Fondu au noir.
Jeanne...
Juste une voix dans ma tête. Une voix prononçant mon nom.
Non. Ce n'est pas une voix.
C'est mon cœur que j'entends. C'est mon sang courant dans mes artères.
J'entends avec précision les fluides et les battements de mon corps. Je perçois parfaitement chaque parcelle de ma chair. Celles en contact avec le tissu du canapé y adhèrent lourdement. Un engourdissement étrangement paisible. Le coton de mon jean, de mon tee-shirt, de ma culotte, la légère pression de mon soutien-gorge sont des fétiches rassurants. Je ressens aussi la très nette tension sur ma peau de l'air tiède de mon appartement. Le parfum des bougies et du thé.
Des bougies et de l'encens. Des bougies et de la poudre. Des bougies et du froid glacial des pierres humides. De la moisissure. Du sang.
Cœur qui s'affole.
Jeanne... Jeanne...
Jeanne, ma très tendre, ma très douce... Écoute-moi.
Écoute-moi.
La voix d'Axel. La voix de mon amour résonnant dans tout mon corps. En épousant toutes les molécules. Imprégnée dans chacune de mes particules. Rayonnant dans le moindre de mes vaisseaux.
Je suis loin, Jeanne, mais je suis auprès de toi.
Nos âmes sont liées. Nos esprits et nos mémoires aussi. Le rituel nous a unis, tu l'as compris. C'est réel.
Je suis en toi.
La voix réveille de nouvelles sensations. Pulsations au creux de mon ventre. Chaleur montant de mon sexe pour inonder tous mes membres.
Concentre-toi sur ma voix.
Concentre-toi sur les images.
Tu ne risques rien en ce lieu.
Tu n'es qu'une observatrice. Invisible à tous ceux que tu croiseras.
Entre deux mondes. Entre deux temps.
Attention Jeanne, ne cherche pas à modifier quoi que ce soit. Notre énergie doit être préservée pour des choses plus importantes. Tu ne peux agir sur le passé. Juste en être le témoin.
Je suis dans un boudoir. Une pièce exquise, aux murs recouverts de boiseries ornées de motifs végétaux bleu et or. Des bergères Louis XVI, couvertes d'étoffes soyeuses, aux médaillons de velours rose, un canapé en tapisserie d'Aubusson représentant un paysage champêtre survolé par trois montgolfières. Sur une console arrondie en acajou, une paire de candélabres, vestales en bronze ciselé. Une cheminée surmontée d'un grand miroir en bois doré, sur laquelle sont posés des livres reliés de cuir. Au centre, un table de jeu marquetée d'ivoire sur fond d'ébène, ouverte sur une partie de de tric-trac entamée.
Toujours l'odeur de pierres humides et de sang. Une grotte. Une cave peut-être. Un caveau...
La voix.
Jeanne. Reste dans le boudoir. Ne t'en éloigne pas. Respire profondément et concentre-toi sur ce que tu entends.
Des rires sonores. Des éclats retentissants. Puis des bruissements, des chuchotements derrière la porte à double vantail.
Un couple pénètre en hâte dans la pièce. Un chignon brun soulignant la nuque délicate d'une jeune fille menue, en robe légère de percale claire. Et un homme très grand, les cheveux ramenés en catogan retenu par un ruban. Redingote noire sur chemise blanche, bottes de cuir à revers. C'est Stanis. On entend toujours des rires et des exclamations dans la pièce à côté.
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Le clavier vampire
Paranormale" Qu'est-ce que tu es ? - Je suis ce que je suis." Fantastique et érotisme, histoire et secrets, se croisent dans le récit vénéneux d'un amour incandescent, où rêves et réalité se chevauchent dans une atmosphère de fièvre nocturne. Attention, de no...