Son hypothèse sur le verre de trop, n'étant pas idiote du tout ; je suggérais que nous nous rendions en premier lieu au « Bruce Café », l'endroit où nous travaillions toutes les deux avant les tragiques évènements des deux semaines précédentes. Nous étions au repos forcé pour encore environ deux semaines, mais je savais que Cassie s'ennuyait et venait souvent traîner au bar pour s'occuper, en donnant un coup de main à nos remplaçantes provisoires.Pour ma part, je n'y avais pas encore remis les pieds et me rendis compte, à la seconde où je passais la porte, que cela ne m'avait pas manqué le moins du monde. L'endroit était toujours fidèle à lui-même et à cette heure de la journée, relativement calme. Je me dirigeais rapidement vers le bar, sachant que j'aurais plus de chance d'obtenir des réponses rapides et fiables auprès de mes collègues, que de mon patron.
— Bonjour Suzy, interpelais-je la grande brune qui était en train de ranger des bouteilles, accroupie derrière le bar.
Elle se releva en m'entendant l'appeler et son visage s'éclaira lorsqu'elle m'aperçut. Elle contourna le comptoir pour venir me serrer dans ses bras, d'une étreinte amicale qui me fit du bien. Nous ne nous connaissions pas beaucoup, n'ayant eu qu'une ou deux occasions de travailler ensemble, mais le courant était toujours bien passé entre nous.
— Chris comment vas-tu ? Tu tiens le choc, me demanda-t-elle pleine de sollicitudes.
La version officielle, aussi proche de la vérité que possible, était que nous avions été enlevées par des trafiquants d'êtres humains, qui se servaient de leurs otages pour organiser des chasses à l'homme. Naturellement cela avait fait les gros titres de la presse pendant plusieurs jours, nous propulsant, Cassie et moi, sur le devant de la scène, comme les deux seules survivantes de ces horribles psychopathes. Même si cela ne nous enchantaient pas, nous avions joué notre rôle jusqu'au bout, afin d'éviter que la partie cachée de l'histoire ne ressorte au grand jour.
— Oui merci, me contentais-je de lui répondre, un peu fatigués que l'on me pose toujours la même question. Est-ce que tu as vu Cassie récemment ?
— Cassie ? Oui. Elle était là tout à l'heure.
— Ça fait longtemps qu'elle est partie ?
— Oh je dirais, une petite demi-heure environ. Mais elle n'avait pas l'air dans son assiette.
— Elle avait bu quelque chose ? Demanda soudain Worth, que j'avais presque oublié, tellement il s'était montré discret jusque-là.
— Non...Pourquoi cette question et vous êtes qui vous ?
— Gab...
— Il est avec moi. L'interrompis-je, avant qu'il n'ait le temps de lui donner son nom.
Si des métamorphes étaient impliqués, autant qu'ils ne sachent pas que l'inspecteur était là. Suzy était très gentille mais c'était aussi une horrible pipelette, qui s'empressait de répondre à toutes les questions que l'on voulait bien lui poser. Ce qui, en ce moment, nous arrangeait bien !
— Très bien. Elle était venue en bus, je suppose ?
— Oui, comme d'habitude depuis...elle ne finit pas sa phrase, visiblement gêner d'évoquer les évènements traumatisants à l'origine de la perte de notre voiture, devant moi.
— Merci Suzy et à bientôt, lui dis-je en entraînant un Worth un peu surpris derrière moi.
Une fois dehors, je m'arrêtais un instant. Scrutant la rue à la recherche d'un indice pouvant m'indiquer où elle avait pu aller. L'arrêt de bus se trouvait à seulement quelques mètres du bar et visiblement elle n'y était pas.
— Alors, une idée ?! Me demanda Worth, qui analysait lui-même les environs, de ses yeux de Lynx.
— Non, je...
Je m'interrompis soudain, lorsque mon regard passa sur la petite ruelle attenante au bar. Avant que la communication ne soit coupée elle avait bien dit ru...et si c'était le début de ruelle, réalisais-je en m'y précipitant aussitôt.
L'odeur d'urine m'agressa, à peine avais-je mis un pied entre les deux murs crasseux et décrépis, qui formaient ce boyau. Nous l'appelions tous la ruelle, mais c'était plus une impasse en fait. Depuis que les propriétaires de la boutique voisine avaient fait mettre une grille, pour éviter que les animaux errants, attirés par nos poubelles, ne remplissent leur cour des reliefs de leurs repas. J'avançais donc à pas prudent et en plissant le nez, au milieu des immondices disséminés un peu partout sur le sol.
— Pouah, quelle horreur ! S'écria Worth derrière moi. Les éboueurs ne passent jamais ici ou quoi ?
— Si, ils passaient. Mais à l'évidence depuis que nous ne sommes plus là, Cassie et moi, personne ne s'est donner la peine de pousser les bennes jusqu'à l'entrée de la ruelle, lui répondis-je en essayant d'ouvrir la bouche un minimum, tellement l'odeur était immonde.
— Cassie, appelais-je. N'ayant pas le moins du monde envie de m'aventurer plus loin que nécessaire dans ce cloaque. Cassie tu es là ?
— Vous pensez vraiment qu'elle serait venue là pour vous attendre ? Me demanda Worth d'un air sceptique, en m'attendant dans la rue, relativement à l'abri des effluves.
Alors comme ça, notre super inspecteur avait le nez sensible ! Comme quoi on en apprenait tous les jours, me dis-je en commençant à me demander si je ne devrais pas rebrousser chemin. J'étais presque décidée, quand le bruit d'une bouteille roulant sur le sol me surprit, me faisant sursauter.
— Cassie c'est toi ? C'est Christina, ressayais-je encore une fois, avant de me décider à avancer pour de bon.
Car la question de Worth était judicieuse. Quelle raison aurait eu Cassie de venir ici, si ce n'était pour se cacher. Pour masquer son odeur c'était l'endroit idéal. À moins que, maniaque comme elle l'était, elle n'ait voulu déplacer ces bennes à elle toute seule et c'était blessé ? Ce qui lui ressemblerait assez, je trouve.
Je continuais donc, dans la pénombre qui s'épaississait à mesure que j'avançais. Une sorte de gémissement sourd me fit accélérer le pas et je faillis tomber, en me prenant les pieds dans un vieux carton à moitié pourri. Je contournais une benne particulièrement odorante, quand je la trouvais, étendue sur le sol au milieu des épluchures.
— Worth, venez vite. Elle est ici, criais-je tandis que je me précipitais vers elle pour lui venir en aide. Cass' c'est moi Christina, crus-je bon de préciser en m'approchant d'elle, car je n'étais pas sûre qu'elle soit consciente de ma présence.
Elle gémissait, tout en gesticulant sur le sol. Je restais un instant interdite, n'osant pas trop la toucher...elle avait l'air de souffrir.
— Qu'est-ce qu'elle a ? Demanda tout à coup Worth derrière moi.
— Je ne sais pas. Elle s'est peut-être cogner la tête en tombant
— J'appelle une ambulance, décida-t-il en sortant son portable de sa poche.
Non attendez un peu, lui dis-je en m'agenouillant près d'elle et en lui posant doucement une main sur l'épaule pour ne pas l'effrayer.
— Cassie c'est moi. Que t'ait-il arrivé ?
Pour toute réponse, un gémissement à la limite du grognement sortit de sa bouche, et elle ouvrit brusquement les yeux, plantant son regard dans le mien. Je reculai en hurlant et retombai sur les fesses, ne pouvant détacher mes yeux de son regard transformé.
VOUS LISEZ
Chimère. Féline-Tome 2
Paranormal*3ème du concours Award Rentrée 2016* Christina le sait désormais, elle est une métamorphe, mise à l'écart par les siens car elle est incapable de se transformer. Après tout ce qu'il vient de lui arriver, elle est bien éprouvée. Ayant dû abandon...