Les idées se bousculaient sous mon crâne. J'essayais de rassembler mes pensées. Il fallait que je voie Axel. Que je retrouve Célia. Que je comprenne ce qui s'était passé en 2001. Que je sache ce qui était arrivé à Sophie. Que j'arrête Stanis et Armand.
Axel et moi étions liés. Par le sang, les fluides, la magie du paon. Avec son aide, j'avais maintenant acquis la capacité de fléchir le temps, de me projeter dans le passé. Je pouvais donc sûrement voir le présent. Tout du moins le présent d'Axel. Il m'avait choisie, trouvée, s'était uni à moi, et m'avait parlé à distance. Ses mots résonnaient encore en moi. Il m'avait jusque là guidée mais cette fois, il fallait que je trouve seule le chemin.
Je fermai les yeux et me concentrai sur ce son encore vibrant dans ma tête, sur cette voix aimée. Je tentais de replonger dans cet état qui m'avait permis d'être témoin de la scène du boudoir.
Axel. Axel, écoute. Entends ma voix.
La connexion ne devait plus avoir besoin d'un ordinateur et d'un clavier. Le lien était suffisant. La connexion était devenue mentale. Les choses étaient maintenant naturelles, évidentes. Comme les chevaux, les arbres ou la poussière, avait-il dit.
Axel. Je suis là. Je te cherche. Réponds-moi.
Entrer en moi.
Axel. Parle-moi. J'ai besoin d'aide.
Entrer en moi pour entrer en lui.
J'avais fait couler un bain brûlant. L'huile parfumée au jasmin que j'avais versée dans l'eau claire répandait dans la salle de bain un arôme floral entêtant.
Je savais qu'il me fallait être nue. En écoutant l'eau couler régulièrement dans la baignoire, comme une musique, j'avais ôté rapidement mon jean, mon vieux tee-shirt, mes baskets et mes sous-vêtements. Je les contemplai un instant abandonnés en un tas informe sur le sol. Puis je pris le temps d'observer mon corps dans le miroir de ma chambre. Mes longs cheveux bouclés, mon visage, familier dans la glace, ma poitrine pleine, mon ventre plat, mes hanches légèrement saillantes. J'avais perdu du poids, je ne mangeais plus assez. Quand tout cela serait terminé, il faudrait y remédier. Mes cuisses blanches et fines, et entre elles, mon sexe lisse, rosé à l'extrémité des grandes lèvres. Mes pieds posés à plat sur le tapis velouté.
Plonger dans l'eau. Plonger en moi. Émerger en lui.
Je m'étais enfoncée lentement dans la baignoire. Centimètre par centimètre. J'avais laissé mon corps s'habituer petit à petit à la chaleur du bain. Ma peau avait frissonné au contact du liquide odorant. Puis, chaque particule de ma chair avait su se défaire des tensions, et savourer l'immersion dans ce cocon protecteur, doux, chaud, agréable. Une sensation que j'aurais cru impossible après les derniers événements.
Ma tête reposait sur le rebord de la baignoire, mes cheveux se gorgeaient d'eau peu à peu. Je laissais aller mes bras le long de mon corps, flottant librement. Je m'abandonnais à la sensation. Je fermais les yeux, indolente, alanguie dans la vapeur qui avait envahi la pièce.
Doucement, je sentais mon esprit vagabonder. S'étourdir de la chaleur, de l'humidité, des parfums. Mon cerveau refaisait le film des scènes des jours précédents. La chapelle, le journal, le boudoir. Une scène revenait sans cesse, lancinante, en boucle. A l'image d'un yo-yo que l'on déroule, qui se déploie, et qui revient toujours à sa place. Le rituel. Les battements de cœur comme des tambours. Notre nudité sur les pierres de Saint Firmin. Notre union.
Imperceptiblement, mes mains avaient migré vers le haut de mon corps et avaient commencé à masser lentement mon cou et ma nuque. Puis mes doigts, dans un geste irréfléchi, s'était mis à effleurer l'arrondi de mes seins, dont la peau frémissante se hérissait de chair de poule. Doucement la pulpe avaient atteint leur centre, où les pointes s'étaient mises à durcir, tendres bourgeons à la surface de l'eau.
