Chapitre 23

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"As if you were a mythical thing, like you were a trophy or a champion ring and there was one price i'd cheat to win."

Willow- Taylor Swift

Gabriel


Sa bouche s'entrouvre sur le coup de la surprise. Je comprends tout avant qu'il n'ait eu le temps de parler. La question est ce qu'il a marchandé.

— Réponds-moi, Lucian, dis-je d'un ton plus autoritaire que je ne l'aurais voulu.

— Je lui ai demandé de mettre ta mère en première sur la liste d'attente des donneurs.

Il baisse la tête, ne voulant pas affronter mon regard.

— En échange de quoi ?

— Ne plus aller en manifestations, prononce-t-il d'une voix assurée.

Cette fois-ci, c'est moi qui baisse la tête. Je suis soulagé que ça ne soit que ça. Lucian habite l'entièreté du palais qu'est mon cœur, alors que ma mère n'a même pas une petite place dans le grenier. Renoncer à ses convictions est déjà trop à mes yeux.

Je pose ma tête sur son épaule pour seul remerciement. Je susurre un merci à peine assez fort pour qu'il l'entende. Je le remercie, plus pour m'aimer assez pour faire ça que de l'avoir sauvé, même si je ne lui souhaite bien évidemment pas la mort.

Sans que je m'y attende, Luc sort une pièce de sa poche et la jette dans la fontaine de son jardin, les yeux fermés. Il m'arrache un sourire. Je meurs d'envie de lui demander quel était son vœu, mais s'il me le révélait, ça l'annulerait.

— Tu es au courant qu'elle n'est pas vraiment magique, comme on le pensait, lui dis-je de façon sarcastique.

— L'important, c'est l'intention qu'on lui prête. En plus, pour nous, toutes les fontaines étaient magiques, alors je pense que j'y crois encore. Même si j'ai vu un jardinier récupérer nos pièces, il y a quelques années.

— Oh non, vraiment ? J'en étais sûr que quelqu'un les récupérait !

Il rit et je ne fais qu'esquisser un sourire en le regardant du coin de l'œil.

— Quand est-ce qu'on a arrêté de faire nos lacets en formant deux boucles ? reprend Luc, la nostalgie s'emparant de son regard.

— M'en parle pas, le temps passe si vite ! Mais c'est pas ça le pire. Le pire, c'est qu'un beau matin, on s'est levé et on n'a plus jamais touché nos jouets. Ni les autocollants qu'on gardait pour les grandes occasions.

Son sourire meurt définitivement. L'espace d'un instant, je pense même qu'il va se mettre à pleurer.

— Un matin, après m'être endormi dans le fauteuil, je ne me suis pas réveillé dans mon lit. Je me souviens que je pensais que mon père allait m'abandonner et qu'il ne m'aimait plus. Il m'a juste répondu que j'étais trop grand et lui trop vieux. Je me souviens que j'étais tellement triste ce jour-là.

— Gabriel, tout le monde n'a pas envie de t'abandonner. Tout le monde n'est pas ta mère. Tout le monde ne veut pas vivre loin de toi, Gaby. Moi, j'en mourrai si c'était le cas.

— Arrête de dire des bêtises pareilles, Luc. Tu vas vivre longtemps et avoir les enfants dont tu rêves depuis qu'on est petit.

— Je pense que je voulais surtout une famille pour prendre ma revanche sur celle que je n'ai jamais eue. J'ai réalisé ça récemment. À vrai dire, je réalise pas mal de choses en ce moment.

Je me demande s'il veut toujours les appeler avec des noms d'ange, comme il le voulait avant. Il disait que ça lui ferait penser à moi.

— Je ne sais pas si je veux des enfants, mais une chose est sûre : j'aimerais les enfants de mes amis comme s'ils étaient les miens. Je leur donnerai tout ce que je n'ai jamais eu. Des cartes à chaque anniversaire et des félicitations. Ils se sentiront toujours aimés.

Burning RedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant