Chapitre 36-2

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La connexion avait été si soudaine et brutale, que j'eus de la peine à retrouver mon souffle et une respiration normale.

— Jude ! Ils sont là !

— Je sais, me répondit-il d'une voix voilée, alors qu'il se retournait vers moi pour me fixer d'un regard inquiet et hagard.

En fait, il paraissait comme...groggy, appuyé lourdement contre le meuble dans lequel il farfouillait avec énergie quelques secondes plus tôt...et d'ailleurs, comment pouvait-il le savoir avant que je ne le lui dise ?

— Je...je l'ai entendu aussi, me dit-il dans un souffle surpris, tandis qu'il reprenait ses esprits et s'éloignait de la commode d'un pas incertain.

— Tu as entendu quoi ? Qui arrivent ? demanda Hannah de son ton exaspéré habituel, où pointait un léger soupçon d'inquiétude.

— Ces humains que vous aviez vus, ils se trouvaient de quel côté de la forêt ? demanda Jude aux gardes, sans même prendre la peine de répondre à Hannah.

— Au sud, répondit l'un des deux sans aucune hésitation.

— Ok ! Vous, allez prévenir mes parents. Dites-leur que nous risquons d'essuyer une attaque d'ici peu...

— Une attaque ?! Pour nous attaquer, il faudrait déjà qu'ils nous trouvent ! s'exclama le plus jeune des gardes. Jusqu'à présent aucun humain n'y est jamais parvenu, ajouta-t-il d'une voix assurée.

— Le problème, c'est que vous n'avez pas à faire à des humains ordinaires ! Alors, faites ce que je vous dis et allez donner l'alerte...tout de suite !

Les deux hommes sursautèrent devant cet accés de colère et s'empressèrent de tourner les talons et de quitter la pièce au pas de course.

À peine avaient-ils refermé la porte derrière eux, que Jude se laissa tomber brutalement à genou sur le sol, avant de tirer quelque chose d'apparemment lourd de sous le lit. C'était une sorte de caisse en bois de taille moyenne et munie d'un cadenas, qu'il ouvrit rapidement avec la clé qu'il venait certainement de récupérer au milieu de son tiroir à chaussettes ! Sans trop de surprise, je le vis en sortir des armes. Quatre armes de poing et plusieurs poignards dans leurs fourreaux en cuir.

— J'espère que le petit jeune à raison et que nous aurons le temps de partir avant qu'ils n'attaquent ! Après-tout, c'est après nous qu'ils en ont...si nous ne sommes plus là, ils n'auront plus de raison d'attaquer...enfin c'est ce que j'espère, nous expliqua Jude d'une voix tendue, tandis qu'il fixait deux des armes blanches à ses poignets, avant de rabattre ses manches par-dessus.

— Jude...si ta mère est impliquée...ça ne changera rien, lui dit Hannah d'une voix prudente, tandis qu'elle se saisissait de l'une des pistolets.

— Je sais tous ce que vous pensez de ma mère...que c'est une garce sans cœur et avide de pouvoir...et vous avez raison ! Mais jamais elle ne vendrait les siens comme cela...

— C'est ce que je croyais de mon père aussi, lui rétorqua Hannah d'une voix sombre en le fixant d'un regard entendu.

— Charles a pris une mauvaise décision. Mais il l'a fait dans la panique, croyant sauver les siens et son fils ! Je ne cautionne pas...mais je peux comprendre. Mais dans le cas de ma mère...cela ne lui apporterait rien de plus, bien au contraire. De toute manière peu importe ! Qu'elle soit coupable ou non ne changera plus rien à ce stade, alors...équipons-nous et barrons-nous d'ici !

— Que fait-on pour Cassie ? Même si elle est agitée, elle dort toujours et il est hors de question que je la porte, nous prévint Hannah d'une voix irritée et à la limite du dégout.

— Éveillée, tu sauras la gérer et éviter qu'elle ne se transforme ? lui demanda Jude d'un ton sceptique.

— C'est un serpent et moi un aigle ! Si elle a un minimum d'instinct de survie...elle se tiendra tranquille.

— Et si ce n'est pas le cas ? lui demandai-je d'une voix dure, tout à coup inquiète pour mon amie.