Je ne pensais plus à Axel. Je ne pensais plus à rien. Juste concentrée sur les sensations offertes par les tressaillements de ma chair. Ouverte au plaisir que je me donnais, réceptive à chaque léger contact de ma peau contre ma peau. Je sentais des gouttes de sueur perler sur mon front, couler jusqu'à mes sourcils, et mes cheveux se coller à mon visage, humides et tièdes.
Mes doigts progressaient maintenant le long de mon ventre, suivant les lignes, les pleins et les déliés, les creux entre mes côtes, savourant la tendresse de la peau, s'attardant sur le nombril. Mes mains réalisaient des mouvements circulaires, partant en spirale de cet interstice, et englobant bientôt jusqu'à mes flancs et mon bas-ventre. A chaque fois que mon geste atteignait la lisière de mon pubis, une montée de plaisir faisait tanguer mon bassin, avide de recevoir la caresse suivante.
Le désir, l'envie de ce plaisir, était intense. Ma main gauche avait glissé à l'intérieur de mes cuisses, pendant que la droite éprouvait la moiteur de mon front, dégageant les cheveux qui, dans mes mouvements de plus en plus appuyés, venaient se coller à mes lèvres, emportés par les remous ainsi créées. Je tournais autour de mon sexe sans encore lui administrer de caresse directe. Je goûtais la douceur de mes cuisses, la finesse de la peau à mesure que je remontais vers mon sexe gonflé. Mon index et mon majeur droits avaient passé la barrière de mes lèvres et ma langue s'enroulait autour, comme pour un baiser, comme pour recueillir une salive inutile dans le bain. N'y tenant plus, j'avais commencé à effleurer de la main gauche les contours de ma vulve, cherchant à la fois à retarder et à attiser le plaisir. Puis j'avais glissé mes doigts brûlants entre les lèvres palpitantes de mon sexe cette fois, tournant autour du clitoris sans l'attaquer de front, le cajolant, le titillant juste, l'enveloppant d'un plaisir de plus en plus fort. Le moindre effleurement de doigts semblait m'amener instamment vers un orgasme irrépressible. Mais mon corps réclamait du temps. Celui de rester à l'orée de la jouissance le plus longtemps possible. Je relâchais la pression de mes doigts pour mieux déployer le plaisir lorsqu'elle devenait plus vive. La volupté qui avait envahi toute ma chair se concentrait non plus seulement sur mon sexe, mais sur tout le bas de mon corps, clé de voûte de la secousse que serait l'orgasme ainsi préparé. Je donnais libre court à la fantaisie de mes doigts, qui circulaient de mon clitoris à mon vagin, où ils s'enfonçaient alors profondément, provoquant un déplacement ponctuel de l'épicentre du plaisir. Dès qu'ils remontaient vers mon clitoris, la jouissance se faisait impérieuse, alors je repartais agacer des zones moins vulnérables, et plus secrètes, mais incroyablement sensibles.
Tout mon corps se préparait au séisme. Ma respiration était profonde et rapide. Presque comme un bruit lointain, appartenant à une autre dimension, j'entendais le clapotis de l'eau qui s'écoulait de la baignoire, échappée aux vagues scélérates produites par mes oscillations dans le fluide. Et puis l'orgasme. Long, puissant. Un éblouissement hypnotique.
J'étais en moi, absolument concentrée. Plongée dans les profondeurs. Coupée de tout lien avec l'extérieur.
Axel. Je suis là. Écoute-moi. Parle-moi. J'ai besoin de ton aide. Axel. Axel. Axel.
Et puis une voix.
Jeanne, je suis là, mon amour.
J'avais réussi.
Axel, j'ai appris des tas de choses, sur Stanis, sur Armand, sur tout ce qui se passe, mais il me manque encore de nombreux éléments, et peut-être que tu pourrais... que tu devrais... Il faut que tu me parles du passé...
Il avait repris sans que je termine :
J'ai beaucoup à te dire, mon ange. Nous allons nous battre ensemble maintenant.

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Le clavier vampire
Paranormal" Qu'est-ce que tu es ? - Je suis ce que je suis." Fantastique et érotisme, histoire et secrets, se croisent dans le récit vénéneux d'un amour incandescent, où rêves et réalité se chevauchent dans une atmosphère de fièvre nocturne. Attention, de no...