Burning Red

Chapitre 24

"You've had a long list of lovers, but none of them matter to you except me. I've had a long list of lovers, but none of them matter to me except you"

Sesame Syrup - Cigarettes after sex

Luc

Depuis que Gabriel est parti hier soir, je suis tellement préoccupé. J'ai l'impression d'avoir fait le tour de ma chambre plus d'un milliard de fois et ensuite, d'avoir fait celui de Paris encore plus. Comme à chaque fois que je suis pensif et stressé, je finis par revenir m'asseoir à mon bureau pour écrire. Aujourd'hui, tout me ramène à Gabriel. Le moindre détail le plus insignifiant me ramène à lui. Par exemple, rien que le fait d'être assis devant un bureau me rappelle celui de Gabriel. Son grand et large bureau, plus haut que la moyenne. Son père le lui a construit il y a plusieurs années, quand il a commencé à coudre. Il avait besoin de place et tous les bureaux étaient inconfortables pour lui à cause de sa taille. Son père a donc mis en œuvre ses talents de bricolage pour que son fils ait un bureau confortable à sa taille.

Donc, j'attrape un papier et un stylo, mais je sèche. Je ne sais pas par où commencer, je ne sais pas quels mots sont les plus justes pour rendre justice à ma pensée. Quand on ne sait pas par où commencer, on fait une liste de tout ce qu'on doit dire pour ensuite réorganiser tout ça. Alors, je commence à faire une liste. Une liste de toutes les choses que je suis incapable de lui dire.

La première chose que j'inscris est « Je t'aime aussi ». Comment je suis censé lui dire que je l'aime alors que ça pourrait littéralement causer la fin de toutes mes relations. Ça pourrait tout gâcher entre nous, avec Lana, avec Jade. Le pire, ce sera avec mon père. S'il apprend pour nous deux, qui sait ce qu'il pourra faire. Même si j'ai l'impression que le monde se retournera contre moi, je ne peux pas m'empêcher de l'aimer. La seule chose que je sais, c'est qu'à la seconde où il m'a dit qu'il était amoureux de moi, mon cœur a répondu que lui aussi.

J'ai lutté contre l'envie de l'embrasser hier, sur le balcon. J'ai tant lutté que j'en ai eu mal au ventre toute la soirée. Son aveu remet tout mon monde en question. J'ai longtemps pensé que je finirai ma vie dans la vingtaine après avoir tout testé et vécu à mille à l'heure. J'avais la Fureur de Vivre, je voulais « vivre vite, mourir jeune et laisser un beau cadavre ». Aujourd'hui, un homme avec les yeux aussi beaux que ceux de James Dean me fait imaginer mon visage ridé près du sien au début des années 2100.

Je veux dire que, même quand je me suis vu épouser Lana, je ne me suis jamais dit que je pourrais avoir accès à ce genre de bonheur. Je sais que je serais heureux avec une personne qui me traitera bien, qui sera stable et avec qui je pourrais fonder une famille, mais là, je vois que je pourrais avoir accès au bonheur et à l'amour fou en même temps. Tous mes rêves peuvent être accessibles, mais ça fait peur, je ne veux pas les gâcher. Dans un sens, je peux enfin me permettre de rêver ambitieusement.

La deuxième chose que j'écris sur ma liste est "je suis désolé". Mon indécision finit toujours par lui faire du mal, je le sens quand ses yeux prennent cette lueur de glace et pourtant, ma fierté m'empêche constamment de lui présenter des excuses. Les remords et les regrets me rongent de l'intérieur comme s'ils étaient de l'acide sur mes os.

Dans tous les cas, ouvrir mon cœur ressemble à une mutilation plus qu'à une libération. Les choses importantes pour moi sont vraiment difficiles à dire et les mots restent coincés dans ma gorge. Mais si je devais parler d'amour, je parlerais de Gabriel sans grandes difficultés.

Je me mets à gribouiller des mots sortant de mon coeur comme mon sang si je m'étais coupé les veines. Dans ma folie créative, je suis coupé par quelqu'un qui toque à la porte.