Chapitre 26-2

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Avec tous les évènements récents, j'avais perdu la notion du temps et la pénombre régnant dans le sous-bois ne m'aidait pas vraiment à me repérer. Je ne savais qu'une chose, j'étais épuisée jusqu'à la moelle de mes os et j'avais froid. Un froid insidieux qui semblait venir du plus profond de mon être et ne jamais vouloir partir. À cette pensée, un frisson me traversa tout le corps, me laissant tremblante et transie dans les bras pourtant chauds et réconfortants de Jude.

— Tu as froid car tu manques d'énergie, me dit-il d'une voix douce, qui me sembla tout de même forte dans le calme feutré ambiant. La première transformation est toujours très éprouvante, tu vas avoir besoin de beaucoup de sommeil pour t'en remettre...

Un bâillement sonore que je ne pus réprimer l'interrompit pile au bon moment pour confirmer son diagnostic et je le sentis sourire, tandis que je lovai plus confortablement ma tête dans son cou. Humm...ce que j'étais bien, à l'abri, au chaud dans sa bonne odeur à la fois fraîche et musquée...

— Hé ! Ne t'endors pas maintenant ! s'écria-t-il, tout en me secouant légèrement.

— hmm...mais pourquoi ? marmonnais-je d'un ton pâteux, déjà à moitié endormie.

— Parce qu'après je ne pourrais plus te réveiller avant un moment. Il faut au moins que tu tiennes jusqu'à ce que nous soyons en route. Dans la voiture, tu pourras dormir.

J'avais beau entendre et comprendre ce qu'il me disait, mes yeux et mon esprit eux, avaient de toute évidence décidés que le meilleur moment...c'était maintenant !

— Allez fainéante ! me taquina-t-il gentiment en me secouant à nouveau. Tu ouvres les yeux maintenant, ou je te laisse faire le chemin à pied.

Il n'oserait quand même, parvins-je encore à penser...pour me retrouver dix secondes après, les fesses dans une flaque d'eau ! Enfin de boue plutôt...beurk !

— Non, mais tu es...commençai-je à pester, à présent totalement réveiller et folle de rage contre Jude et Féline, que j'entendais rire dans ma tête.

—...efficace, je dirais ! me répondit-il en souriant. Aux grands maux, les grands remèdes. Maintenant que tu es réveillée, tu as deux options. Soit je te reprends dans mes bras, mais interdiction de pioncer ! Sois tu me suis...comme tu peux.

— Comme si j'avais le choix, bougonnai-je en réalisant que je tenais à peine sur mes jambes, qui me donnaient l'impression d'être en papier mâché.

— Allez viens-là, me dit-il en m'aidant à me remettre sur mes pieds tremblant, avant de m'enlacer tendrement.

— Désolé de t'avoir fait tomber dans la boue...je ne l'avais pas vue, me murmura-t-il d'une voix quand même amusée, son souffle effleurant mes cheveux. Mais crois-moi, il ne faut pas que tu t'endormes maintenant.

Son ton soudain sérieux, me fit me reculer légèrement pour pouvoir apercevoir son visage et croiser son regard, qui était attentif et inquiet. Ce qui au vu de notre situation, n'avait rien d'étonnant.

— Tu aurais pu me faire la conversation à la place ! Ça aurait été moins salissant, lui rétorquai-je d'un ton acide, tandis qu'il me reprenait dans ses bras.

— Très bien ! C'était comment ? Tu as ressenti quoi ? me demanda-t-il en me fixant d'un regard intense, visiblement très intéressé par ma future réponse.

Moi qui ne rougissais pas facilement d'ordinaire je me sentis à nouveau m'empourprer comme une midinette. Il n'y avait vraiment que lui pour me faire cet effet-là ! Sauf que cette fois-ci, les raisons en était différentes. J'avais honte de lui avouer les pensées et les surnoms, tout sauf glamour, dont l'avait affublé mon alter égo félin. Car j'avais beau ne pas toujours avoir été aux commandes, bizarrement je me rappelais de tout !

— Quoi ?! me demanda-t-il, soudain légèrement suspicieux.

— Kami te surnomme « monsieur poulet », murmurai-je la bouche contre sa poitrine...morte de honte.

Je sentis avant de l'entendre, le rire puissant qui sortit de sa poitrine, alors qu'il s'esclaffait comme un collégien.

— Excellent ! Ne sois pas gênée, nos alter-égo animaux ne perçoivent pas les choses comme nous. Tu t'y habitueras. Mais...pourquoi Kami ?

— C'est comme ça que je l'ai surnommé, Kami comme...Kamikaze.

— En effet ça lui va comme un gant ! Tu es vraiment surprenante, tu le sais ça ? me dit-il alors que nous sortions enfin des sous-bois sombres et humides.

Le soleil pourtant timide en cette journée d'automne, me fit presque mal aux yeux et j'enfonçai d'avantage mon visage dans le torse de Jude, pour atténuer momentanément la luminosité blessante.

— C'est quoi l'Histoire de Charles ? lui demandai-je soudain, intéressée et désireuse de changer de sujet.

— Ce n'est pas à moi de te la raconter, me répondit-il d'un ton réservé et légèrement sur la défensive.

— Vous vous connaissez depuis longtemps ? tentai-je.

Espérant qu'en changeant d'approche j'aurai peut-être enfin des réponses au mystère que cet homme représentait pour moi.

— Oui.

Cette réponse sèche et laconique, était un signe évident qu'il valait mieux changer de sujet. Mais j'en avais marre de les entendre se lancer des piques et des allusions qu'eux seuls semblaient comprendre. Il me semblait qu'à présent j'étais un peu concernée.

— Et... ? insistai-je malgré tout.

— Christina, je n'ai pas envie d'en parler.

— J'avais parfaitement compris, mais...j'aimerai en savoir plus sur toi et apparemment Charles a joué et joue toujours un rôle important dans ta vie et j'aimerai, j'ai besoin de comprendre...

Alors que nous arrivions en vue de l'infirmerie dévastée, Jude s'arrêta à l'angle d'un bâtiment et me déposant doucement au sol, me contempla quelques secondes avant de pousser un profond soupir.

— Un jour je te raconterai...mais là, ce n'est vraiment pas le moment.

Sa phrase était à peine terminée, que ce qu'il restait de la porte de l'infirmerie grinça, pour laisser passer un Worth couvert de sang et visiblement très éprouvé. Jude profita de cet interruption fort bienvenue, pour me saisir pas la taille et m'aider à faire les quelques pas qui nous séparaient de l'inspecteur. Féline n'était plus nulle-part en vue, mais je ressentais sa présence non loin de nous. Elle avait juste besoin de calme et de solitude pour s'occuper de ses blessures.

— Alors ? lui demanda seulement Jude d'une voix grave et contenue.

— Il est toujours en vie...pour le moment. Hannah ne veut pas quitter son chevet, mais...elle est sur le point de s'effondrer et elle refuse de m'écouter.

— Je vais aller lui parler...nous ne pouvons pas rester ici, c'est trop risqué, dit-il d'une voix anxieuse en entrant d'un pas pressé dans la pièce nous laissant seuls tous les deux.

Je n'osai pas regarder l'inspecteur, bien trop consciente qu'il y avait à peine une heure, j'avais essayé de le bouffer ! Rien que d'y penser me provoqua un haut le cœur, qui me laissa tremblante et la tête bourdonnante.

— Christina...ça va ? me demanda Worth d'une voix pleine de sollicitude, mais restant quand même prudemment à sa place.

— Je suis vraiment désolée pour tout à l'heure, lui dis-je d'une voix voilée par la nausée.

— Tu n'as pas à être désolée, dit soudain Jude en sortant précipitamment, empêchant l'inspecteur de répondre à mes excuses.

— Il faut que tu manges quelque chose avant que nous ne partions.

— Et Isaac ? lui demandai-je.

— On va essayer de l'emmener avec nous...

— Non, c'est hors de question !

La voix de Charles retentit soudain, nous faisant tous sursauter.

— Je sais où tu veux aller et tu sais comme moi...que tu ne dois pas retourner là-bas. 

Chimère. Féline-Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant