Burning Red

Chapitre 25

"'Cause all my enemies started out friends"

The Archer- Taylor Swift

Luc

Je marche les poings serrés. Je manque de me faire renverser plus d'une fois en traversant la route au feu rouge. Quelques minutes plus tard, j'arrive dans le parc.

Je le vois au loin, assis, le dos courbé et les coudes appuyés sur les genoux. Il regarde quelque chose sur son téléphone, Jade et Lana ont dû le prévenir. Il n'a pas fui, c'est déjà bien. Je martèle le sol de mes pas, avançant vers lui. Il lève la tête vers moi et pas une once de surprise ne surgit dans ses yeux.

Je ne me démonte pas et l'attrape par la veste. Je le lève et nos visages se font face. Il ne se défend pas. Il maintient son regard droit dans le mien, mais n'essaye pas de se dégager.

Je relâche mes épaules, je ne peux pas frapper quelqu'un qui ne se défend même pas. Je ne peux frapper un faible, c'est complètement ridicule. Qu'est-ce que j'allais faire ? Je suis vraiment un imbécile aveuglé par la colère. Je suis chamboulé depuis plusieurs jours, je voulais me défouler sur lui, mais je n'ai plus dix ans pour régler mes soucis par la violence.

Je le lâche et m'effondre presque sur le banc où il était assis. Je prends ma tête entre mes mains. Milo s'assoit à côté de moi, le dos bien droit.

— Luc, dans d'autres circonstances, on aurait pu être amis.

— À mes yeux, on l'était déjà, avant que tu n'encourages ma copine à me quitter.

— C'est pour ça que tu voulais me frapper ? demande-t-il presque en riant. Je suis amoureux d'elle et elle doit être la seule à ne pas l'avoir remarquée. Alors, même si elle ne sort pas avec moi, elle mérite quelqu'un qui la traitera mieux que tu ne le fais.

— Pourquoi tu ne t'es pas défendu ? Tu allais me laisser te frapper ?

— Je ne veux pas me battre avec toi, Luc. Les personnes blessées blessent les autres et je pense que tu es en miette à l'intérieur. Tu t'es autodétruit pour avoir le mérite de dire que tu n'as pas été détruit par ton père ou je ne sais pas qui. Je ne veux pas me battre avec quelqu'un pour qui j'ai de la peine.

— T'es vraiment qu'un connard prétentieux, Milo, tu le sais ça ? Tu prends tout le monde de haut tout le temps. Tu penses réellement que tu vaux mieux que moi ? Je vais te dire un truc, de nous deux, le plus brisé, c'est toi.

— Évidemment que j'ai le cœur en miettes, ma mère est morte et je n'arrive pas à aller mieux.

Sa voix se brise et une larme coule en silence sur sa joue.

— Depuis ça, je dois m'occuper de tout le monde, mais qui s'occupe de moi ? reprend-il. Je prends soin de Sélène et de Damien parce que mon père en est incapable depuis la mort de maman. La seule personne qui ne me traite pas comme un pauvre petit dont la mère est morte, c'est Jerem et il n'est pas là. Je suis peut-être quelqu'un de triste, mais au moins, je n'essaye pas de détruire les autres pour qu'on soit au même niveau de malheur.

Je n'ai que de bons souvenirs de Lianna. Elle rapportait toujours des gâteaux pour Gaby et moi, le soir après l'école. Je pense qu'elle avait un esprit maternel vraiment fort. Elle avait de la peine pour le pauvre petit abandonné par sa mère et celui qui en a toujours une, mais qui se fiche de lui. Lianna est morte dans un accident de voiture quelques années auparavant. C'est là que Milo s'est rapproché de Diana et Lana qui allaient chez lui quasiment tous les jours, puisqu'elles habitaient à côté. La tombe de Lianna est probablement la plus fleurie du cimetière.

— Je t'aimais bien, Milo. Pourquoi tu fais tout pour que je te déteste ?

— Je n'ai rien fait de tout ça, Luc. Je vis juste ma vie pour moi et pas pour toi.

— Tu manques de loyauté, tu me plantes des couteaux dans le dos.

— Je ne suis pas censé te devoir une quelconque loyauté, vu qu'on n'a jamais été amis. On ne se côtoie que par Lana. Ma mère disait toujours "Si quelqu'un parle derrière ton dos, laisse-le faire, il a trouvé sa place. Tu auras le champ libre pour avancer."

— Quand je te disais que tu es un connard hautain, je parlais de ça. Tu fais tout pour me voler ma copine et tu me dis d'avancer.

— Pourquoi tu continues de t'attacher à Lana alors que tu ne l'aimes pas ?

— Bien sûr que je l'aime.

C'est vrai, je ne suis plus amoureux d'elle, mais je l'aime profondément. Je sais que je pourrais être heureux avec elle. Je pourrais construire une maison aimante, on pourrait avoir de beaux enfants pour la remplir. Je rentrerais du travail avec les jouets qu'ils entourent sur les catalogues. Je les aimerais comme je suis incapable d'aimer quiconque.

— Luc, tu ne l'aimes pas. Tu accordes plus d'importance à Gabriel qu'à elle. À vrai dire, on dirait même que tu es amoureux de lui et pas d'elle.

Mes yeux s'écarquillent et ma mâchoire tombe. Il a deviné. Je veux que personne ne soit au courant le temps que je prenne ma décision. J'hésite entre nier, avouer, le supplier de ne rien dire, rire ou encore me terrer dans le silence.

Je réfléchis trop longtemps, Milo qui tourne la tête vers moi.

— Pourquoi tu fais cette tête, dit-il en riant, tu l'aimes vraiment ou quoi.

Seul son rire résonne dans ce silence. Comprenant que je ne ris pas, il s'arrête et réalise que oui, je suis amoureux de Gabriel.

— Putain, comment j'ai fait pour ne pas le remarquer plus tôt ? Bien sûr que tu l'aimes, c'est évident. Tu as tout fait pour le cacher, mais c'est comme si tu avais sauté dans l'océan pour échapper à la pluie.

— Milo, tu ne dois pas en parler. Je dois pouvoir en parler à Lana moi-même.

— Arrête de lui faire croire que tu l'aimeras un jour alors que tu n'as que Gabriel dans le cœur.

— Promets-moi que tu ne diras rien, le supplié-je.

— Je ne dirai rien.

— Merci, repondé-je simplement.

— Bon, je vais rentrer alors, je suppose qu'on s'est tout dit et que tout est clair.

Je hoche la tête pour lui indiquer que je lui suis reconnaissant et que je vais m'en aller aussi. Sans un au revoir, il me tourne le dos et traverse le parc pour en sortir. Je me dirige alors vers chez Jade pour rendre son téléphone à Lana.

Je sonne et monte lui donner son téléphone. Je rentre chez moi sans me retourner ou répondre aux incessantes questions de Lana. Je suis épuisé.

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