Chapitre 34

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Je clignai des paupières lentement mais ne perçus qu'une sorte de brouillard ou de fumée. Je toussai en sentant ma gorge me chatouiller puis essayai de comprendre quels étaient les bruits qui m'avaient réveillée. Cela ressemblait au bruit d'un feu dans une cheminée mais cela n'a rien d'apaisant, c'était sauvage.

Je me redressai dans mon lit et observai ce spectacle aussi terrifiant que magnifique. Ma chambre était en feu. Les flammes grimpaient aux rideaux, elles dévoraient les meubles, réchauffaient la pièce et hurlaient dans mes oreilles endormies. Je repoussai alors la couverture et sautai de mon grand lit.

Ma petite chemise de nuit fut bientôt recouverte de suie et collée à ma peau. Je commençai à paniquer et à transpirer sous cette chaleur cuisante. Je toussai de plus en plus et compris que l'air n'irait bientôt plus jusqu'à mes poumons. Mon premier réflexe fut d'aller ouvrir la fenêtre. Très mauvaise idée. Je le savais maintenant, mais à l'époque j'ignorais ce qui allait se passer. Dès que l'air pénétra dans la pièce une explosion me projeta de l'autre côté de ma chambre sous des planches brûlantes et bien lourdes. Je restai alors clouée au sol comme une poupée de chiffon avant de reprendre mes esprits et de me libérer avec difficulté.

Je me frayai péniblement un chemin vers la porte en sautillant pour ne pas me brûler mais ça aussi c'était dangereux, parce que bien sûr, c'était du couloir que venait le feu. Une fois ouverte, la porte entra en contact avec les flammes et s'embrasa immédiatement. Surprise, je tombai à la renverse.

- Maman ! criai-je, terrifiée.

C'est alors que mes poumons commencèrent sérieusement à me brûler, que ma gorge sembla être en feu elle aussi et que ma vision se brouilla.

- Maman ! hurlai-je à nouveau avec une voix enrouée.

Je n'arrivai plus à me relever. Un mur de flamme barrait désormais la seule sortie et je commençais à sentir mes membres s'engourdirent.

- Papa !

Ma voix, elle, se perdait doucement dans le vacarme qui m'entourait et je devais à chaque fois faire un effort supplémentaire pour l'utiliser, tandis que des larmes salées coulaient sur mes joues noires de suie et de poussières.

- À l'aide...

Une silhouette surgit alors de derrière les flammes. La petite fille que j'étais y avait vu son héros, mais aujourd'hui je me rappelais plutôt le temps qu'il avait mis à venir. Trop longtemps. J'étais déjà sur le point de perdre conscience quand ses bras entourèrent mon corps.

- Je suis là mon bébé, me dit-il. On va s'en sortir.

Je n'avais jamais oublié ces paroles, ni la manière dont il les avait prononcées. Jamais mon père ne m'avait ainsi parlé, jamais il n'avait utilisé de surnoms affectueux avec moi, jamais il ne m'avait serré contre lui de cette manière.

Il me sortit donc de la chambre et commença à descendre les marches. Nous étions dans une vieille maison, mes parents la trouvaient trop moche pour y investir de l'argent et envisager de la réparer. Elle ne nous servait que quelques nuits par ans comme un motel sur la route pour partir en vacances. Elle possédait de vieilles marches en bois qui craquaient dès qu'on posait le pied dessus mais qui avaient toujours tenues jusqu'à maintenant. Maintenant, le pire moment.

Une marche se brisa sous notre poids, mon père trébucha avec frayeur et je dévalai tous les escaliers en survolant les flammes mais en me cognant un peu partout. Je ne savais pas si j'aurais préféré que cette chute m'évanouisse, mais ce qui était sûr, c'est qu'elle ne l'avait pas fait. Chacun de mes membres étaient douloureux, recouvert de coupures et même de légères brûlures à quelques endroits. Non, je n'y avais pas échappé.

Fille du SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant