Le fait que je n'ai pas le temps de me préparer, rendis la traversée beaucoup plus désagréable que les autres fois. À moins que ce ne soit dû au fait que le camouflage était plus important ? Toujours est-il qu'une fois de l'autre côté, j'eus la très déplaisante sensation d'avoir franchis un rideau électrique, me laissant tout le corps engourdit et parcouru d'horribles picotements.
Mais je n'eus pas vraiment le temps de m'en préoccuper, car j'avais à peine mis un pied hors du refuge que Jude me poussait violemment sur le côté, avant de me forcer à m'accroupir d'un geste brusque et précipité.
— Surtout ne bouge pas et ne fais aucun bruit, me murmura-t-il d'une voix dure et directive, tandis qu'il retournait à l'intérieur en se fondant dans les ombres sans me laisser le temps de réagir.
Son comportement froid et limite brutal avec moi, me laissa perplexe, mais je mis vite ça sur le compte de l'urgence et du stress de toute cette situation et préférai me concentrer sur le problème présent. En bougeant le moins possible, je tâchai d'appréhender mon environnement afin de pouvoir me repérer et remarquer d'éventuels ennemis en approche.
Je me trouvais en pleine forêt, dissimulée dans l'ombre d'une cabane rustique qui avait connu des jours meilleurs. Mais je savais que c'était le camouflage magique qui me faisait voir les rondins et les planches de guingois couvert de mousse, ainsi que les plantes grimpantes et les moisissures qui envahissaient ce qu'il restait du plancher à présent à moitié pourri. Comme je savais que cela n'était qu'une illusion, je ne m'y attardai pas et me concentrai plutôt sur mon environnement immédiat.
Comme il faisait nuit et qu'étant entourée d'arbres et de fougères, je n'y voyais pas à deux mètres, je me concentrai sur les sons. D'après Féline, Jude et les alarmes du refuge, nous étions encerclés. Alors comment cela se faisait-il que je n'entende pas le moindre bruit ? Rien, pas même le bruissement naturel du vent dans les feuilles, réalisai-je soudain tandis que je me focalisai avec une intensité douloureuse, sur mon environnement immédiat. Commençant vraiment à m'inquiéter de ce silence anormal et de l'absence prolongée de Jude, je décidai de tenter le tout pour le tout et d'essayer de me servir de mes perceptions.
Je tentai de me détendre autant que la situation me le permettait et ouvris mon esprit, à la recherche des autres consciences environnante. Car comme je l'avais découvert il y avait peu de temps, le brouhaha incessant que j'entendais dans ma tête depuis que j'étais petite n'était pas le fruit de mon imagination ou d'un cerveau perturbée (comme le pensait les médecins et mon entourage) mais une capacité dû à ma qualité de métamorphe.
Mais j'eus beau faire tous les efforts du monde...rien. Le silence absolu comme s'il n'y avait pas âmes qui vive à des kilomètres à la ronde. Moi qui avait toute ma vie espéré le silence, maintenant qu'il était là...je n'en voulais plus. Cela faisait déjà quelques jours que ma capacité semblait vaciller, disparaissant complètement pour revenir plus tard. J'avais mis ça sur le compte du stress et de l'après coup des évènements récent, mais si c'était mon imminente transformation qui perturbait ma zooempathie pour finir par la faire totalement disparaitre lorsque que j'aurai achevé ma première transformation ? J'espérai surtout que je pourrai toujours communiquer avec Féline, car perdre mon amie poilue serait...un immense déchirement.
— Nous resterons toujours ensemble, petite sœur.
La voix mentale chaude et ronronante de Féline, s'insinua dans mon esprit au moment où sa tête venait se frotter doucement contre mon bras, évitant de me faire sursauter de frayeur.
— Comment se fait-il que je ne te percevais pas, jusqu'à maintenant ? Lui demandai-je en la grattant derrière l'oreille, ce qui la transforma instantanément en chaudière ronflante.
— Je ne pouvais pas t'atteindre non plus. C'est revenu dès que...
Elle feula légèrement, n'arrivant visiblement pas à exprimer quelque chose qu'elle ne comprenait pas. Mais j'avais saisi. Le champ de protection devait entourer le chalet sur quelques mètres, raison pour laquelle je ne percevais rien et pourquoi Jude m'avait laissé seule aussi longtemps en terrain hostile. Maintenant que j'y réfléchissais, c'était évident...non mais quelle gourde je faisais parfois.
C'est ce moment que choisit Jude pour réapparaitre avec Hannah dans les bras et Worth sur ses talons.
— Je vois que nous sommes au complet, dit-il de la même voix froide et sarcastique que tout à l'heure, en jetant un coup d'œil à Féline. Il faut y aller, je vais...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase, que la barrière vola en éclat. Oh rien de spectaculaire ou de visuel, mais les sons, les odeurs et les perceptions revinrent d'un seul coup, me percutant comme un millier de dagues. Puis ce fut l'odeur écœurante de l'essence qui pris le dessus, vite suivit de coups de feu désordonnés.
— Ne tirez pas bande d'idiot, il nous la faut vivante ! beugla un homme quelque part sur notre gauche. Envoyez plutôt les mutants.
Je jetai un regard affolé à Jude, qui me le rendis. Car nous savions très bien tous les deux de quoi cet homme parlait. Nous avions déjà eu affaire à ces monstre mi-chien, mi-hyène et c'était un miracle que nous nous en soyons sortis vivant la première fois. Alors là, avec Hannah blessé et Worth qui...ne savait pas à quoi il avait à faire, le plus optimiste était de dire que...nous étions mal parti !
Une nouvelle balle fusa, venant faire voler l'écorce de l'arbre près duquel se tenait Féline.
— Sauve toi...vite, lui dis-je dans un murmure paniqué tandis que je me rapprochai de Jude, ne sachant pas vraiment quoi faire d'autre.
On avait beau les entendre, les arbres et arbustes denses qui nous entouraient nous empêchaient de distinguer quoi que ce soit, ni de savoir exactement où ils se trouvait.
— Moi je vais te le dire, me transmis Féline tandis qu'elle grimpait avec grâce et rapidité dans l'un des arbres le plus proche, se fondant silencieusement dans les ombres.
— Venez-là, nous ordonna Jude d'une voix précipitée en me faisant signe de le rejoindre. Je peux camoufler notre odeur pendant un certain temps, nous expliqua-t-il tandis qu'un vent qui commençait à me devenir familier prenait vie autour de lui, nous englobant peu à peu dans son vortex protecteur.
— Oui, mais sans savoir par où fuir, ça ne nous servira pas à grand-chose, commenta inutilement Worth.
— Féline s'en occupe leur dis-je les yeux perdues dans le vague, tandis que j'essayai de déchiffrer les images et les sensations qu'elle m'envoyait.
Elle se trouvait dissimulé en haut d'un immense chêne et se contentait de me montrer ce qu'elle voyait. Son esprit de panthère ne comprenant pas nos unités de localisation et de distance.
— Ils sont pour la plupart tous concentré sur le devant du chalet, c'est-à-dire à notre gauche. Notre seule chance est de partir de l'autre côté.
— Combien d'hommes par-là ? demanda Jude en posant doucement Hannah sur le sol, laissant à l'inspecteur le soin de lui servir de béquilles tandis qu'il sortait une arme dissimulée dans son dos et en vérifiait rapidement le chargeur.
— Je ne sais pas, je ne peux pas bien voir à cause des branches...mais Féline va se rapprocher.
— Comment...vous êtes en communication avec la panthère...
Un peu agacée par son commentaire inutile, je tournai la tête pour le foudroyer du regard et restai figée par son expression stupéfaite.
— Waouh...
— Quoi...qui y-a-t-il ? lui demandai-je.
Nous avions beau être momentanément camouflés, ce n'étant vraiment ni le lieu, ni le moment pour ce genre de conversation stérile.
— Vos yeux...ils ont changés.
— Comme la dernière fois, lui demandai-je tout en sachant pertinemment que cela ne devait pas être le cas.
— Non...là se sont des yeux de panthère !
Au moment où il me disait cela, une ombre noire et imposante atterrie à quelques mètres de nous. Et vu l'aura noire et nauséabonde qui se dégageait d'elle et qui submergea mes sens...ce n'était pas féline.
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Chimère. Féline-Tome 2
Paranormal*3ème du concours Award Rentrée 2016* Christina le sait désormais, elle est une métamorphe, mise à l'écart par les siens car elle est incapable de se transformer. Après tout ce qu'il vient de lui arriver, elle est bien éprouvée. Ayant dû abandon...