"And I know that you scared because I'm so open"
Golden - Harry Styles
Luc
Des gaufres avec du chocolat et du café : c'est comme ça qu'on commence bien une journée et aussi une année. Gabriel ne mange jamais rien le matin, sauf quand il est chez moi. Il se sent mal à l'aise de rester à table sans manger. Il boit un jus d'orange pressé et mange une gaufre. Le cuisinier de la maison, M. Gustave, ne travaille pas ici tous les jours. D'habitude, il cuisine seulement le soir et jamais le week-end. J'imagine que mes parents ont dû payer une fortune pour travailler à temps plein pendant toutes les vacances et même le jour du Nouvel An.
Mes parents sont rentrés encore plus tard que nous et prennent le déjeuner au lit. Mon père ne doit pas être content que Gaby soit là, je crois qu'il le tolère sans l'aimer. Il n'a jamais été très avenant envers lui, mais je suppose que sa présence ici suggère que j'ai été raisonnable hier. Je n'ai même pas la gueule de bois, au contraire, je suis en pleine forme.
La table est beaucoup trop grande pour nous deux, elle l'était déjà pour quatre. J'ai invité Charles à manger avec nous, mais il avait déjà petit-déjeuné. La salle est si chaleureuse aujourd'hui. Il fait chaud, la nourriture est excellente, l'odeur est appétissante, les petits rires de Gabriel résonnent. Sans oublier que mes parents ne sont pas là. La maison est vide sans tous les employés, mais elle n'a jamais paru aussi remplie de vie.
Après manger, Gabriel part se laver et enfile sa tenue de rechange que je garde toujours dans un placard pour les imprévus. J'emballe des gaufres et le raccompagne chez lui. On reste un peu chez lui et je rentre chez moi avant la tombée de la nuit.
J'ouvre la lourde porte de ma maison redevenue glaciale. Mes parents mangent devant la télévision.
— Lucian, viens t'asseoir, dit mon père quand il me voit.
Je viens en traînant des pieds me retenant de lever les yeux au ciel. Je tire la chaise en face de celle de ma mère. Je n'ai jamais compris pourquoi ils ne mangent pas en face à face. Mon père se met toujours en bout de table. Même pendant les repas, il veut une hiérarchie familiale. Ma mère me toise de haut en bas. Son mascara a un peu coulé, pas comme si elle avait pleuré, plutôt comme si elle avait dormi maquillé.
Mon père coupe son entrecôte avec précision, j'ai toujours détesté ça chez lui. Son côté chirurgien se retranscrit même dans la façon dont il mange. La main sûre, jamais tremblotante, sa viande coupée nette, le rouge de l'hémoglobine se répandant autour de sa viande, son expression neutre, son sang-froid permanent. Il est toujours glacial, apathique sauf quand on le pousse à bout où toute sa colère refoulée ressort mille fois plus violemment que s'il avait vécu normalement ses émotions. Est-ce qu'il a déjà été heureux dans sa vie ? A-t-il déjà montré sa joie ?
— Nouvelle année, nouvelles règles, commence-t-il juste après avoir fini son assiette.
Il me regarde enfin, droit dans les yeux. Son regard me perce, mais pas de façon agréable comme Gabriel. Gabriel lit en moi pour mieux me réconforter, lui, lit en moi pour mieux m'abattre. J'ai tout essayé pour qu'il n'y arrive pas, mais à chaque fois que ses iris noires se posent sur moi, je me sens comme un enfant. Il me fait perdre tous mes moyens. Devant lui, je serai toujours un enfant sans défense.
— Tu as un couvre-feu. Tous les soirs, je te veux à la maison à minuit et demi maximum. Si je te vois ivre ou drogué, tu auras une punition que je fixerai en fonction de la gravité de la situation. Tu vas aussi améliorer tes notes. Hors de questions que tu aies une seule note en dessous de la moyenne. Tu passes ton baccalauréat cette année, réveille-toi un peu. Et si tu t'avises de me parler à nouveau comme tu m'as parlé au téléphone, tu l'as compris, tu seras puni. Quand je ne serai pas là, ta mère s'occupera de te surveiller.
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Burning Red
RomansaGabriel et Luc, deux amis de toujours aux aspirations opposées, s'apprêtent à faire leur entrée en dernière année de lycée et dans le monde adulte. Durant quinze ans d'amitié, ils ont été omniprésent dans la vie l'un de l'autre, sans jamais s'imagi...