Chapitre 20

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"Did you hear my covert narcissism I disguise as altruism"

Anti-Hero - Taylor Swift

Luc

J'étais en cours de philosophie quand mon téléphone a vibré. Gabriel m'a envoyé un message pour me dire qu'il avait quelque chose à m'annoncer et qu'il fallait que je le rejoigne devant le Louvre. Je lui ai demandé ce qu'il faisait là-bas. Il m'a dit qu'il avait besoin de réfléchir au calme. Dès que la sonnerie retentit, je cours presque hors du lycée et saute dans le métro jusqu'au Louvre. Je sors un arrêt avant parce qu'il ne va pas assez vite à mon goût et que je ne tiens plus en place. La lumière du jour m'aveugle quand je sors.

Je marche une quinzaine de minutes et la pyramide en verre se dessine à l'horizon. Je redouble de vitesse et j'aperçois Gaby assis sur les marches du bâtiment derrière. Son regard est perdu droit devant lui, il ne tourne jamais la tête. On dirait presque qu'il ne cligne pas des yeux, c'est tellement étrange.

Je m'assieds à côté de lui sans oser le serrer dans mes bras. J'attends qu'il parle pour savoir comment agir avec lui.

— Merci d'être arrivé aussi vite, Lucian. Tu vas bien ?

— Oui, et toi ? demandé-je pour ne pas être trop brusque.

— Ça va.

Le soleil tape contre le Louvre et le verre renvoie la lumière. Ce qu'il veut me dire paraît si grave que je veux être délicat, ne rien lui demander et attendre qu'il le fasse. Je vois qu'il n'est même pas en train de chercher ses mots. Sa bouche est si close qu'elle paraît cousue. Je commence à paniquer, je ne résiste jamais à la pression. Je sens que je vais commencer à parler et raconter tout ce qui me passe par la tête pour combler le blanc. Des pigeons passent devant nous, ils sont partout à Paris, mais sur la place du Louvre, ils sont plus nombreux. Ce n'est probablement qu'une impression.

— J'adore les pigeons, lâché-je à Gaby, ma remarque lui arrache un sourire alors je continue, ne te moque pas, je suis sérieux ! Il me semble que pendant l'Antiquité, ils ont été domestiqués par les humains pour s'envoyer des messages. Ils revenaient à chaque fois parce que leurs petits étaient ici, ils retrouvaient leur chemin comme ça. Ils sont extrêmement fidèles, même envers nous, alors qu'on les a abandonnés du jour au lendemain quand la technologie est arrivée. Maintenant, ils sont vus comme sales et personne ne les aime alors qu'à cause de nous, ils ont des difficultés à construire leur nid. Ils ne savent plus comment faire puisqu'ils en avaient perdu l'utilité. Ils continuent de vivre avec nous malgré tout, juste parce que c'est tout ce qu'ils connaissent. Pour ça, j'ai de l'empathie pour eux et pour leur fidélité qui les a amenés à être détestés. Je leur donne toujours un petit bout de pain quand je mange un sandwich dans la rue, comme pour leur dire que moi, je les remercie d'être là.

— C'est triste, dit-il simplement.

Il enfouit son visage au creux de ses mains. Je commence à penser que j'ai fait quelque chose de mal ou qu'il veut m'avouer quelque chose que je ne suis pas capable d'entendre. L'espace qu'un instant, j'ai peur pour moi plus que pour lui et je me surprends un égoïsme dont je ne me pensais pas capable.

— Lucian, je dois te dire quelque chose.

Mon corps se redresse et je reste figé. Mon rythme cardiaque s'accélère et j'ai du mal à déglutir.

— Je t'écoute.

— Mon père a reçu un appel hier soir. Ma mère est internée à l'hôpital de ton père. Elle est atteinte d'une insuffisance cardiaque, mais son groupe sanguin est rare, donc il est peu probable qu'elle reçoive une greffe avant de succomber. Apparemment, elle est sur les listes de dons depuis des années, mais n'a jamais été appelée.

Burning RedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant