Chapitre 49

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Un instant, ce fut comme si je perdais conscience, puis l'instant d'après c'était tout le contre. C'était pire. C'était le double. C'était comme si ma conscience avait été séparée en deux. Je savais que c'était dingue mais il y avait comme une part de moi qui était détachée de mon corps et qui semblait observer la scène de haut. Je me voyais allongée sur le sol, le poignard toujours en main. Je voyais Marley, effrayée, me prendre dans ses bras et appeler à l'aide. Si je restais encore quelques instants, je verrais Jeremy débouler dans la pièce, mais ce qui se passait de l'autre côté m'intriguait bien plus. C'était la deuxième part.

Je sentais que si je voulais l'oublier, ma première conscience s'effacerait pour me laisser entièrement ici. Ici, dans une immense salle de bal surplombée de lustres étincelants et de grands escaliers recouverts d'un tapis rouge. Je pouvais moi-même ressentir le velours sous mes pieds nus. Je baissai le regard sur mon propre corps et découvris que je ne portais qu'une fine tunique bleu marine. Mes pieds, mes jambes et mes bras étaient nus et pâles. Mes cheveux tombaient sans volume sur mes épaules et j'avais la désagréable impression que mes muscles étaient anormalement lourds.

Je regardai à nouveau tout autour de moi. Des tables étaient dressées et un magnifique parquet n'attendaient que des danseurs, mais j'étais complètement seule. J'eus à peine fait un pas que de la musique commença à sortir des enceintes présentes sur scène aux côtés de différents instruments ainsi que des haut-parleurs répartis dans la salle. Mes membres se paralysèrent et un étrange frisson me parcourut l'échine. Certains haut-parleurs cessèrent alors d'émettre le moindre son tandis que d'autres jouait une musique étonnamment envoûtante. Je sentis ensuite un courant d'air me guider vers la sortie de l'autre côté de la salle. Je le suivis.

Avec la chair de poule, je débouchai dans les toilettes des filles avant même d'avoir franchi la porte. La fraîcheur du carrelage me glaça immédiatement le sang. La musique ne parvenait plus à mes oreilles, mais d'étranges murmures l'avaient remplacée. Sans savoir pourquoi, je m'avançai jusqu'au miroir et rencontrai mon propre reflet. Il me fallut quelques instants pour me reconnaître tant cette fille aux joues creuses, avec des cernes et des traces de maquillage noir sous les yeux me paraissait inconnue. Ne supportant plus cette image, j'ouvris le robinet, souhaitant asperger mon visage d'eau fraîche, mais ce fut une coulée de sang rouge qui en sortit. Je retirai brusquement mes mains et m'empressai de les essuyer contre ma tunique. Malgré cela, une sensation de brûlure ne quitta pas ma peau.

Complètement perdue, je sortis de cette pièce beaucoup trop lumineuse et inquiétante et me retrouvai en une seconde dans la cour du pensionnat. Je n'avais donc jamais quitté cet endroit, j'étais seulement ballottée d'un endroit à l'autre par une force invisible.

Est-ce que je deviens folle ?

Nous étions de toute évidence en pleine nuit. Le ciel était inhabituellement dépourvu de nuage et la lumière du clair de lune donnait une teinte argentée à la nature. La lisière de la forêt de pins et les bâtiments du pensionnat étaient séparés par une grande étendue de béton, comme dans la réalité. Néanmoins, ce même béton se craquela à chaque pas que j'osai faire. Le sol devenait douloureux sous mes pieds et quand bien même j'étais en extérieur au bout milieu de la nuit, j'avais l'impression d'étouffer de chaleur.

Mais surtout, je ne comprenais pas ce qu'il se passait. Je voulus alors retrouver Marley et Jeremy et quitter ce rêve insensé. Peut-être qu'en regagnant ma chambre parallèle, je regagnerais la vraie. Je tentais donc d'atteindre le dortoir malgré mes membres douloureux lorsqu'un cri strident déchira l'atmosphère.

Je découvris alors trois personnes au cœur de la cour. La première se révéla être Luke...qui virevoltait littéralement dans les airs avant d'aller s'écraser sur le sol et de rouler encore sur plusieurs mètres. L'écho du cri de Lizzy commençait à peine à s'estomper que son corps s'était immobilisé. En effet, ma meilleure amie était la deuxième personne. Tout comme moi, elle portait une simple tunique, mais la sienne était d'un rouge profond. En revanche, la peau blanche de ses jambes et de ses bras étaient déjà écorchées et cela ne s'arrangea pas lorsqu'elle se précipita auprès de Luke, toujours paralyser sur le béton.

Fille du SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant