Chimère. Féline-Tome 2

Chapitre 11-1

C'était le saut de la dernière chance. J'avais utilisé mes ultimes forces pour me propulser le plus loin possible mais...c'était trop juste. Dans un dernier réflexe de survie, je tendis mon bras gauche en avant et c'est in extremis que j'attrapai le rebord. Le choc brutal de mon corps sur la façade du bâtiment faillit me faire lâcher prise, mais il faut croire que je tenais trop à la vie pour ça. J'essayai d'affermir ma prise, mais le béton humide de pluie était glissant sous ma main et mon bras blessé commençait déjà à trembler convulsivement sous l'effort que je lui demandai.

De nouveaux coups de feu retentirent au-dessus de ma tête, suivit d'un cri bref et certainement définitif pour la personne qui l'avait poussé. Puis avant que je n'aie le temps de céder au découragement, quelqu'un m'attrapa fermement par le poignet et commença à me hisser vers le haut.

— C'est bon...je vous tiens, me dit Worth avec effort tout en me remontant en lieu sûr.

Je m'écroulai haletante, sur le sol détrempé et recouvert de feuilles.

— Vite, il ne faut pas rester là, me pressa l'inspecteur sans même me laisser le temps de reprendre mon souffle. S'ils reviennent à plusieurs, ils vont nous tirer comme des lapins.

— Ça, ça m'étonnerait...regardez, nous interpella Cassie d'une voix blanche en nous indiquant l'immeuble que nous venions si difficilement de quitter d'un signe de tête.

Je me redressai à-demi et vis le toit, à présent presque intégralement envahit par les flammes. Le moins que l'on puisse dire est qu'il était moins une ! Cassie fixait la scène d'un regard triste et éteint qui me fit de la peine. J'avais envie de la réconforter, de lui dire quelque chose, mais je ne trouvais pas les mots. Toute sa vie était en train de partir en fumée devant ses yeux et je n'arrivai même pas à la réconforter. Peut-être parce que au fond de moi, je pensais que c'était le cadet de ses soucis à venir.

— Avec un peu de chance, ils croiront que nous sommes morts dans l'incendie, dit-elle d'une voix pleine de larmes contenues, tout en s'approchant de Worth pour lui rendre son arme.

C'est au moment où je la vis faire que je compris que c'était elle qui avait tiré sur mes poursuivants, pour que Worth puisse tenter de me récupérer si je ratais mon saut.

— Merci Cassie, lui dis-je en la regardant dans les yeux et en tentant d'y faire passer toute mon affection et mon soutient.

Elle me le renvoya durant quelques secondes, puis reporta son attention sur les flammes.

— T'aurais fait la même chose pour moi, me répondit-elle sans me regarder, le brasier se reflétant dans ses yeux tristes.

Puis, se détournant à contrecœur du spectacle, elle vint m'aider à me remettre debout et sans un mot, commença spontanément à se diriger vers la porte métallique la plus proche.

— Non ! L'arrêta l'inspecteur au moment où elle s'apprêtait à en tourner la poignée, la faisant violement sursauter. Si ces hommes ont un minimum de jugeote, ce que je crois, ils auront posté des gardes dans chaque immeuble alentours...enfin moi c'est ce que j'aurai fait.

— Vous voulez qu'on fasse quoi alors ? lui demanda-t-elle apparemment au bord de la crise de nerf.

— Trouver une autre issue...suivez-moi.

Et sans un mot de plus, ni un regard en arrière afin de voir si on le suivait, il s'avança entre les ombres. Cassie, remarquant mon pied blessé pour la première fois, revint sur ses pas et passa son bras derrière mon dos pour me soutenir, tandis que nous commencions à suivre Worth en clopinant, enfin...surtout moi.