Princess of Asgard [FR]

Prologue, partie Deux

Aujourd'hui...

La structure de l'avion vibrait sous l'effet des turbulences. L'appareil traversait une zone remplie de trous d'air et ce n'était pas pour rassurer les passagers. Les mains crispées sur les accoudoirs de son siège, le riche magnat de l'immobilier essayait tant bien que mal d'intérioriser sa peur. Cependant, les perles de sueur coulant le long de son front ne faisaient que réduire ses efforts à néant. Sa chemise blanche, entièrement cousue dans du tissu synthétique, n'accordaient aucune pitié à son odeur corporelle. Le nez sensible de sa voisine en faisait les frais. Voilà une dizaine d'heures qu'elle était assise à côté de cet homme, vantard, prétentieux et maintenant puant. Durant la première heure de vol, il lui avait longuement expliqué, sans qu'elle ne demande rien à personne, d'où lui venait son impressionnante fortune – son père avait tout misé sur le béton précontraint à une ère où on ne jurait que par le béton armé. Puis il avait enchaîné sur un étalage de ses propres exploits financiers et il aurait sans doute continué si elle n'avait pas eu la bonté d'esprit de lui demander de la fermer. Depuis, il s'était muré dans un silence vexé, maugréant dans sa barbe à l'encontre de cette femme qu'il aurait volontiers emmené dans son lit. Mais désormais, sa prétendue virilité avait tout bonnement disparue, laissant place à une profonde angoisse. Sa voisine ne pouvait que s'en réjouir : cet homme méritait d'être remis à sa place et quoi de mieux que des turbulences pour révéler le couard qui sommeillait en lui ?

— Je me demandais : par hasard, vous ne posséderiez pas une compagnie aérienne ? lui demanda-t-elle en regardant à travers le hublot. Non parce qu'un richissime homme d'affaire qui voyage en seconde classe, c'est quand même vachement rare !

— Vous croyez sincèrement que si j'en avais une, je serai là, assis à côté de vous ? Tenta-t-il de répliquer d'une voix ferme, alors que ses joues tremblaient sous les secousses. Et cette compagnie low cost de malheur est la seule reliant les Etats-Unis à la Sokovie !

— Vous avez raison, c'était stupide comme question, concéda-t-elle. Tout comme c'était stupide de dévoiler tous vos petits secrets de magnats à une journaliste du Times.

Le gros homme eut un hoquet de surprise. Il jeta un regard amusé à la jeune femme avant d'éclater de rire.

— Vous, journaliste ? Laissez-moi rire ! Et pour le Times, par-dessus le marché ? Ha ! Vous êtes une sacrée, vous !

Il rigola pendant encore quelques secondes avant que de nouvelles secousses ne le fassent blanchir brutalement. Sa réaction fit gentiment sourire la journaliste, qui avait enregistré dans un coin de sa tête toutes les précieuses informations qu'il lui avait fourni. Dès qu'elle rentrerait à New York, elle écrirait le meilleur article de sa carrière, elle s'en fit la promesse. Voilà l'occasion rêvée d'enfin briller aux yeux de son patron ! Mais pour le moment, elle devait se déconnecter. Elle se rendait en Sokovie, non pas pour un nouvel article rasoir, mais bel et bien pour des vacances. Alors qu'elle ne rêvait que de plages, de sable, de mer, de soleil et de farniente, elle se rendait dans un pays froid, tout à l'Est de l'Europe, anciennement communiste et toujours aussi pauvre qu'au temps de Staline. Si elle était effectivement journaliste au New York Times, elle n'était en réalité qu'une petite main parmi tant d'autres, gagnant un salaire lui permettant tout juste de vivre.. Son rédacteur ne lui donnait à écrire que de petits faits divers sans importance, qui l'ennuyait au moins autant qu'ils ennuyaient la ville entière.

Tu penses trop boulot, ma petite. Détends-toi enfin, bon Dieu ! Elle se sermonna mentalement pour mettre son cerveau en pause. Elle était heureuse d'avoir réussi à économiser autant pour se prendre des vacances, ce n'était pas le moment de tout gâcher avec des pensées négatives ! Et alors qu'elle se détendait enfin, on annonça au micro l'atterrissage imminent de l'avion.