"Feels like we had matching wounds but mine's still black and bruised and yours is perfectly fine"
The Exit - Conan Gray
Gabriel
Je ne sais plus qui a dit que faire rêver les gens était le meilleur moyen de les garder endormis, car le rêve leur donne l'illusion d'être éveillé, mais c'est précisément ce que je ressens en ce moment. Je suis trop bête. C'était trop beau pour être vrai et j'aurais dû m'en rendre compte. Le pire, c'est que je ne me sens même pas légitime à me plaindre, puisque je savais depuis le début que l'aimer reviendrait à perdre la tête. Maintenant, il ne me reste plus que l'envie de m'arracher les cheveux.
Je deviens fou sans lui. Je me suis réveillé en sueur d'un rêve cette nuit. Luc était dedans, il incarnait chaque personne que je croisais et il me répétait toujours la même phrase : Est-ce qu'on aura une autre chance dans un autre univers ? À chaque fois, je répondais qu'on en avait déjà eu une dans celui-ci et qu'il l'avait gâché. Ça a continué jusqu'à ce que je finisse par lui hurler de me laisser et que je me réveille. J'ai pleuré le reste de la nuit après ça. J'ai arrêté quand je me suis demandé si quelqu'un avait déjà pleuré pour moi et que je me suis rendu compte que la réponse était probablement non. C'est l'histoire de ma vie, je comprends les autres, mais personne ne me comprend.
N'empêche que j'ai beau le cacher, rêver de quelqu'un reste une grande preuve de considération.
J'ai décidé de me laisser aller à la tristesse tout le temps que je serai seul chez moi, et de faire comme si de rien n'était pour ne pas inquiéter mon père à son retour. Il doit déjà gérer le départ de la personne qu'il aime, je ne vais pas rajouter ça sur sa conscience.
Je me laisse donc aller au gré de mes envies, ou plutôt de mes non-envies. Je reste affalé devant la télé toute la journée. Quand j'aurai faim, si j'ai faim et le courage pour cuisiner, je me ferai des pâtes avec n'importe quoi en accompagnement. Je passe de chaîne en chaîne, essayant de trouver le programme le plus abrutissant pour que mon cerveau devienne un légume le plus vite possible et que j'arrête de penser à tout ça.
Soudain, la sonnette retentit. Je ne réponds pas, je n'attends personne et ne veux voir personne. Quelques secondes plus tard, ça recommence. Puis encore. Et encore. Cette fois-ci, je décide d'aller voir dans le judas, c'est peut-être quelque chose de grave.
J'avance à pas de loup dans le couloir sombre qui mène à ma porte d'entrée. J'essaye de ne pas faire de bruit. Je glisse délicatement le petit morceau de métal doré cachant l'œil de bœuf, puis je vois Lana. Elle regarde droit vers moi. Je suis tétanisé. J'espère qu'elle ne m'a pas vu. Inconsciemment, je recule d'un pas.
— Gabriel, je t'ai vu. Ouvre-moi, s'il te plait. J'aimerais te parler.
Et merde. Plus trop le choix, je lui ouvre et l'invite à entrer. Elle a l'air dans un sale état. Son mascara a coulé, ses yeux sont rouges, elle a les mêmes vêtements que la veille. Elle retire ses talons à la seconde où elle passe le pas de la porte, preuve qu'elle devait avoir mal.
— Tu veux boire quelque chose ? je propose.
— Je veux bien de l'eau, s'il te plait.
Elle me suit vers la cuisine. Lana s'assoit sur une chaise longue, s'accoude à mon comptoir et je nous sers deux verres d'eau. Je pose devant nous un paquet de bonbons qu'il restait dans mon placard. On en mange un ou deux, en se regardant dans le blanc des yeux, avant qu'elle ne me répète qu'elle souhaite me parler.
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Burning Red
RomansaGabriel et Luc, deux amis de toujours aux aspirations opposées, s'apprêtent à faire leur entrée en dernière année de lycée et dans le monde adulte. Durant quinze ans d'amitié, ils ont été omniprésent dans la vie l'un de l'autre, sans jamais s'imagi...