Fille du Soleil

Chapitre 9

Je regardai Jason quitter la cafétéria et en fis bientôt de même, mon dessert à la main. En sortant de cette grande pièce puante et pleine de médiocres personnes, je sentis mon téléphone vibrer dans ma poche. Je ne vous l'ai peut-être pas encore dit, mais, contre toute vraisemblance, les téléphones étaient autorisés au pensionnat – Scandola avait donc dû me restituer le mien – hormis dans les salles de classes (rassurant), dans les couloirs et dans la cantine justement. Mais ne vous formalisez pas, ici les règles étaient faites pour être enfreintes.

- Oui ? décrochai-je.

- Anna c'est moi, tu peux venir chez moi ? Il faut que je te parle.

Le son de la voix de Lizzy me paraissait étrange. Pas dans la mesure où le portable modifiait toujours un peu la voix, non, la sienne était quelque peu hésitante, elle semblait redouter quelque chose.

- Lizzy tout va bien ? lui demandai-je donc.

- Oui, ce n'est pas moi le problème, mais il vaut mieux que tu viennes vite, s'il te plaît

Je pouvais sans problème imaginer l'air préoccupé qu'elle devait avoir en ce moment.

- Tu m'inquiètes là. C'est grave ? Aïe !

J'avais foncé dans quelqu'un sans le faire exprès (logique, mais vous savez comme on a toujours tendance à le préciser), il faisait de plus en plus noir.

- Fais chier, grognai-je en me massant l'épaule, je suis désolée ! m'excusai-je ensuite.

J'avais donc levé les yeux vers la personne en question et découvris qu'il s'agissait de Jeremy. Je le dévisageai un instant tandis qu'il bredouillait lui-même quelques mots à son oreillette. Il tenait une tablette dans les mains, j'en conclus donc qu'il faisait le compte-rendu de sécurité de la soirée. Finalement, je n'attendis pas sa réponse et repris mon chemin sans me soucier de son regard que je sentais toujours sur moi.

- Lizzy ?

Je n'entendais plus qu'un grésillement dérangeant.

- Lizzy ?! insistai-je.

- Savannah je... aahh !

Elle poussa un cri de frayeur qui me glaça le sang et je dû même éloigner mon portable de mon oreille. Un instant plus tard, j'étais celle qui criait dans le micro.

- Lizzy !

Je compris rapidement que je n'obtiendrais aucune réponse. Une voix grave m'interpella alors. J'eus à peine le temps de me retourner à moitié pour voir Jeremy, les sourcils froncés et mon éclair au chocolat à la main. J'avais dû le faire tomber en le bousculant mais c'était bien le dernier de mes soucis. Je l'ignorai donc, ainsi que toutes les personnes qui me regardaient bizarrement et partis en courant le plus vite possible.

Cette nuit, le ciel était sombre, encombré de nuages qui cachaient sans peine la moindre petite étoile et même la lune était contrainte de se laisser éclipser. L'air était pesant et on entend aisément les grondements de l'orage qui se préparait. Je courais depuis un petit moment quand il se mit à pleuvoir. J'étais trempée et inquiète mais je savais que l'adrénaline de la peur me poussait davantage qu'elle ne me paralysait.

Avec ces années d'entraînement, j'avais développé une endurance dont je pouvais être fière mais je sentais bien que mes précédents mois de repos commençaient à me peser. Si je n'étais pas particulièrement grande, mon habileté et ma souplesse me donnaient une vitesse dont je raffolais, seulement j'étais devenue incapable de la maintenir sur une longue distance. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine et mon esprit était assailli de questions. Que se passait-il ? Pourquoi ne répondait-elle plus ? Pourquoi avait-elle crié ? Je trouvais cela absurde, nous venions à peine de rentrer et il se passait déjà quelque chose !