— Ça ira, ne t'inquiètes pas ! se contenta-t-elle de me répondre en commençant à la secouer durement pour qu'elle se réveille.

— Est-ce que Féline peut nous aider ? me demanda Jude en s'approchant de moi pour m'aider à me lever.

— Je ne sais pas, lui répondis-je d'une voix inquiète. Je sens qu'elle est là, continuai-je en effleurant ma tempe mais...je ne parviens pas à communiquer avec elle. Je ne ressens que du froid et de la fatigue.

C'est au moment où je l'exprimai que je compris ce qu'il se passait. Féline était une panthère noire, espèce qui vivait d'ordinaire dans les pays tropicaux, et même si elle était née dans un zoo sous des latitudes plus tempérées, le froid qui régnait ici pouvait-être dangereux pour elle.

« Féline...où es-tu ? » essayai-je de la contacter, en espérant de tout mon cœur qu'elle me réponde.

Seul me parvint une grande lassitude et l'image d'un gigantesque tronc tordu et éventré par la foudre, avant que la communication précaire que j'avais réussis à établir ne se rompe.

— Tu sais où trouver un arbre mort, éventré par la foudre, demandai-je à Jude d'une voix pressante et angoissée.

— Oui, il n'est pas loin du sentier par lequel nous sommes arrivés, me répondit-il en m'aidant à me mettre debout. Pourquoi ?

— Féline se trouve juste à côté et elle ne va pas bien du tout...il fait trop froid pour elle. Il faut aller la chercher.

— Attendez une minute ! Si Féline s'y trouve, cela signifie que les hommes de Shaw aussi ! Il faut donc que nous passions ailleurs, nous dit Hannah.

— Et abandonner Féline ! Hors de question, lui répliquai-je avec agressivité, choquée qu'elle est même envisagée cette option.

— Christina à raison...on n'abandonne personne ! décréta Jude en m'aidant à faire quelques pas au milieu de la chambre.

— Ça va ? me demanda-t-il d'un ton anxieux.

— Oui ça ira...allons-y ! le pressai-je impatiente de quitter cet endroit et de partir au secours de mon amie.

Nous finîmes donc pas sortir de la chambre, tous armés et sur le qui-vive, même Cassie qui depuis son réveil musclé semblait avoir repris ses esprits, à défaut d'une parfaite vitalité. Alors que je m'attendais à ce que nous empruntions le même chemin qu'à l'aller, Jude me surpris en tournant immédiatement à gauche, avant de se faufiler dans un passage étroit entre deux bâtiments. N'osant pas faire de bruit dans le silence pesant qui nous entourait, je m'abstins de demander où nous allions.

Nous finîmes par déboucher sur une petite plateforme carrée, où un système de poulies complexe était installé en surplomb du vide. Je réprimai de justesse un gémissement de terreur instinctif quand Jude nous approcha du bord et que mon regard plongea dans le vide qui s'étendait à nos pieds.

— A quoi tu joues ? lui demandai-je alors qu'il tendait le bras vers une des trois cordes accrochées au mécanisme.

— C'est le moyen le plus rapide et le plus discret pour atteindre le sol de la forêt...fais-moi confiance ?

Bien que je sache que je n'avais pas le choix, j'avais tellement le vertige que j'hésitai quand même. Mais avant que je n'aie pu donner mon accord, Jude resserra sa prise de son bras droit autour de ma taille, tandis qu'il enroulait la corde autour du gauche et nous balançai dans le vide.

Je cru que mon cœur allait ressortir par ma gorge, tellement la sensation de chute fut intense. Une fois que nous fûmes stabilisé, Jude enroula l'une de ses jambes à la corde et Jude en pesant de tout son poids commença à nous faire lentement descendre vers le sol. J'avais beau avoir une peur panique, je ne pouvais nier que la vue était magnifique. Comme je m'évertuais à regarder en haut plutôt qu'en bas, je vis Hannah commencer la descente à son tour, bientôt suivit de Worth, tenant une Cassie pas très rassurée dans ses bras.

Nous étions encore à environ deux mètres du sol, quand le son grave et retentissants des corps donnant l'alarme retentit. Puis une première flèche enflammée fendit l'air, auréolant les arbres d'une aura rougeoyante et sinistre. 

Chimère. Féline-Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant