Cela nous sembla durer des heures et si elle paraissait vivre un véritable calvaire, nous n'étions pas très à l'aise non-plus. Entre l'énergie résiduelle qui nous bombardait, ses gémissements incessants et la peur de voir débarquer des hommes armés jusqu'aux dents d'une seconde à l'autre...le moins que l'on puisse dire et que nous n'étions pas à la fête.
Enfin l'épreuve se termina et l'aigle brun apparut, visiblement pas très heureux de se retrouver à l'intérieur et cherchant instinctivement un endroit en hauteur où se poser. Elle trouva une équerre métallique encore ancrée dans l'un des murs et se posa dessus dans un envol gracieux.
— Maintenant, partez...me dit Jude, à présent à genoux sur le sol en prenant une grande inspiration, son chaud regard planté dans le miens.
J'eus un moment d'hésitation, ne voulant pas le laisser seul et sans protection. Mais je savais qu'il s'apprêtait à se transformer et ne voulait pas de spectateurs. J'entraînai donc les autres vers la porte. Personne ne dit un mot et lorsque Worth eut vérifié que la voie était libre, nous ressortîmes sur le toit, accompagné par les gémissements sourds d'un métamorphe en pleine transformation.
La puanteur nous agressa à la seconde où nous mîmes un pied hors du cabanon. Nous avions beau être en extérieur, la fumée âcre et épaisse nous prenait à la gorge, étouffante. Durant le temps que nous avions perdu à tergiverser, l'incendie avait continué à se propager, parvenant jusqu'au toit. La bonne nouvelle était que le brouillard opaque provoqué par le brasier nous servirait de bouclier naturel, nous cachant très efficacement de la vue de nos poursuivants. En revanche, la chaleur que je sentais augmenter de seconde en seconde sous mes pieds, ne me disait rien qui vaille. Sans compter que la visibilité était quasi-nulle pour nous aussi, nous empêchant de voir où nous mettions les pieds.
— Dommage que le piaf ne soit pas là quand on en a besoin, maugréa Worth dans sa barbe, tout en nous faisant signe de nous arrêter derrière un mur.
— À l'instant présent, une petite tempête aurait été la bienvenue, continua-t-il dans une quinte de toux tandis qu'il cherchait à percer le mur de fumée de son regard perçant et entraîné.
— L'avantage est que si nous, nous n'y voyons rien, nos adversaires non-plus, lui répliquai-je un peu sèchement d'une voix étouffée par mon tee-shirt que j'avais remonté sur le bas de mon visage pour protéger mes poumons.
— Je pense qu'ils sont partis depuis longtemps...eux ! me répondit-il d'un ton vif, agrémenté du regard noir qu'il réservait à Jude d'ordinaire.
J'avais une furieuse envie de l'envoyer promener et de lui dire de passer ses nerfs sur quelqu'un d'autre ! Mais comme ce n'était ni l'endroit, ni le moment je me contins, préférant me concentrer sur ma respiration défaillante.
— Qu'est que l'on attend dans ce cas ? demanda Cassie, visiblement aussi agacée que moi par son attitude.
— Mieux vaut prévenir que guérir, nous répondit-il d'une voix bizarrement faible tout à coup, tout en se prenant la tête dans les mains.
— Worth...ça va ? lui demandai-je bêtement.
— Hmm...oui. Un petit étourdissement dû à la fumée, me répondit-il d'une voix éraillée en détournant les yeux.
Le fait qu'il ne me regarde pas en face pour me répondre, ce qui d'ordinaire était un réflexe chez lui, m'apprit qu'il mentait. La question était...pourquoi ?
— On attend quoi au juste ? finis-je par lui demander à mon tour quelques minutes plus tard, au bord de l'asphyxie.
— Ca, me dit-il alors que dans un cri perçant et magnifique, les deux rapaces prenaient leur envol du ras du sol, dans un élan gracieux.
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Chimère. Féline-Tome 2
Paranormal*3ème du concours Award Rentrée 2016* Christina le sait désormais, elle est une métamorphe, mise à l'écart par les siens car elle est incapable de se transformer. Après tout ce qu'il vient de lui arriver, elle est bien éprouvée. Ayant dû abandon...