Chapitre 26-1

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— Tu as vraiment si peu de considération pour les tiens ! sortit Jude d'une voix égale, apparemment pas perturbé plus que ça par la meute hostile qui se déployait autours de nous.

— Ne me dit pas que tu as l'outrecuidance de t'imaginer pouvoir terrasser tous les miens à toi tout seul !

— Oh je t'en prie arrête les grands mots ! Tu n'es pas en représentation ici ! Alors stop ton baratin et rends-toi à l'évidence.

Sa voix était toujours aussi égale, même si l'on sentait une légère tension sous-jacente. À moins que cela ne soit dû à l'effort qu'il devait faire pour maintenir son arc bandé sans trembler, me dis-je alors que j'étais toujours allongée sur le sol dur et inconfortable, avec la très désagréable sensation d'être devenue un mollusque.

— L'évidence mon cher est que tu as beau être d'une rapidité et d'une précision redoutable...tu n'auras pas assez de flèche !

Son ton exultant et son air réjoui, m'insufflèrent la volonté qu'il me manquait pour tenter le challenge périlleux consistant à retrouver une position assise ! Mais à peine avais-je commencé à bouger un doigt que des grognements sourds et menaçant retentissaient, tandis que les loups, attirés par mon mouvement, concentraient soudain toute leur attention sur moi. Ce dont, bien évidemment, je me serais bien passé. Féline, dans un réflexe de protection, vint se placer devant moi, échine hérissée et crocs découverts, dans un feulement intimidant.

— Dans ta crise de folie passagère tu sembles oublier que j'ai d'autres cordes à mon arc...justement, lui répondit-il un éclat jubilatoire dans le regard tandis que le vent s'élevait soudain autour de lui, faisant tourbillonner les feuilles et l'entourant d'un manteau surnaturel.

Je vis la suffisance et la confiance déserter légèrement les traits de Daphné, alors qu'elle réalisait qu'elle jouait peut-être avec le feu. Mais son orgueil finit par prendre le dessus et c'est dans une attitude bravache qu'elle fit un nouveau pas conquérant au milieu de la clairière, s'approchant toujours un peu plus de moi.

Cette fois-ci Jude ne prévint pas et dans une bourrasque gelée et mordante, décocha une flèche qui, par un mouvement tournoyant physiquement impossible, réussit à blesser les trois loups qui n'étaient plus qu'à quelques longueurs de pattes de Féline.

— Ça te suffit comme démonstration où tu veux que je continu ? Alors arrête de t'entêter et restons-en là.

« Quand je te le dirai, apprêtes-toi à fuir... »

Cette phrase claire et sans fioriture associée pénétra mon cerveau comme une flèche, me provoquant une douleur telle que je retombai sur le sol inégal, ruinant tous mes modestes efforts en une fraction de seconde. C'était la première fois que je recevais un message aussi net, presque comme s'il m'avait crié la phrase directement dans l'oreille. Avec Féline, je recevais des images, des émotions, des sensations, que mon cerveau humain transformait instinctivement en phrases. Alors que là, c'était différent...et incroyablement douloureux.

Une fois le choc initial passé, j'essayai de lui répondre par le même biais, que je n'étais clairement pas en état de piquer un sprint ou du moins pas sans aide. Je tentai quand même à nouveau de m'assoir, quand je sentis Jude puiser dans son pouvoir et s'apprêter à réitérer son exploit.

— Attaquez-le, hurla soudain Daphné au comble de la rage, au moment même où une voix sourde mais puissante d'autorité, résonna dans le sous-bois, figeant tout le monde sur place.

— ça suffit Daphné ! Tu ne fais pas ça pour me protéger, mais pour éliminer la concurrence. Tu souhaites avoir le champ libre à ma mort, que tu espères imminente d'ailleurs. Rappelle tes loups tout de suite, où Jude ne sera pas le seul que tu affronteras, la menaça Charles d'une voix d'outre d'ombre qui sonnait étrangement dans la pénombre, alors qu'il apparaissait d'un pas claudiquant.

Chimère. Féline-Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant