Le trajet qui suivit me parut légèrement surréaliste, tellement j'étais soulagée et choquée à la fois. Après que ma folle de Belle-mère eut quitté la pièce, Jude avait ramassé le médaillon, puis toujours sans un mot, m'avais pris dans ses bras et était sorti d'un pas rageur. La blanche clarté automnale m'avait aveuglé un moment si bien que j'avais fermé les yeux et posé ma tête sur l'épaule de Jude, position agréable et confortable que je n'avais toujours pas quittée lorsque nous arrivâmes à destination.
Je ne savais pas exactement où nous étions, mais la porte richement ouvragée qui nous faisait face, m'indiquait que nous étions certainement dans la partie huppée de la cité sylvestre. Jude pénétra à l'intérieur, immédiatement suivit de Worth et Hannah, qui referma aussitôt la porte derrière elle. Puis il me déposa en douceur dans un magnifique fauteuil en cuir brun patiné par les ans, avant d'aller allumer les bougies et autres torches qui servaient de luminaires à la grande pièce plongée dans la pénombre.
À mesure que la clarté orangée des flammes illuminait l'endroit, je sus sans l'ombre d'un doute, que nous étions dans la véritable chambre de Jude. Tout y était dans des tons brun naturels, allié à la douceur des gris et de la teinte chocolat du couvre-lit en peau. Les meubles étaient simples et raffinés à la fois et même si la vue n'était pas aussi spectaculaire que dans la chambre précédente...on s'y sentait bien.
— Que fait-on maintenant ?! demanda Worth d'un ton légèrement agressif, dès que Jude eut allumé la dernière mèche. Nous sommes tous très heureux pour vous, mais tu es bien conscient que l'on ne peut pas rester là !
— Bien sûr que j'en suis conscient ! lui répondit-il sur le même ton, en se retournant vers lui dans un grand mouvement menaçant. Je n'ai pas plus envie que vous de demeurer ici une minute de plus, mais Christina est blessée et...
— Non, ça va mieux je t'assure, le coupais-je n'aimant pas qu'il se serve de moi comme prétexte pour rester dans cet endroit toxique et malsain.
— Tu as juste la sensation d'aller mieux, me répondit-il d'une voix un peu plus douce en s'approchant de moi...mais ce n'est qu'une illusion. Cette impression trompeuse vient du fait que je t'ai évité au maximum les efforts physiques, mais le simple fait d'essayer de marcher plus de quelques pas te provoquera une douleur terrible et sapera le peu de force qu'il te reste en quelques secondes. Tu vas avoir besoin de beaucoup de repos, avant de ne serait-ce qu'envisager de partir d'ici.
Ses paroles peu rassurantes et inquiétantes quant à notre avenir proche, jeta un froid sur l'assemblé qui passa de morose à franchement déprimée. Je ne me sentais pas si mal en point pourtant, bien qu'une lassitude sourde semblait émaner de tous mes membres me rendant étrangement...patraque. Une inquiétude soudaine vint remplacer cette sensation quand quelque chose me revint soudain en mémoire.
— Est-ce que les effets auraient-été les mêmes sur toi ? lui demandai-je subitement, certaine que cela avait son importance.
— Les effets de quoi...du poison ? me demanda-t-il surpris, ayant visiblement du mal à comprendre où je voulais en venir.
— Oui, de quoi d'autre ?! lui répliquai-je un peu agacée, sans véritable raison, mis à part ma fatigue de plus en plus oppressante.
— Oui et non. Comme je suis immunisé, cela m'aurait juste affaibli pendant quelques heures, mais les effets se seraient arrêtés là.
— Pourquoi le garde te visait-il avec cette flèche alors ? Ça n'a pas de sens ! m'exclamai-je, certaine que cela avait une importance cruciale, sans que je comprenne pourquoi.
— Non, ça n'en a aucune ! C'est justement pour cela que je pense que tu as mal vu, ou mal interprété ce que tu as vu.
— Non, je suis sûre de moi ! affirmai-je avec véhémence. Et je suis certaine que cela est important. Tu es en danger ici...l'effet aurait été immédiat ?
— Quasiment, mais pourquoi...
— Est-ce que Jax avait une chance de te battre à la loyale ?
— Non, c'est un...je vois tu veux en venir, s'interrompit-il subitement. Mais cela ne lui aurait rien apporté, puisque la tricherie aurait été trop évidente.
— S'il avait réussi à te tuer, il n'y aurait plus eu que nous pour crier à la tricherie et qui nous aurait cru ? lui demandai-je le voyant changer de couleur, à mesure qu'il comprenait où je voulais en venir.
— Ta mère veut ta mort Jude, lui dis-je d'une voix douce pour atténuer l'horreur de mes propos. Elle ne devait pas s'attendre à te voir revenir un jour...
— Elle est tellement différente des souvenirs d'enfances que j'ai d'elle, murmura-t-il d'une voix triste, le regard perdu dans le vide. Je suis parti un an et à mon retour...elle n'était plus la même. J'avais mis ça sur le compte de ma vie parmi les humains...que l'on ne voyait plus les choses de la même manière...mais il a forcément dû se passer quelque chose, pour qu'elle change à ce point.
— Quoi que ce soit Jude, tu n'es plus en sécurité ici...nous devons partir, lui dis-je à nouveau.
— Elle a raison...partons tout de suite, renchérit Hannah. Nous la porterons...
— Et si les hommes de Shaw débarquent...qu'est-ce-que nous ferons ? Nous nous laisserons capturer sans résistance !
— Je croyais qu'ils ne pouvaient pas nous trouver ici ! intervint l'inspecteur pour la première fois.
— Ils ne peuvent pas en effet, mais dès que nous sortirons du sort protecteur...ce sera différent. Nous sommes trop vulnérables, sans compter Cassie qui est une véritable bombe à retardement. Rrrr...je ne vois pas de solution, s'emporta-t-il d'une voix frustrée en commençant à faire les cent pas comme un lion en cage.
Nous le laissâmes défouler sa frustration en aller-retours inutiles d'un mur à l'autre de la pièce, quand il s'arrêta enfin pour se tourner vers l'inspecteur.
— Vous deux, allez chercher Cassie et ramenez-là ici. Pour l'instant et même si cela n'est que provisoire, nous en sommes en sécurité. Alors comportons-nous normalement et dès que nous aurons une opportunité...nous partirons.
— Très bien, renchéri l'inspecteur en se dirigeant vers la porte. Mais partir pour où ?
Jude le regarda un instant d'un air perdu. Il paraissait si vulnérable tout d'un coup et comme je le comprenais. Il espérait trouver de l'aide et un peu de répit parmi les siens et au lieu de cela, ce n'était que violence et tromperie...il y avait de quoi être déstabilisé.
— Je sais très bien que vous n'avez jamais voulu en entendre parler, mais je peux appeler mes hommes ?! Ils seront là en quelques heures avec des véhicules banalisés, des armes et tout ce qu'il nous faudra pour disparaître le temps de régler le problème Shaw, proposa l'inspecteur déjà convaincu d'essuyer un nouveau refus catégorique.
Mais contrairement aux autres fois, Jude sembla étudier sérieusement sa proposition.
— Tu es sûr qu'ils ne se poseront pas de questions malvenues ? demanda-t-il, tutoyant Worth à son tour pour la première fois.
— Pas les hommes que je vais appeler, non ! lui répondit-il d'une voix surprise.
— Alors vas-y...au point où nous en sommes. Dis-leur de nous rejoindre dans la petite ville de ClearFalls, ce n'est qu'à quelques kilomètres d'ici.
L'inspecteur acquiesça et sortit son téléphone tandis qu'il se dirigeait vers la seule autre porte de la pièce.
— Tu sais que l'on entendra ta conversation même si tu t'enfermes dans les toilettes ?! le railla Hannah, nous arrachant à tous un demi-sourire qui nous fit du bien.
Alors qu'il s'apprêtait à passer son appel, des coups violents donnés sur la porte résonnèrent soudain, nous faisant tous sursauter. À tel point que le pauvre inspecteur en lâcha son portable qui tomba au sol et alla glisser sous le lit.
— Prince Jude ! Venez vite...nous avons un problème !
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Chimère. Féline-Tome 2
Paranormal*3ème du concours Award Rentrée 2016* Christina le sait désormais, elle est une métamorphe, mise à l'écart par les siens car elle est incapable de se transformer. Après tout ce qu'il vient de lui arriver, elle est bien éprouvée. Ayant dû abandon...