Chapitre 17-1

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Jude partit en trombe, me laissant seule avec Féline dans cette pièce inconnue. Mon premier réflexe fut de vouloir le suivre, mais les fils me raccordant à la machine se rappelèrent désagréablement à mon bon souvenir lorsque je voulus me lever de mon lit.

Tu as encore besoin de repos...tu es faible et fatiguée. Je le sens...là, me transmis Féline, plus par des sensations que par de véritables mots.

En réalité, c'était presque toujours comme cela. Nos échanges télépathiques, faute d'un meilleur terme, se résumaient plus à un échange d'images et de sensations de la part de la panthère. C'était mon cerveau humain qui le traduisait instinctivement en mots et en phrases, certainement plus compréhensibles pour moi. Pendant un instant, son inquiétude viscérale et sincère me fit hésiter, puis des éclats de voix assourdis me parvinrent, raffermissant ma détermination à savoir ce qu'il se passait.

J'arrachai donc les électrodes d'un coup sec, en grimaçant lorsque les ventouses tirèrent sur ma peau en se décollant. Alors que je me mettais enfin debout, chancelante, un tiraillement désagréable dans mon bras gauche me rappela à l'ordre. Je poussai un petit juron lorsque je vis le cathéter planté au creux de mon coude et relié à une poche de liquide clair. Si je voulais quitter ce lit, j'allais devoir arracher cette saloperie et j'avais horreur des aiguilles ! Je pris donc une profonde inspiration, saisis l'extrémité de la perfusion entre mes doigts engourdis et fermant les yeux, je tirai d'un coup sec. La douleur fut brève et limitée, mais je ne pus m'empêcher de frissonner à l'idée de l'aiguille sortant de ma chair...beurk !

Une fois libérée de tout mon attirail médical, je fis prudemment un pas en avant pour tester mes muscles convalescents et ma stabilité précaire. Grand bien m'en prit, car ma tête se mit instantanément à tourner et un voile noir de très mauvais augure me passa devant les yeux, avant qu'une vision flou et incertaine ne me revienne, me laissant au bord de la nausée.

Tu vois...je te l'avais dit ! Commenta Féline, une pointe de condescendance émaillant ses pensées inquiètes.

— Oui peut-être...mais je dois allez voir ce qu'il se passe. Ce n'est pas si loin que ça...je devrai y arriver, lui répondis-je à haute voix pour me donner du courage, tandis que la main crispée sur les barreaux du lit, je tentai un nouveau pas en avant.

Téméraire, je lâchai mon appui et risquai un nouveau mouvement...qui à ma grande surprise s'avéra moins chancelant que les deux précédents. Enhardie par ma réussite, j'avançai prudemment jusqu'au guéridon auquel je me retins, tremblante. Je n'avais parcouru que deux mètres et j'étais déjà à bout de souffle...la vache ! mais que m'était-il arrivé au juste ?! Malgré la tentation de plus en plus forte de rejoindre le lit pour m'y étendre de nouveau, je continuai à avancer avec obstination vers la porte que je franchi, Féline sur mes talons me suivant comme une ombre, gracieuse et silencieuse.

J'arrivai dans un petit couloir qui débouchait presque immédiatement sur une salle de séjour banale, meublé en tout et pour tout d'un canapé beige passe-partout et d'une table basse bon marché, montée de travers. Mais où étais-je ? Jude avait bien dit que nous nous trouvions chez Charles...pourtant cette déco digne d'une chambre d'étudiant fauché, ne correspondait pas du tout au standing de la maison de « monsieur sociopathe ». À moins que nous ne soyons encore dans l'un de leur refuge d'urgence pour métamorphes en danger ? Ce qui serait déjà plus raccord avec l'absence de style intérieur et expliquerait pourquoi Charles piquait une crise à la découverte d'un non métamorphe à l'intérieur.

Un peu inquiète de ce qui pouvait se passer dans la pièce voisine, surtout que depuis quelques minutes je n'entendais plus le moindre son, je me dépêchai d'atteindre l'unique autre porte de la pièce qui était entrebâillée. Plutôt que de regarder discrètement à l'intérieur avant d'entrer, j'y pénétrai en poussant la porte de l'épaule d'un geste maladroit mais néanmoins efficace, sans aucun souci de discrétion...et m'arrêtai net, presque suffoqué par l'aura de tension qui régnait dans la pièce.

Chimère. Féline-Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant