Chapitre 28-2

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— Ah oui et lequel ? lui répondis-je sur le même ton, sentant la colère prendre subitement le dessus sur ma gêne et m'avançant d'un pas à mon tour, décidée à ne pas me laisser démonter.

— Notre fils, en échange de notre...hospitalité à votre égard et à celle de vos compagnons, nous a promis de reprendre la place qui est la sienne...

— Oui et alors ? la coupai-je intentionnellement, ce qui me valut un avertissement de Jude, qui me serra rapidement et fermement la main, pour m'inciter à me taire.

— Et alors...il est absolument hors de question que mon fils, futur roi des métamorphes, s'unisse à...quelqu'un comme vous.

Sa mini-bombe eut l'effet désiré et me laissa sans voix, ce qui vue son petit sourire supérieur et satisfait était absolument le but recherché. Qu'est-ce-que c'était que cette histoire encore ? Les métamorphes avaient un roi ?! Première nouvelle ! Il était vrai que niveau connaissance du milieu métamorphe, j'approchai du vide abyssal, mais quand même, il me semblait qu'un truc comme ça...on aurait dû me mettre au courant ! Surtout si Jude en était le soi-disant héritier, ce qui vu sa tête avait l'air de tout sauf l'enchanter.

À mon grand étonnement, il ne réagit pas par une pique ou l'échange verbal musclé auquel je m'attendais et ses parents aussi apparemment. Au lieu de cela, il se contenta de fixer sa mère puis son père dans les yeux d'un regard hostile et entendu, puis sans émettre le moindre son supplémentaire, tourna les talons et commença à quitter la salle en m'entraînant derrière lui.

— Où comptes-tu aller comme ça ? lui demanda sa mère d'un ton ulcéré, au moment où Jude posait sa main sur la porte.

— Faire ce que vous auriez dû faire depuis le début...conduire Christina dans mes quartiers où elle pourra se reposer...

— ...et prendre une douche, c'est à espérer ! l'interrompit la reine mère d'un ton acide, sans se laisser démonter.

Sa dernière remarque, même si elle était justifiée, me fit voir rouge et sans la poigne de Jude qui m'en empêcha efficacement, je me serais retournée pour dire à cette garce ses quatre vérités. Ce dernier quant à lui, ferma les yeux quelques secondes, certainement pour se calmer les nerfs et après avoir pris une grande inspiration, commença à pousser sur le battant sans répondre à la pique insultante de sa mère.

— Jude...nous n'en avons pas terminé ! intervint son père. Jax, peut la conduire jusqu'aux chambres des invités et...

— ...Et rien du tout ! explosa tout à coup Jude, sa mini séance de yoga n'ayant visiblement pas porté ses fruits, en se retournant enfin, pour faire face à son père à présent debout et visiblement très en colère.

— Nous en avons terminé pour le moment, car j'estime que nous n'avons plus rien à nous dire. C'est moi qui conduirait ma compagne et ce...où bon me semblera, ajouta-t-il avant de se retourner dans un dernier sursaut de colère et de pousser violemment le battant en bois ouvragé, qui alla heurter la paroi de chêne brut avec un bruit sourd.

Puis d'un geste brusque et sans douceur, il m'attrapa par le poignet et m'attira derrière lui, tandis qu'il sortait en trombe. Je m'inquiétais déjà de devoir redescendre l'escalier tortueux et mouvant à la suite d'un Jude furibond, mais à mon grand soulagement il tourna immédiatement à droite à la sortie de la salle et m'entraîna dans un passage étroit et sombre, que je n'avais pas remarqué tout à l'heure.

En fait de passage c'était une nouvelle passerelle, mais qui serpentait entre les branches du vieil arbre dont les feuilles des branches basses me chatouillaient les cheveux et les épaules, m'obligeant même à me baisser pour les éviter. Jude, lui, ne se donnait pas cette peine et se contentait d'écarter les branches importunes de coups de bras rageurs. J'aurai aimé lui parler, lui poser pleins de questions sur tout ce que je venais d'entendre et d'apprendre, mais sa colère était si intense que je la ressentais même à l'intérieur de moi et n'osait pas entamer la conversation.

Lorsque nous sortîmes enfin de ce dédale feuillu, la vue qui s'offrit à moi, me fit momentanément oublier toutes les questions qui me trottaient dans la tête.

Un long pont suspendu en corde, enjambait tout un ensemble de maisonnettes en bois, montées sur pilotis et formant un village à environ trois mètres du sol. Un escalier en bois très raide permettait d'y descendre, mais Jude m'entraîna vers le pont sur lequel il s'engagea sans la moindre hésitation...ce qui ne fut pas mon cas ! À peine avais-je posé un pied sur les planches non jointes, que je me figeais, prise d'un vertige incontrôlable.

— Ne regarde pas en bas...tu ne crains rien, me dit Jude d'un ton agacé sans même se retourner, tandis que d'une petite secousse, il m'incitait à le suivre.

— Je...je ne peux pas, lui dis-je le cœur au bord des lèvres, alors que le vide semblait m'attirer vers lui sans que je ne puisse lui résister.

—Mais si tu...

Le ton impatient et encore teinté de colère avec lequel il avait commencé sa phrase, mourut en même temps que cette dernière, lorsqu'il se retourna et croisa mon regard paniqué.

— Christina...regarde-moi, me dit-il d'un ton plus doux en faisant les deux pas qui le séparait de moi. Tu ne crains rien, ce pont est très solide. Tiens-moi par la taille et fixe mon dos, nous serons de l'autre côté, avant que tu n'aies le temps de t'en rendre compte.

Je fis ce qu'il me dit, constatant qu'il prenait sur lui, mais qu'il était pressé d'arriver là où il voulait m'emmener. Mes mains tremblantes se posèrent sur ses hanches, tandis qu'il reprenait sa progression d'un pas mesuré. Quand je sentis enfin le sol redevenir dur sous mes pieds, je poussai un soupir de soulagement, sans pour autant avoir le temps de reprendre mes esprits. À peine étions nous arrivé sur le nouvel arbre, qu'il m'entraînait de nouveau vers la droite. Nous dépassâmes deux maisonnettes, avant que Jude ne s'arrête devant une troisième située un peu à l'écart et paraissant surtout bâtie à moitié dans le vide.

— Bienvenue chez moi, me dit-il avec un petit sourire triste, tandis qu'il ouvrait la porte et s'écartait pour me laisser entrer.

L'endroit consistait en une seule et unique pièce entièrement en bois et séparé environ au deux tiers par cloison ouverte supportant un poêle à bois en métal ornementé. Dans la partie la plus grande se trouvait un lit simple mais gigantesque, recouvert d'une magnifique couverture bleu nuit parsemée de fils d'argents, formant un motif aérien et compliqué. Mais la vue qui se dévoilait par la grande baie vitrée occupant tout le mur du fond, était à couper le souffle et occultait tout le reste, me donnant la sensation de voler mais sans vertige associé.

J'étais tellement concentrée sur ma contemplation que je ne vis pas Jude, me dépasser et s'approcher d'un beau bureau, dont il vira tout le contenu d'un geste rapide et rageur du bras. C'est le bruit du vase qui se brisa sur le sol qui me sortit de ma bulle, en me faisant violement sursauter.

— Cela s'est passé aussi mal que je le pensais ! Non, mais à quoi je m'attendais franchement, murmura Jude d'une voix coléreuse, les mains appuyées sur le plateau de bois et la tête basse.

— Jude...commençais-je en m'approchant de lui prudemment.

— Non...laisse-moi me calmer, me dit-il d'une voix douce en m'arrêtant d'un geste de la main, sans me regarder. Si tu veux, la douche se trouve de l'autre côté de la cloison.

J'essayai de ne pas prendre mal sa dernière remarque et me dirigeai vers la salle d'eau après quelques secondes d'hésitation. La magnifique douche à l'italienne qui m'attendait entre ses deux parois de verres, eut raison de mes dernières réticences et c'est avec une urgence et un plaisir indicible, que j'ôtai les loques qui me servaient de vêtements et me glissai sous le jet chaud et puissant.

Les premières gouttes qui effleurèrent ma peau me firent presque mal tellement j'étais glacée et l'eau qui touchait mon épiderme sensible, brulante en apparence. Problème sensitif réglé au bout de quelques secondes, me permettant de me délecter de la sensation des milliers de gouttelettes dévalant mon corps épuisé et hypersensible. Mon abandon était tellement total que je n'entendis pas Jude se glisser discrètement dans la douche derrière moi, si bien que ma surprise fut entière lorsqu'il m'enlaça de ses bras puissants, enfouissant sa tête dans mon cou, tandis qu'il me serrait contre lui. 

Chimère. Féline-Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant