Chapitre 29

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J'avais froid. J'avais du mal à respirer. Je voulais que mes poumons aspirent moins d'air et me laissent plus de répit. Je voulais que mon cœur ralentisse. Je ne voulais ressentir qu'un battement faible dans ma poitrine et pas ce martèlement de coup. Je voulais que les larmes arrêtent de couler et me rendent une vision normale. Je voulais que le monde arrête de vivre autour de moi. Je voulais que les gens arrêtent de bouger, de rire, de parler, de respirer. Je voulais m'endormir et quitter cette Terre. Je voulais que le temps s'arrête.

Le plus étrange dans cette histoire, c'était que j'allais bien. Peut-être pas mentalement, ça non, loin de là même, mais oui, physiquement j'allais bien. Je m'en sortais peut-être avec quelques bleus aux poignets et une horrible boule au ventre, mais j'allais bien. Il n'était pas allé jusqu'au bout. Je ne l'avais pas laissé aller jusqu'au bout. Mon Dieu, heureusement que je l'avais arrêté. Je n'osais pas imaginer ce qui aurait pu se passer. L'idée à elle seule me terrifiait et me rappelait que j'aurais pu planter ce poignard un million de fois dans sa chair s'il l'avait fallu. Mais je n'avais pas eu à le faire. J'allais bien.

Alors pourquoi les larmes ne cessaient-elles pas de couler ? Pourquoi enrouler mes propres bras autour de mon corps ne suffisait plus comme avant ? Pourquoi ne pouvais-je plus fermer les yeux et oublier le monde qui m'entourait ? Pourquoi étais-je encore ici ?

- Savannah ?

La voix de Mme Diggle me parvint malgré le flot d'images effroyables qui tournait en boucle dans ma tête. De là où elle était, elle ne pouvait pas me voir. Néanmoins, elle restait sur le seuil de la porte comme en attente d'une réponse. J'arrivai à voir ses pieds sous le paravent mais la seule chose que je voyais vraiment était l'ombre de John.

- Est-ce que je peux entrer ? me demanda-t-elle doucement.

Je plissai les paupières et priai, priai encore et encore pour que le monde disparaisse autour de moi mais quand j'ouvrai à nouveau les yeux, rien n'avait changé. La peur et la douleur étaient tout aussi présentes. Ma tête hurlait toujours et mon cœur semblait vouloir être arraché de ma poitrine.

Mme Diggle finit par ignorer sa conscience morale et entra sans que j'aie prononcé le moindre mot. Elle pencha la tête pour me voir derrière le paravent et je me recroquevillai encore davantage sur moi-même.

- Oh mon Dieu Savannah, murmura-t-elle en tentant de s'approcher de moi.

Elle n'avait pas fait un pas de plus que j'attrapai la lampe de chevet qui traînait sur la petite table à côté de mon lit et la brandit entre nous.

- Ne me touchez pas, articulai-je d'une voix enrouée, brisée.

J'ignorais ce qu'elle lisait dans mon regard brillant de larmes mais cela sembla l'effrayer elle aussi.

- Savannah je veux seulement t'aider...

-... Ne m'approchez pas ! dis-je plus fort cette fois-ci.

Elle hocha la tête.

- D'accord, fit-elle en posant son carnet sur le lit.

Je reposai à mon tour la lampe que je cramponnais à l'instant, comme si cette chose pouvait me protéger, puis, je me laissai à nouveau glisser le long du mur et me recroquevillai sur moi-même. Mme Diggle commença alors à s'accroupir en face de moi, en veillant à garder une certaine distance.

- Je ne te toucherai pas Savannah, c'est promis, m'assura-t-elle.

Elle chercha mon regard de ses grands yeux noisette, mais je n'avais pas la force de lui faire face. Je me sentais meurtrie et faible. Je n'arrivais pas à voir autre chose que mon pire cauchemar. Elle se montra alors très patiente et ne me força pas immédiatement à m'ouvrir à elle. Ainsi, je tentai de me raccrocher à n'importe quoi qui pouvait m'aider à surmonter le choc que je venais de vivre. Je fermai les yeux et tentai de stopper mes sanglots pour me concentrer sur sa respiration. Un souffle à peine audible mais régulier et tendre. Je m'y raccrochai désespérément jusqu'à oublier toute l'activité intrépide qui se déroulait de l'autre côté de ses quatre murs.

Fille du SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant