Chapitre 50

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"I won't ask you to wait if you don't ask me to stay"

'tis the damn season - Taylor Swift

Gabriel

Je pourrais changer n'importe quoi à propos de moi pour correspondre à Luc. Même abandonner mon rêve de mode. De toute façon, Luc constitue plus qu'un rêve à mes yeux, il constitue un objectif tangible. Il n'est pas fugace comme les projets de jeunesse. Il est bien là, et, comme il l'a montré, prêt à se battre pour mon bonheur.

Je ne sais pas si je serai heureux en tant que créateur, en revanche, je sais avec certitude que je serai heureux avec lui, même si je dois vivre dans une petite maison de campagne et pas dans un building. J'irais même plus loin en disant que si j'obtenais tout ce que j'ai toujours voulu sans l'avoir lui, rien n'aurait de sens. Mon bonheur serait toujours incomplet.

Je sors de mon rendez-vous avec le banquier. Il s'est assez mal passé. Je ne peux cumuler qu'un crédit qui ne couvrira que les frais de scolarité. Quant aux dépenses annexes, de matériel ou de logement, je devrai travailler. Or, vu les horaires de mon école et les devoirs, il est absolument impossible de travailler à côté si je veux rendre mes travaux à l'heure. Et encore moins à plein temps. Mon père me propose de prendre en charge mon crédit, mais même comme ça, il me paraît surhumain de lui demander de tout prendre en charge et encore plus surhumain de travailler à côté de mes études. Mais si je dois le faire, je me remonterai les manches et je le ferai.

Ça mérite encore réflexion. Je pourrais aller dans une autre fac de mode. Elles m'intéressent moins et je n'aurais clairement pas la même motivation, mais les frais seraient moindres et j'aurais peut-être une chance de réussir mes études.

Après mon rendez-vous, je suis allé en cours. C'est le dernier jour de lycée. La semaine prochaine, je passe mes examens. Je commence tout juste à paniquer. Je n'ai absolument rien écouté de toute l'année et j'ai loupé énormément de cours. En plus, je dois me décider : nous sommes fin-juin, les dossiers d'inscription sont début juillet, et si j'accepte New York, je pars dans la foulée pour emménager et reprendre les cours fin août. Programme chargé.

Aujourd'hui, on fait un goûter. J'ai ramené des bonbons. J'avais dit à Luc que je ne voulais pas y aller, mais il m'a convaincu.

Il y a quelques mois en arrière, je n'aurais jamais imaginé avoir un pincement au cœur en pensant que je ne reverrai plus jamais le lycée. Parfois, on s'encrasse dans une routine et en sortir, même si c'est pour le meilleur, est effrayant. On rejette ce qui nous fait peur. J'ai presque envie de louper mes examens pour repasser une année ici avec Luc. Je pensais que le lycée était un temps suspendu qui paraissait durer une éternité, pourtant, c'est faux. C'est passé à une allure folle et ça ne représentera bientôt qu'un lointain mirage, une parenthèse de ma vie.

Ça me fait surtout bizarre de me dire que je vois mes potes de classe pour la dernière fois. Je les appréciais vraiment, mais pas assez pour les voir en dehors du lycée.

En attendant, je rejoins Luc et, pudiquement, il pose ses lèvres sur les miennes. Il ouvre mon sac à dos, attrape le paquet de bonbons. Il arrache le plastique afin d'en prendre un. Ce sont ses préférés, des cocas acidulés. Il adore aussi les sucettes bleues qui piquent et colorent la langue, mais je n'en ai pas trouvé. On avait une obsession maladive pour ces sucettes avant. Je crois que c'était tel qu'on avait oublié la vraie couleur de notre langue.

— Ça va avec ton père ?

— On peut dire ça. Il ne m'adresse plus la parole, ni ne me regarde. Dans un sens, au moins, j'ai la paix.

Burning RedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant