Chapitre 12

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"It's hard for me to go home, to be so lonely"

To be so lonely - Harry Styles

Gabriel

Quand j'étais enfant, je pensais que tous les amours étaient les mêmes. Quand je demandais à mon père s'il aimait maman plus que moi, il me disait toujours que c'était différent. Je me souviens que j'étais tellement frustré. Moi, j'aimais tout le monde de la même façon. Il voyait bien que sa réponse ne me convenait pas alors, il finissait toujours par me dire que peu importe que tous les amours ne se valent pas, celui qu'il me porte est de loin le plus fort de tous ceux qu'il n'a jamais ressentis. Alors, je retrouvais le sourire.

Cette période était sans hésiter le moment de mon existence où j'étais le plus naïf. J'ai vite découvert que mon amour pour mon père est différent de celui que j'éprouve pour Luc et mes amis. Il est autant différent qu'il est incomparable et inquantifiable. C'est la plus belle chose dans l'amour, il est déclinable sans jamais se diviser.

J'ai toujours su exactement ce que je ressentais quand je le ressentais. Du moins au niveau des sentiments amoureux. J'ai eu des flirts, de l'attirance, des sentiments mais jamais plus. Je ne saurais même pas à quoi ça ressemble d'être amoureux. Mon père est un romantique et la description qu'il m'en fait ressemble plus à celle d'un mauvais film de romance qu'à la réalité, et il est célibataire depuis ma mère, alors, je ne sais pas s'il est la personne la plus experte en la matière.

Mais au Nouvel An, j'ai ressenti quelque chose de vraiment étrange. Je parlais à Luc, pour qui j'ai toujours eu le plus profond des amours, et je me souviens avoir pensé que quelque chose était différent. Que je me sentais différent. Depuis que cette pensée est entrée dans ma tête sans y être invitée, elle ne veut plus partir. Au contraire, elle s'est enracinée quand Luc m'a regardé, ses yeux habituellement d'un brun froid se sont plutôt teintés d'un marron chaud. Un marron réconfortant et sucré, comme du chocolat au lait. Ce soir-là, quand il m'a regardé, mon estomac m'a picoté. Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire et j'oubliais presque de respirer.

Être avec Luc, c'est étonnamment facile. Je ne réfléchis pas à ce que je dois dire ou comment le dire, je le dis et c'est tout. Je ne réfléchis pas à comment me conduire, j'agis juste comme j'en ai envie. Toute la différence avec les autres est là. Dans le fond, mes amis sont principalement les amis de Luc, mais lui, est mon ami avant d'être le leur et c'est le plus grand privilège. Tout le monde qui rencontre Luc veut être son ami ou son amant. Il est magnétique, hypnotisant. Luc, lui, veut être près de moi, c'est gratifiant. Je suppose que je ressens surtout une sorte d'addiction pour lui. Maintenant que je sais ce que ça fait d'être aimé par quelqu'un comme lui, je ne pourrai plus m'en passer. Parce qu'une fois qu'on se sent aimé par Luc, on pourrait s'exiler loin du jardin d'Éden juste pour succomber à sa tentation, car rien, pas même le paradis, ne donne plus envie que lui. L'aimer paraît altruiste, mais il n'en est rien, c'est l'égoïsme le plus pur parce que l'aimer revient à s'aimer soi. Il rend tout autour de lui plus beau. Il me met en valeur comme le plus beau des bijoux.

— Gab, tu sors aujourd'hui ? me demande mon père en entrant dans la cuisine.

— Oui, je rejoins Luc.

— Tu me diras si tu veux que je vienne te chercher. D'ailleurs, Gabriel, tu as reçu une carte de Noël de ton grand-père. Elle est arrivée en retard, je l'ai posée sur la table du salon.

— Merci.

— Ça ne va pas ? Tu n'es pas très bavard.

Je reviens à moi et force un sourire.

Burning RedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant