Chapitre XI

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La scène restait gravée derrière ses paupières, pour revenir la hanter chaque fois qu'elle fermait les yeux. Revenue pourtant dans la dimension sub-atomique, la myriade d'Univers s'étalant à ses pieds, Astrida n'arrivait pas à se remettre de leurs aventures sur la Terre dévastée par les créations de Trask, véritables machines de guerre programmées pour tuer tous les mutants. Elle avait beaucoup de difficultés à accepter qu'elle avait fui, en laissant ces jeunes gens mourir sous ses yeux. Quitter le champ de bataille n'était pas coutume chez les Nordiques, c'était même là l'acte de plus haute couardise qu'un être pouvait commettre. Mais elle tentait tant bien que mal de se persuader qu'elle n'avait pas eu le choix, comme Strange le lui avait durement rappelé. Ils n'étaient pas de ce monde et ils n'étaient pas venus pour cela. Elle n'était pas venue pour cela.

« Retrouve le fils de Raven. Retrouve la pièce manquante du puzzle. »

Elle releva la tête, brusquement, le cœur battant. Son regard se perdit dans les étoiles mais il n'y avait personne, à part le docteur Strange. Et elle était persuadée que ce n'était pas lui qui venait de prononcer ces paroles, qui sonnaient comme un rappel à l'ordre. Son index massa sa tempe devenue soudain douloureuse.

— Tu vas bien ? s'enquit le docteur Strange d'une voix douce.

Il s'en voulait d'avoir eu à lui demander d'agir contre ses principes. Sans beaucoup la connaître, il avait très tôt compris que la princesse avait un sens du devoir aigu, sans doute accentuée par son statut. Devoir se résigner à laisser mourir ses sujets ne devaient pas être chose facile. Mais ils n'avaient pas eu le choix. Lui-même, pourtant plus pragmatique, avait eu un pincement au cœur au moment de retourner dans la dimension où ils flottaient maintenant.

— Ca va, répondit Astrida en abaissant sa main. Nous pouvons continuer.

Il haussa un sourcil, prêt à insister pour être certain de son aptitude à se remettre à sa mission, en laissant derrière ses remords, mais elle avançait déjà vers un autre Multivers, menaçant de sortir de la zone du temps qu'avait créé la Pierre. Il n'eut pas d'autre choix que de la suivre, alors qu'elle franchissait un nouveau portail et qu'ils reprenaient taille humaine.

« Astrida ! Je suis là ! » Un cri perdu dans l'immensité de l'univers résonna comme un écho lointain dans le cœur de la jeune femme mais il était déjà trop tard. Elle arrivait dans cette nouvelle dimension et sitôt que ses pieds foulèrent le sol fertile de cette nouvelle planète, elle sentit l'esprit d'Yggdrasil pénétrer en elle. Sous le choc, elle tomba à genoux, encore une fois, pour que sa paume nue touche la terre de l'Arbre de la Vie. Ce dernier entrelaça ses racines avec les doigts de la princesse, avant de lui raconter une histoire...

Il y a de cela trois générations, la Terre fut mise à feu et à sang par des Midgardiens avides de pouvoirs et cupides au possible. Leur soif de richesses finit par les perdre et un feu brûlant, destructeur, naquit sur le sol affamé par les exploitations. Il se propagea si vite que la moitié de la population fut décimée en un instant, engloutie par les flammes, tandis que des millions d'autres âmes périssaient, étouffés par les cendres et la fumée. Yggdrasil lui-même senti ce feu ravagé ses racines et ses branches, tant qu'il crut bien devoir ôter ce royaume de sa protection divine. Mais il tint bon et de ses cendres naquit une nouvelle Terre. Et sur cette dernière, les humains survivants jurèrent de préserver leur habitat. Ils fondèrent ainsi une nouvelle société, sur cet arbre amoché mais encore bien vivant.

L'Arbre vivant n'est pas que le fruit de l'imaginaire de tout un peuple. Il est vivant et existe bel et bien. Et ses souvenirs étaient aussi poignants et réels que ceux de n'importe quelle autre créature de l'Univers. Parce qu'il avait reconnu la princesse, que celle de sa dimension lui manquait, il s'empressa de lui dévoiler toute l'histoire qu'elle avait manqué. Très vite, l'esprit de la jeune femme fut submergé par les images d'antan, les saveurs, les odeurs, les tourments. La tête lui tournait de plus en plus mais elle refusait d'abandonner. Elle voulait savoir et poussait l'Arbre à lui en révéler toujours plus. Elle vacillait mais tenait bon, jusqu'à ce que le docteur Strange ne la sorte de sa transe. Quand elle reprit conscience, son esprit demeurant seul à résider dans son crâne, elle était par terre, allongée, la joue contre le sol meuble et fertile, comme à l'écoute du moindre de ses murmures. Mais Yggdrasil s'était retiré. Ne demeurait plus qu'un léger murmure dans le vent.

Princess of Asgard [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant