Comme après chaque conversation avec Axel, ma nuit avait été saturée de rêves érotiques. Toujours cette image du paon, incroyable de beauté, passant du bleu au blanc étincelant. Toujours ces caresses, ces morsures. Axel me pénétrant, entrant en moi, se fondant dans ma propre chair. L'orgasme total.
Cette nuit-là, Axel m'avait paru encore plus sauvage, encore plus résolu, encore plus impérieux. Réel. En me réveillant mon corps était comme meurtri, engourdi de plaisir et galvanisé de douleur à la fois. Des pulsations diffuses et délicieuses au creux de mon sexe. Une volupté qui ne me quittait pas. J'avais de toute façon l'impression d'être dans un état de tension sexuelle permanente depuis que j'avais rencontré Axel.
Je m'étais préparée une grande théière de Oolong, que je savourais tasse après tasse, installée dans mon petit fauteuil crapaud turquoise, devant ma fenêtre, profitant des premiers rayons de soleil, me chauffant comme un chat, absorbant la chaleur et la lumière. J'écoutais en boucle un titre de Foals, Spanish Sahara. Envoûtée par l'atmosphère flottante, cotonneuse, les voix presque éthérées. Un passage tournait dans ma tête comme les méandres d'un fleuve noir.
I'm the fury in your head
I'm the fury in your bed
I'm the ghost in the back of your headJe contemplais la rue, plongée dans une reposante torpeur, observant le ballet des passants, des voitures, les allées et venues des livreurs, du facteur, des employés de la ville. Dans une auto verte, une petite citadine japonaise, une femme s'échinait à réussir un créneau, s'y reprenant à plusieurs fois pour s'insérer entre deux autres véhicules et être à la bonne distance du trottoir. Elle en était finalement sortie avec une jeune fille. L'adolescente portait une caisse de transport pour chat, et sa mère, sans aucun doute, se penchait vers la boite pour vérifier que tout allait bien, et rassurer l'animal. Plus loin, un garçon à casquette jaune était sorti d'un camion UPS, et son regard allait du colis qu'il tenait dans ses mains, avec l'adresse du destinataire, aux immeubles et maisons de la rue, sur lesquels il devait chercher un numéro ou un nom. De l'autre côté, une Polo noire s'était garée, et je regardais la portière, attendant son ouverture, pour voir qui allait en sortir. Un homme, une femme ? De quel âge ? Plusieurs personnes, peut-être ? Y aurait-il un chien ? Je pariais sur une cinquantenaire fringante, avec un petit Jack Russell ingérable. Mais la portière ne s'ouvrait pas. Finalement, j'avais vu la vitre conducteur s'ouvrir, et s'en échapper une fumée blanche de cigarette.
Le vibreur de mon portable m'avait tirée de mes observations sociologiques. C'était Célia.
"Ma petite chatte, ça te dit de passer me voir cet aprèm ?"
J'avais déjeuné rapidement, pressée de retrouver mon amie. J'avais enfilé un jean et un t-shirt, une paire de Converse et j'avais couru chez elle.
En arrivant devant la porte, une puissante odeur d'encens avait envahi mes narines. J'avais sonné et Célia avait ouvert la porte. Pieds nus, elle portait une longue robe blanche, superbe, à l'antique. Elle m'avait immédiatement rappelé les statues sans têtes que j'avais vues à la chapelle Saint Firmin. Cousue dans une étoffe fluide et soyeuse, elle descendait en drapés vaporeux sur ses chevilles délicates. Sa taille était serrée par une fine ceinture de cuir marron, et ses épaules dénudées supportaient le plissé d'un décolleté plongeant, qui laissait deviner ses seins, affranchis de lingerie, libres sous la soie.
Elle semblait enveloppée dans cette atmosphère d'encens, presque une peu ivre. Son regard était lointain, brumeux, flou.
"Tu fais des essayages ? Tu as bu ?
- Non, ma chérie. Entre, je ne suis pas seule. On t'attendait.
J'avais tressailli.
- Stanis ?"
Elle avait répondu avec un rire de gorge étrange, que je ne lui connaissais pas. J'avais senti mes muscles se tendre et ma mâchoire se raidir. J'étais clairement dans un guet-apens. C'était une idée à lui. Et elle se faisait manipuler. Brusquement, je m'étais rendu compte que je n'avais rien fait pour la convaincre de cesser de fréquenter ce mec que je savais malsain pour elle. On n'avait eu tellement peu de contacts ces derniers temps... J'aurais dû lui dire, lui avouer que nous nous étions vus ! Et j'avais eu envie de partir, pour les laisser tous les deux et fuir cette situation, et Stanis. Mais il fallait que je m'interpose, que je provoque quelque chose qui la ferait réagir, et qui l'éloignerait lui.
"Allez viens, te fais pas prier."
Il était installé dans un des fauteuils du salon, un sourire sensuel sur le visage. Assis complètement en biais, il laissait pendre une jambe sur l'un des accoudoirs, l'un de ses bras reposant sur le dossier. Il portait ce jour-là un costume gris foncé, très élégant. Chaussures cirées, pantalon impeccable, veste cintrée, chemise blanche et gilet noir fermé. Seule sa cravate était légèrement dénouée, témoin d'un probable élan de Célia. Sa tenue très étudiée contrastait avec la légèreté de celle de mon amie. Une bouteille de champagne et trois coupes étaient posés sur la table basse.
"Bonjour, Jeanne.
- Il n'est pas un peu tôt pour le champagne ?
-Jamais trop tôt ma chère, jamais trop tôt.
- Oui, écoute Stanis !
J'étais stupéfaite de sa subordination à ce mec.
- On fête quelque chose ?
Stanis avait ri.
- On ne fête rien d'autre qu'une belle après midi de printemps, Jeanne. Il faut savoir savourer, jouer, apprécier, prendre plaisir.
- Ma chatte, tu es beaucoup trop sérieuse ! Je te l'ai déjà dit ! Allez, ça me fait plaisir, installe toi sur le canapé avec moi.
J'avais cédé, et Stanis s'était levé pour ouvrir la bouteille et remplir les verres. J'avais senti mon visage s'empourprer. Chacun de ses gestes était une convocation au désir. Je ne me l'expliquais pas, mais je comprenais presque la dépendance de Célia.
La première gorgée de champagne avait décrispé mes muscles, et je m'étais assise plus en arrière dans le canapé, m'enfonçant dans les coussins. Je n'étais pas obligée de déclencher tout de suite les hostilités. J'allais d'abord observer son attitude, j'aviserais ensuite.
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Le clavier vampire
Paranormal" Qu'est-ce que tu es ? - Je suis ce que je suis." Fantastique et érotisme, histoire et secrets, se croisent dans le récit vénéneux d'un amour incandescent, où rêves et réalité se chevauchent dans une atmosphère de fièvre nocturne. Attention, de no...