"You showed me colors you know I can't see with anyone else."
Illicit Affairs - Taylor Swift
Gabriel
Chanson Bonus : Bored, Billie Eillish
Le vide. C'est ça, le vrai chagrin. Ne plus rien ressentir du tout, en finir par prier le ciel de ressentir la peine la plus intense, car même ça, serait mieux que rien. On finit par se demander si on est vraiment peiné de la situation. La tristesse devient alors plus comme un sentiment lointain, on sait qu'on est triste, mais on ne s'en rend même plus compte. Peut-être que ce vide en question est en réalité notre accoutumance et notre résilience au malheur qui nous foudroie toujours un peu plus.
Depuis la semaine dernière, tout me paraît irréel. Comme si mon âme était au-dessus de mon corps. Les sons me parviennent en bribes, les images que je vois ne sont pas analysées par mon cerveau. La vie s'est comme figée autour de moi.
Tout cela, c'est depuis que Luc est venu chez moi. Je m'en suis voulu de ne pas avoir su quoi dire. À vrai dire, je sais qu'il veut avoir une discussion, mais je ne sais toujours pas quoi dire. À chaque fois que je le vois, je perds mes mots, mais ça n'a pas d'importance, car il ne les aurait pas compris de toute façon. Je pense que l'idée globale, c'est qu'il est un menteur qui m'a fait du love bombing et que s'il me voulait réellement, comme il le dit si fort, il aurait dû le montrer.
Au début, j'attendais ses appels avec impatience, car ça montrait qu'il s'en voulait et qu'il voulait de moi. Mais c'est faux, il ne s'en veut que depuis que je l'ai appris. Maintenant, je n'attends même plus de lui qu'il m'appelle, et de toute manière, je ne décrocherai pas. Je n'attends plus rien de lui. Je l'ai fait avant, et voilà le résultat. Parfois, on en attend beaucoup des autres parce qu'on sait qu'on est prêt à faire la même chose en retour. Seulement, les autres, ce n'est pas moi.
Je m'en suis même voulu de partir à New York. Je sais qu'il ne croit pas aux relations à distance, alors que moi, si. Je me suis auto-flagellé, parce que je me suis dit qu'il avait ça sur la conscience et que ça avait dû jouer à un moment ou un autre dans notre relation. Peut-être qu'inconsciemment, il ne nous a pas pris au sérieux car notre relation avait une date de fin entourée en rouge sur son calendrier, date qui correspond à ma rentrée en école de mode.
J'aimerais pouvoir l'oublier. Ou même ne jamais l'avoir rencontré. Non, c'est faux, j'aimerais seulement ne jamais être tombé amoureux de lui. Le problème, c'est que vouloir oublier, c'est y penser tout le temps. À un point que ça en devient obsédant. Je me suis juré que je ne penserai plus à lui, et après, une de tes chansons préférées, Motion Sickness de Phoebe Bridgers, est passée dans ma playlist. Puis, en rangeant ma chambre, j'ai vu ce t-shirt qu'il laisse toujours chez moi au cas où il resterait dormir à l'improviste. Après, je suis descendu manger un morceau, j'ai ouvert le frigo et j'ai vu sa boisson favorite. Celle que mon père achète toujours pour lui, du Coca Cherry. Je me suis lavé et j'ai failli mettre mon parfum, le Bleu de Chanel, juste parce que je sais qu'il l'adore. Tout me ramène à lui, absolument tout.
Il faut dire que j'ai organisé le moindre élément et la moindre pensée de ma vie autour de lui, en fonction de lui. Cela fait quinze ans qu'on se connait, alors on n'oublie pas en une semaine ce qui représente tout ce qu'on a toujours connu. Le pire, c'est que je sais que je pourrais le pardonner. C'est le reste de ma dignité qui crie au fond de moi de le punir pour tout, même pour des choses qu'il n'a pas faites ou qu'il aurait dû faire. Mais oui, en toute honnêteté, je serai capable de tout lui pardonner. En revanche, je serai incapable de me pardonner moi pour manquer autant d'estime et de respect envers ma personne.
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Burning Red
RomansaGabriel et Luc, deux amis de toujours aux aspirations opposées, s'apprêtent à faire leur entrée en dernière année de lycée et dans le monde adulte. Durant quinze ans d'amitié, ils ont été omniprésent dans la vie l'un de l'autre, sans jamais s'imagi...