Chapitre 48

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"Don't want no other shade of blue but you"

Hoax - Taylor Swift

Luc

Dans un élan de courage, je dévale les escaliers et arrive dans la salle à manger où sont en train de dîner mes parents. Ils coupent leurs discussions, stupéfaits par l'air sur mon visage. Je tente de calmer mon rythme cardiaque et part m'asseoir en silence. Une assiette est servie à ma place. Je tente de manger quelques bouchées avant de me rendre compte que ma gorge est nouée par les mots que je choisis avant de prononcer.

Après un temps, leur conversation reprend. Je ne peux que fixer la vaisselle en porcelaine et les verres en cristal remplis de vin rouge de mes parents. J'attrape la bouteille et me sers un verre un ras-bord avant de le boire d'une traite. Je pense à cette locution latine In vino veritas, dans le vin, la vérité. Ou du moins, j'espère qu'il m'aidera à la dévoiler.

— Lucian, sérieusement ! Tu abuses là. C'est un verre à table, pas la moitié de la bouteille ! me gronde mon père.

Je ne réponds rien. Je préfère me concentrer sur cet événement qui, je le sais déjà, sera crucial dans l'histoire de ma vie. Je sens la sueur commencer à recouvrir la surface de ma peau, alors qu'intérieurement, je suis comme mort de froid. Je ne peux que me concentrer sur ce contraste de température physique.

— Lucian ! Je te parle, bon sang ! Tu pourrais daigner me répondre !

Je décroche enfin mes yeux de l'assiette beige que je n'ai pas touchée. À présent, ils pointent droit vers mon père. Louis Vallois. L'un des chirurgiens cardiaques le plus respecté en France et l'un des plus grands de son domaine. Il n'a pas les mêmes compétences en tant que père de famille, ni l'esprit ouvert. Pour lui, les apparences comptent plus que le bonheur de ses enfants.

— Bon, tu vas cracher le morceau, ça suffit, ton petit jeu ! finit-il par hurler en claquant ses couverts dans son assiette.

C'est le moment. Un acouphène résonne dans la pièce tant le silence est profond. Mon regard croise celui de ma mère, les sourcils froncés. Pas de colère, mais d'incompréhension quant à mon comportement. Puis la tension sur son front disparaît et sa bouche tombe presque au sol. Elle mime un "non" de la bouche, un avertissement discret.

Avertissement que j'ignore insolemment. Mon père s'enfonce dans sa chaise et attrape la serviette sur ses genoux pour essuyer sa bouche. Une fois fini, il me toise d'un air de défi. C'est comme s'il savait déjà ce que je voulais lui dire, mais qu'il faisait exprès de me tourmenter en feignant l'ignorance. Par pur sadisme.

— Papa, commencé-je. Je suis bisexuel. J'aime les filles et les garçons.

Je me redresse, le dos droit et la tête haute. Un voile noir vient recouvrir l'iris de mon père.

— Et je suis amoureux de Gabriel.

Brusquement, il fait s'écraser son poing gauche sur la table. Les assiettes tremblent et ma mère sursaute. Moi, je ne bouge pas d'un poil.

— Quitte-le. Personne ne doit rien savoir, rétorque-t-il, avec un sang-froid qui glace le mien.

— Hors de question.

Un sourire en coin se dresse sur mon visage. Je suis presque heureux de le mettre dans cet état.

— Tu es la pire chose qui me soit arrivée. Le pire fils que j'aurais pu avoir.

— Si j'ai échoué à tes yeux en tant que fils, sache que tu as échoué en tant que père.

Je me sens tellement libre. Je n'ai plus aucune réputation à tenir auprès de personne. Je me sens invincible, plus fort que jamais.

Burning RedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant