7 : Manipulation

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Il était temps de me jeter dans le vide. Enfin le vide... Il faut avouer que j'avais travaillé cette petite aptitude à exciter les mecs depuis plusieurs mois, et en réalité, il me suffisait de prendre une de mes conversations en cours et d'orienter l'échange vers quelque chose de sexy, et ce serait le mec de l'autre côté de l'écran qui plongerait, pas moi. C'est en tout cas ce que je me disais pour justifier mon obéissance aveugle à ce Vlad dont je ne savais rien. 

J'avais l'impression que c'était mon propre corps qui m'implorait de me plier à ce caprice malsain. Cette docilité était l'expression déconcertante de l'ébullition de ma chair.

Circé : Ok Vlad. Tu vas faire la connaissance de Bertrand, alias DrHouse. Il est médecin près de Dijon et j'ai déjà tchatté avec lui deux-trois fois. Il est arrivé depuis peu dans la région, et souffre énormément de la solitude. Il ne s'entend pas plus que ça avec les rares collègues dont il a eu l'occasion de faire la connaissance, et ne s'aventure pas à sortir pour rencontrer du monde. Il est poli et un peu timide, même sur le tchat. Il soigne son vocabulaire et met visiblement un point d'honneur à être courtois et respectueux. Il a du mal avec les femmes, car il n'ose pas faire le premier pas. Il est totalement bloqué, je pense. Sans doute une éducation bourgeoise trop puritaine...

Vlad : Oh, vraiment. Une chaste proie innocente. Presque un agneau. Ma chérie, je n'en attendais pas moins de vous. Eh bien, tu vas faire sortir du bon docteur ce qu'il a de plus étouffé en lui, les sales petites pensées qu'il rumine une fois les volets fermés, ce dont il a honte et qu'il dissimule derrière son austérité de façade.

Circé : C'est parti. 

Je dois avouer que bien que perverse, cette idée de jouer avec Bertrand m'amusait. Je l'abusais, sans nul doute, mais les choses restaient circonscrites au cadre somme toute rassurant du site, avec l'anonymat qu'il impliquait. D'autre part, la dissociation que la plupart des membres effectuaient une fois connectés entre leur moi extérieur, et leur moi exposé sur Tchatmania, permettait de s'autoriser des extravagances qui restaient sans conséquences. C'était un simple jeu. 

J'avais donc basculé sur l'onglet de ma conversation avec Bertrand. 

Circé : Tu sais, tu finiras par trouver. A mon avis, les filles qui rêvent d'être avec un médecin, c'est pas ce qui manque.

DrHouse : Possible, mais il va falloir qu'elles soient sacrément motivées pour faire ce fameux premier pas. 

Circé : Bertrand, sans déconner, arrête ! Tu es beau gosse, tu as du charme, tu as de la conversation, et en plus tu as un job prestigieux ! Laisse toi aller, bon sang ! Profites-en !

DrHouse : Je sais que je suis trop coincé, mais c'est au-dessus de mes forces. Et... c'est vrai ? Toi tu penses que je suis "beau gosse" comme tu dis ? 

Circé : Oui. Bertrand, tu ne t'en rends même pas compte ? Tu sais, peut-être que si tu étais près de moi, je serais cette fille motivée et entreprenante.

DrHouse : Je te remercie, c'est très gentil, je ne sais pas quoi dire...

J'avais copié à Vlad cette suite de répliques, et j'attendais sa réaction. 

Vlad : Hum... Il va falloir que tu entres dans le vif du sujet. C'est encore trop timide. Montre moi comment tu vas le rendre dingue.

J'étais repartie sur les échanges avec Bertrand. Au fur et à mesure, passant d'un onglet à l'autre, je copiais à Vlad la succession de phrases, et lui m'encourageait, m'accompagnait, me poussait à aller plus loin.

Circé : Je te prendrais d'abord la main, tout doucement pour ne pas te brusquer...

DrHouse : Je crois que j'en tremblerais de confusion... Tu vois, je suis irrécupérable...

Le clavier vampireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant