"I'm trying to be brave, stop asking me to stay"
Love in the dark - Adele
Luc
— Maman, je peux te parler, je commence en entrant dans le petit bureau de ma mère.
Il est tellement chargé, des dossiers sont toujours ouverts partout sur le bois massif. Elle relève ses lunettes carées sur le haut de sa tête et me toise, essayant de deviner le niveau de sérieux que notre conversation aura.
— Entre, Luc.
Elle s'enfonce dans sa chaise, croise les jambes et attrape un stylo pour s'occuper les mains. Je la sens stressée. On n'a pas vraiment l'habitude de se parler sérieusement. Elle regarde autour d'elle les murs blancs pour essayer de découvrir une porte secrète qui pourrait lui permettre de s'enfuir. Ça m'étonnerait qu'elle en trouve une, puisqu'elle n'ouvre déjà pas beaucoup les fenêtres. Cette pièce sent le Chanel n°5 et la poussière. Ses talons sont rangés près de la porte, elle déteste le bruit des talons contre le parquet à longueur de journée. Elle marche donc en chaussette. En revanche, son brushing est toujours parfait et sa tenue élégante. Gabriel adorait s'en inspirer.
— Tu voulais me parler de quelque chose ?
Ma gorge se noue. Je ne sais pas si je vais être capable de parler. Les battements de mon cœur s'emballent, mais je ferai tout pour Gabriel. Une tension s'installe entre nous, volant dans l'air comme les particules de poussières dans la pièce pas assez aérée. Même les ménagères n'ont pas le droit d'y entrer quand ma mère n'est pas là. Ça représente bien ma mère. Elle ne sait pas déléguer et ne fait confiance à personne.
— Maman, je dois te parler de quelque chose de vraiment très important pour moi. Tu ne dois pas en parler à papa, je peux te faire confiance ?
— Luc, est-ce que ton père et moi, on se raconte des secrets ? Je ne lui fais pas confiance pour garder les miens, alors je ne lui confierai pas ceux de mes enfants. Surtout, vu son comportement, disons, virulent. Donc, je t'écoute, affirme-t-elle.
— Maman, Dany avait raison. Je suis bisexuel.
— Tout le monde le sait, Luc. Ton père ne veut pas voir la vérité en face, c'est tout. Si c'est de ça que tu voulais me parler, tu n'avais pas besoin de te mettre une telle pression.
— Non, le plus important, c'est que je suis amoureux de Gabriel.
Sa bouche tombe, preuve de son étonnement. Elle lâche le stylo plume en acier sur le bureau, dans un bruit sourd, pareil au son d'une balle.
— J'ai besoin d'un conseil. Gabriel m'a proposé de partir avec lui à New York, mais tu sais, j'ai un deal avec papa. Tu penses que c'est possible ?
— Non, répond-elle sèchement. Il ne faut jamais désobéir à ton père, jamais. Tu ne te souviens pas quand il t'a trouvé après avoir volé des pilules dans son cabinet ?
Mes yeux s'écarquillent. Mon souffle se coupe avant de reprendre plus vite que la norme. Je serre la mâchoire.
— Tu étais au courant ?
Elle ne répond rien et baisse la tête. J'aurais honte aussi à sa place. Elle a su qu'il a menacé de me tuer, et elle n'a rien dit alors qu'elle est persuadée qu'il en est capable. Il a placé un couteau de cuisine japonais sur ma jugulaire, me disant que si je prenais encore quoi que ce soit dans son bureau ou s'il me voyait à nouveau dans cet état-là, il ferait en sorte de ne jamais me revoir tout court. Il m'a expliqué soigneusement qu'il n'a pas peur du sang et des cadavres. Il m'a dit qu'il savait où planter un couteau et comment le faire pour que ça ne laisse presque aucune trace de sang et que de toute façon, il savait comment le nettoyer. Il m'a dit que si je préférais les pilules, il pourrait m'en donner qui seraient invisibles à l'examen toxicologique ou qu'il ferait croire à une overdose. Il m'a dit qu'il était hors de question que sa réputation soit ruinée par un scandale de vol de médicament et qu'il ne veut pas être accusé de trafic de psychotropes et de morphine. Elle a su tout ça, et elle n'a rien fait.
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Burning Red
RomanceGabriel et Luc, deux amis de toujours aux aspirations opposées, s'apprêtent à faire leur entrée en dernière année de lycée et dans le monde adulte. Durant quinze ans d'amitié, ils ont été omniprésent dans la vie l'un de l'autre, sans jamais s'imagi...