Chapitre 1

1.5K 109 12
                                    

La première chose que je m'étais dite en arrivant au pensionnat de Minneapolis était : « Oh putain... » (Ça résumait plutôt bien la situation).

À l'époque, j'avais 12 ans et je venais de découvrir mes pouvoirs. J'ignorais totalement qui j'étais et ma famille m'avait abandonnée sans le moindre regret aux mains des scientifiques. C'était probablement ce qui faisait le plus mal. L'univers, la Terre entière, le gouvernement et la société pouvaient me rejeter autant qu'ils le souhaitaient, ça ne ferait jamais aussi que d'être rejetée par sa propre famille, les seules personnes soi-disant génétiquement programmées pour vous aimer. Quel mensonge...

Mes camarades de dortoir pouvaient vous dire que j'en avais pleuré, ça oui. Je soupçonnais certains d'entre eux de vouloir m'étouffer dans mon sommeil avec un oreiller, mais j'étais incapable de les en blâmer. Et puis de toute manière, je dormais tellement rarement que les occasions leur auraient manqué.

Je n'avais jamais pu oublier mes parents, élégants et propres sur eux-mêmes, ma grande sœur et mon grand frère, deux copiés collés. À côté, la petite dernière qui n'écoutait jamais ce qu'on lui disait et qui préférait les balades en forêt plutôt que les défilés de mode était vite oubliée. Je ne m'étais jamais réellement sentie chez moi avec eux non plus, mais quand on vous prouvait que c'était réciproque et que, contrairement à ce qu'on m'avait toujours dit, j'étais bel et bien un « accident », eh bien ça faisait un choc.

Ainsi vous pouvez imaginer pourquoi je n'étais pas restée triste si longtemps que ça. J'étais surtout en colère. Incroyablement en colère. Ce qui, finalement, s'était avéré bien utile quand j'avais dû apprendre l'art du combat. Maintenant vous vous souvenez de l'arnaque dont je vous parlais ? Eh bien la voici : nous n'étions pas entraînés pour nous défendre contre les enfants de la Lune qui en voulaient à notre peau, mais contre ceux qui en voulaient à celle de l'Élite.

Voilà un groupe dont je ne vous ai pas encore parlé. L'Élite constituait l'ensemble des personnes se situant dans la fourchette d'âge quand le virus avait frappé et qui y avait pourtant échappé. Il ne leur avait absolument rien fait. La plupart avaient déjà entre 16 et 19 ans lorsque c'était arrivé, mais dès lors qu'ils appartenaient officiellement à l'Élite, c'était aussi le cas de leur famille toute entière. S'ils avaient le sang qu'ils avaient, c'était en premier lieu grâce à leurs aînés. C'étaient donc ces personnes aux gènes « purs » qui représentaient notre survie à tous.

Comme vous pouvez l'imaginer, plus les générations passaient et plus les adultes mouraient. C'était logique. Mais leur descendance n'était pas toujours assurée, car le virus n'avait pas quitté notre Terre. Chaque année, des millions d'enfants avaient 11 ans. Chaque année, 1 enfant sur 10 mourait, 8 sur 10 devenaient enfants du Soleil ou de la Lune et 1 sur 10 rejoignait l'Élite.

Même si les vieilles générations étaient les premières à partir, les adultes ayant eu la chance de grandir avant le virus étaient réticents à l'idée d'élever des enfants et de les voir finalement devenir comme nous ou pire. Seule l'Élite pouvait assurer la reproduction de notre espèce car si leur sang leur avait permis de survivre au virus, celui de leurs enfants ferait de même. Ils étaient nos nouveaux gouverneurs et politiciens. Pas la peine de préciser que c'était la plupart du temps des familles riches et depuis des siècles à tous les coups.

Mon ton sarcastique est quelque peu ironique car figurez-vous que moi, pauvre petite fille du Soleil éduquée au pensionnat de Minneapolis parmi tant d'autres, était finalement devenue la meilleure amie de Mlle Elizabeth Rosemary Darcy. C'était une enfant prodige depuis sa naissance. Elle avait été bénite des dieux - et de tout le monde d'ailleurs - pour avoir survécu et intégré l'Élite à seulement 12 ans. Les personnes dans le même cas étaient plus ou moins rares et même à cet âge, elle était déjà une jeune fille remarquable et pleine de promesses. Sa famille avait des ancêtres anglais très nobles, alors il ne pouvait en être autrement de toute façon.

Fille du SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant