Chapitre I

2.1K 128 28
                                    

Le temps et l'espace avaient disparu, remplacé par un environnement noir et froid, presque glacé, vide, dans tous les sens du terme. Il était impossible de respirer, impossible d'ouvrir les yeux et d'admirer le néant. Dans cette dimension parallèle, elle n'était plus personne. Plus rien. Les atomes composant son corps s'étaient volatilisés, laissant son âme et son esprit à nu. Pendant une éternité, ou une seconde, elle n'existait plus. Puis elle tomba.

Ce fut une très longue chute, enfin, elle croyait. Elle ne savait pas trop mais elle sentait que son corps disloqué, tel une poupée de chiffon, fonçait vers le vide à une vitesse folle, ne lui laissant pas vraiment le temps de réaliser ce qui lui arrivait. Autour d'elle, comme un vieux film en bandes, des sons et des images défilaient sans relâche, retraçant une vie qu'elle oubliait à mesure qu'elle se rapprochait du point d'impact. Les mains écartées, en croix, elle se laissait gentiment faire, n'ayant de toute manière aucune emprise sur ce qui était en train de se produire. Elle ne volait pas, ce serait trop poétique. Non, elle tombait plutôt. Pourtant, ses bras étaient tendus comme des ailes mais ne remplissaient pas ce rôle. Ils étaient frappés par la violence de l'air ambiant à mesure qu'elle le déchirait. Elle n'était pas un oiseau, après tout. Comment avait-elle pu penser pouvoir voler un jour ? Par quelle magie se serait-elle retrouvée couverte de plumes et affublée d'un bec ? D'autres questions se pressaient dans son esprit perdu : que pouvait-il bien y avoir, ici-bas ? Allait-elle enfin savoir si le Paradis et l'Enfer existaient réellement ou réalisera-t-elle qu'ils ne sont que légende ? Au plus profond d'elle-même, elle savait que rien ne l'attendait, si ce n'était le néant. Alors, elle ferma les yeux, se laissant bercer par le hurlement du vent, qu'elle perçait à la vitesse d'une balle. Ses oreilles sifflaient, de plus en plus fort. Elle ne rouvrit ses paupières que lorsqu'elle sentit que la fin était proche. Le sol était là, il se rapprochait. Elle se mit à paniquer, soudain, elle se raccrocha à la vie, elle qui était si apaisée quelques instants auparavant. Qui n'avait pas peur de la mort ? Alors qu'elle allait s'écraser, météorite sur un sol inconnu, elle referma les paupières. Elle espérait ainsi que la douleur n'en fût que plus fugitive.

Elle ouvrit les yeux de manière très brutale. Pour autant, rien ne changea vraiment. Elle qui était dans le noir à peine quelques secondes plus tôt se retrouvait à nouveau dans une obscurité quasi-totale. Seule lumière, un trait bleuté au-dessus d'elle. Son cœur semblait avoir couru un marathon, battant à un rythme effréné qui lui fit mal à la poitrine. L'adrénaline envahissait encore ses veines, elle était paniquée et alerte. Où était-elle ? Qui était-elle ? En plus de son thorax douloureux, elle avait la tête lourde, attaquée par une migraine intense qui lui vrillait les tempes et produisait un bruit sourd dans ses oreilles. Elle cligna des paupières. La raie éclatante bleue la dérangeait ; c'était la promesse qu'une lumière extérieure était proche, pas si loin d'elle, atteignable juste en tendant les doigts. Cela la rassurait, elle qui avait traversé un désert noir comme l'encre pendant ce qui lui semblait être des siècles.

La notion de temps, elle ne l'avait pas oublié. Elle connaissait le concept de secondes, de minutes et tout ce qui suivait. Mais elle ne pouvait pas dire depuis combien de temps elle était ici, allongée. Sous son corps engourdi, elle sentait la douceur d'un drap. Ses doigts caressaient l'étoffe pour s'en approprier le sens. Le moindre de ses gestes lui semblait lent, douloureux, comme si ses muscles avaient perdu l'habitude de se mouvoir. Elle avait dû rester ainsi immobile un certain laps de temps, se disait-elle, tentant de trouver une explication rationnelle. Elle essaya alors de faire fonctionner ses jambes. D'abord, elle fit bouger ses orteils, qui répondirent un par un à son appel, à son grand soulagement. Puis le reste de ses membres postérieurs suivit. Elle plia les genoux, les déplia. Des craquements sonores brisèrent le silence et elle étouffa un gémissement de douleur. S'ils coopéraient, ses tendons le faisaient avec une certaine réticence. Elle arrêta ses expérimentations, le temps pour son corps de récupérer un peu. Elle souffla pour détendre sa poitrine. Pendant qu'elle se calmait, elle fit un examen psychologique de sa personne.

Princess of Asgard [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant