Chapitre 13

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"Does she mean you forgot about me ?"

Happier - Olivia Rodrigo

Luc

En me levant, j'ai réalisé que dans quelques heures, acheter de l'alcool ne sera plus interdit pour moi. Ça me rend presque triste d'y penser, même si on ne m'a jamais demandé ma carte d'identité. Il faut croire que j'ai l'air plus vieux que je ne le suis réellement. Je n'aurai dix-huit ans qu'à 3 h 49 demain matin. Si je n'avais pas décidé de boire moins d'alcool, je serais parti dans la première épicerie et aurais acheté un pack de bière juste pour marquer le coup. Ce n'est pas rien, c'est ma dernière fois en tant que hors-la-loi.

Ce matin, Hayden, le père de Gaby, est parti à Londres pour nous laisser la maison. Je ne sais toujours pas ce que Gaby lui a promis pour qu'il accepte qu'on organise une petite fête chez lui. À sa place, je n'aurais jamais dit oui. J'ai dit à mon père que j'allais dormir chez Gaby, sauf qu'il n'avait pas l'air de me croire, mais visiblement, une journée loin de moi vaut plus que n'importe laquelle des punitions qu'il aimerait m'infliger. Il ne me déteste pas, il est indifférent à moi et c'est ce qui me blesse.

Sur le trajet en voiture avec Charles, je regarde la ville défiler, ma tête appuyée contre la fenêtre. Mon souffle contre cette vitre crée une fine couche de buée. J'aimais tellement dessiner toutes sortes de choses avant. Quand l'ai-je fait pour la dernière fois ? Tout ce que je sais, c'est que ça pourrait être aujourd'hui, alors je réfléchis à ce qui vaudrait la peine d'être gravé. Je pense à un cœur mais c'est trop banal, un attribut masculin mais je ne suis plus un ado prépubère. Rien ne me semble valoir la peine d'être dessiné. J'arrive devant chez Gaby et je me dis que lui vaudrait la peine d'être immortalisé. J'écris alors son nom. Sept lettres, comme dans "je t'aime". Je pourrais parler pendant des heures de ma reconnaissance envers lui, à mes yeux, il en vaut la peine et bien sûr que je l'aime. Je l'aime même de tout mon cœur et depuis tellement longtemps que je ne peux même pas compter le nombre de jours.

Je ne sais pas qui il a invité. Je suppose qu'il a délégué cette tâche à Lana et qu'elle a dû inviter ses amis au lieu des miens comme l'année dernière.

La porte d'entrée s'ouvre avant même que je n'ai le temps de sonner, je soupçonne Gaby de m'avoir attendu derrière. J'entre et on se sert dans les bras. Je monte poser mes affaires et on commence la décoration de la maison. La première étape consiste à mettre tous les objets de valeurs dans la chambre de Gab et de la fermer à clef pour éviter les vols. Comme je l'ai dit, ce sont les amis de Lana, pas les miens, et bon sang, ses fréquentations ont toujours été plus que douteuses. Si je me permets de dire ça sans culot, c'est vraiment qu'elle connait des gens dangereux.

Gabriel monte sur une chaise pour accrocher la banderole "Joyeux Anniversaire Lucian" qu'on accroche tous les ans.

— Mon père n'a pas porté plainte, commencé-je. Je pense que dès demain, j'irai le faire moi-même.

— Il n'a pas voulu ? On était quand même bien amoché ! J'ai encore un reste de bleu sur le torse.

— Il ne me croit pas. Il pense que j'ai cherché les problèmes et que j'ai bien mérité de me faire régler mon compte.

— Sérieusement ? Ton père a vraiment un sacré problème. De toute façon, comme on ne connaît pas leurs identités, il n'y a que très peu de chances que ça donne suite à une condamnation.

— Je sais, mais c'est pour le principe.

Il hoche la tête et je le sens un peu perplexe. J'ai l'impression qu'il n'a pas l'air aussi choqué que moi. Il a dû se dire que c'était l'affaire d'une fois et qu'il valait mieux avancer, mais pour moi, c'est important. Je tiens à porter plainte pour tourner la page et me sentir moins impuissant. J'espère que ça aura l'effet escompté.

Burning RedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant