons encore, jusqu'à ce que Corv arrive et le chasse de ma chambre. La scène s'arrête comme lorsqu'on met une vidéo en pause puis la bande recule en arrière. Le tunnel m'aspire à nouveau et encore une fois une nouvelle scène. Le sénateur me parle, tentant de m'expliquer calmement qui il est, mais je le repousse. Connaître mon passé m'effraie encore et je sais que ça aura de mauvaise répercussion sur la Fluctuation. Je ne veux pas décevoir Corv. Ce dernier apparaît aussitôt et demande au sénateur ce qu'il se passe. Ne voyant pas le sénateur lui répondre, je discerne les yeux de Corv devenir rouge puis il crie :

« Vous n'êtes pas le sénateur Wellen ! »

Plusieurs scénarios différents se répètent ainsi, tous rapidement et tous devenant de plus en plus confus et obscurs. Dans la dernière scène à laquelle j'assiste, le sénateur prend la fuite en m'amenant avec lui, mais les gardes nous arrêtent et tirent sur lui.

En le voyant tomber la tête en arrière, une balle en plein cœur, ma respiration se bloque et j'ai l'impression que mon cœur éclate en mille morceaux.

Mes larmes coulent et sans m'en rendre compte, je suis de retour dans la réalité, dans ma chambre.

Les jambes flageolantes, je m'écroule. Inopinément, le sénateur me rattrape et me presse contre lui. Mon corps frissonne et réagit à son étreinte comme s'il en était habitué.

— Dulcie... murmure-t-il l'inquiétude rongeant son visage.

— Il y a plusieurs scénarios... et Corv va avoir des doutes sur vous... Amenez-moi sur mon lit.

Sans me poser de questions, il s'exécute et me dépose sur mon lit.

— Dulcie, aurais-tu vu les différentes possibilités de l'avenir ? interroge-t-il en repoussant des mèches de cheveux de mon front.

Oui. Je crois que c'est ça. Un don que j'ai eu après avoir attaqué la guerrière nécromancienne. J'acquiesce.

— C'est le brouillard dans ma tête, et je me sens tiraillée entre l'envie de me méfier de vous et l'envie de vous faire confiance, mais je sais que je n'ai pas envie que vous mourriez...

Il essuie les larmes qui perlent sur mes joues.

— Je ne mourrais pas.

— Alors il faut vous en allez maintenant et quitter le palais.

— Pas sans toi, Dulcie. Je ne quitterai pas cet endroit sans toi.

De la détermination brûle son regard et je sais que je n'arriverai pas à lui faire changer d'avis.

— Alors buvez une seule fois de la liqueur ou il se rendra compte que vous n'êtes pas le sénateur et il vous emprisonnera.

Il fronce les sourcils et tourne les yeux vers la bouteille, la regardant avec dégoût. Je pose alors ma main sur la sienne et lui dit :

— Je n'en boirais plus ensuite, c'est promis. Mais rien qu'une fois, prenez-le maintenant si vous tenez vraiment à moi et si vous ne voulez pas mourir.

Il hésite mais finit par se résigner. Il se sert de la liqueur et l'avale cul sec. Il ferme les yeux et secoue la tête. En les rouvrant, ses yeux étincellent d'un éclat verdoyant. Je fronce les sourcils, est-ce que moi aussi, mes yeux se mettent à luire dès que j'en bois ?

Brusquement Corv apparaît au milieu de la pièce et braque le sénateur du regard avant de poser les yeux sur moi.

— Dulcie. Tout va bien ?

— Oui, j'ai juste fait un petit malaise.

Il arque les sourcils puis me sonde. Je commence à comprendre qu'il surveille mon rythme cardiaque... Il le fait à chaque fois qu'il doute de moi. Etrange, pourquoi en ai-je conscience maintenant ? Est-ce parce que je n'ai pas pris la liqueur ? Non, je fixe Clay. Je devrais lui faire confiance.

Je reporte mon attention vers Corv.

— Je me sens mieux, tu n'as pas à t'inquiéter, lui rassuré-je.

— Et puis, je veille sur elle, poursuit le sénateur, ou plutôt Clay, en s'approchant de Corv, tout sourire.

Corv le braque alors du regard et ses yeux luisent.

Clay s'immobilise soudain, fixant Corv un très long moment avant de se tourner vers moi et déclarer :

— Il est maintenant temps que je m'en aille. Je vous laisse vous reposer, future Impératrice.

Mon estomac se noue en réalisant que la liqueur permet vraiment à Corv de contrôler les personnes. Clay tourne les talons et quitte la chambre, le regard vide. Pour la première fois depuis que je suis au palais, je me sens mal à l'aise.

— Ton rythme cardiaque est toujours aussi rapide, Dulcie. Je pensais que c'était la présence du sénateur, mais j'ai l'impression que c'est autre chose. D'autant plus que tu as disparu durant 58 secondes de Nanielrapa.

Je hausse les sourcils. Comment ça disparu ? Est-ce lorsque j'ai voyagé à travers les différentes possibilités d'un futur proche ?

— Je n'ai pas disparu, mais il est vrai que je me suis sentie partir... je me suis évanouie quelques secondes. Peut-être que durant ces quelques secondes je ne me suis pas maîtrisée et ai voyagé à travers le multivers sans m'en rendre compte.

Il plisse les yeux et me regarde comme pour savoir si je lui cache quelque chose.

— Peut-être, finit-il par confier.

— Je vais me reposer. Je veux être en forme pour la Fluctuation.

Je ferme les yeux sentant la présence de Corv encore un long moment.

Quand il s'en va, je me sens perdue et troublée. J'ai toujours eu la sensation d'avoir oublié des choses, chaque fois que j'y pensais, je n'y prêtais pas réellement attention. « Ce n'était pas grave » je me disais, mais à présent, j'ai l'impression que ce n'était pas moi qui pensais cela... C'était Corv... Et la Fluctuation ? Est-ce vraiment ce que je désire ? 

PARAL-LEL Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant