Chapitre IX

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Elle se sentait étrangement anxieuse face à l'épreuve qui l'attendait, quand bien même cela lui semblait alors la seule chose à faire. Face à l'acte à accomplir, à ce magicien midgardien terminant de revêtir son étrange cape dotée de conscience, Astrida se remettait en question. Ses dents mordillaient sa lèvre inférieure, dans un signe évident de l'état d'âme qui la secouait. L'attente, l'excitation, la peur, tout cela se mélangeait dans son ventre, au centre névralgique des émotions. Bras croisés sur sa poitrine, elle attendait, en regardant au dehors par la fenêtre, se demandant pourquoi elle n'était pas plutôt ce jogger qui, la musique dans les oreilles, devait essayer de s'échapper d'un quotidien pourtant sûrement beaucoup plus tranquille que le sien. Que ne donnerait-elle pas pour changer son corps avec celui de quelqu'un d'autre, juste le temps de cette mission ?

Et pourtant, c'était son idée à elle, même si insufflée par l'étrange voix dans sa tête, qu'elle suivait de plus en plus. Elle était devenue en quelques jours obsédée par la quête de ce fils prodigue qu'aurait eu sa fille, comme l'artefact d'un amour passé, la réincarnation de l'enfant dont elle avait toujours rêvé, le salut qu'elle espérait. Elle savait qu'il existait, là, quelque part, sur une Terre ou une autre, n'attendant que sa venue. Enfin, lui semblait-il, elle se sentirait pleine et entière si elle le retrouvait.

Strange se tourna vers elle et sa voix grave la fit sortir de ses pensées. Il lui demanda si elle était prête, ce à quoi elle répondit par un bref hochement de tête, accompagné d'un babillage incompréhensible. La voilà qui perdait ses mots et son compagnon de route ne manqua pas de remarquer sa situation. Si lui aussi la partageait, au contraire d'elle, il n'en montrait rien, faisant preuve d'un calme olympien face à l'adversité.

— Nous pouvons toujours nous arrêter ici, dit-il.

— Non, répondit-elle immédiatement. Je dois le faire.

Sur ces mots, elle enfila le casque sur sa tête. Elle était revêtue de la combinaison d'Ant-Man, jadis incarné par Hank. Le tissu était vieilli mais résistant, un ancien vetsige de la vie passée du scientifique. La clef vers des mondes inexplorés. Strange quant à lui se glissa dans un autre habit confectionné par Pym, un prototype destiné à Scott Lang, le nouvel héros, qui devait faire ses preuves. Comme deux jumeaux, les jeunes gens se regardèrent comme s'ils s'admiraient dans un miroir. Seule différence notable : le sorcier portait à son cou l'amulette d'Agamotto, la Pierre du Temps. Ils allaient en avoir grand besoin.

— Vous êtes prêts ? demanda Astrida en posant une main sur sa ceinture.

— Pas vraiment mais avons-nous le choix ?

Elle eut un petit sourire avant de redevenir sérieuse. Stephen, main sur l'amulette, lui tendit son bras. Elle s'en saisit fermement et, au compte de trois, ils activèrent leur ceinture.

C'est alors que commença le long film de sa vie, en accéléré et à l'envers. Alors que tous les atomes de son corps subissaient le douloureux martyr du changement de taille, devant elle défilait ses souvenirs, à commencer par le moment où elle retrouva sa fille, où cette dernière la rejetait avec brutalité parce qu'elle n'acceptait pas d'avoir été abandonnée. Vint ensuite l'annonce de la mort de Loki, qui brisa une nouvelle fois son cœur, encore fragile. Une larme roula sur sa joue. Elle se revit ensuite amnésique, essayant de comprendre l'étrange blondinet qui se disait être son frère. Elle se vit dans sa vie d'avant, en Sokovie, juste au moment où Ultron mettait un terme à son existence, du moins le pensait-il. Elle était journaliste. Avant cela, elle avait vécu au Japon. Pourquoi encore ? Elle se vit terrasser des ennemis imaginaires sous l'œil avisé d'un vieux maître. Puis Nidavellir et son katana. Les deux Pierres. L'abandon de sa fille, sa naissance. L'annonce de sa grossesse à un Loki en joie. Revoir son visage souriant toucha son cœur de plein fouet et elle laissa échapper un sanglot. Les souvenirs suivants n'étaient que les vestiges de leur vie passée, de leur mariage et avant ça de la manière dont le jeune homme avait essayé de la séduire. De leurs fous rires, leurs nuits passées à la belle étoile, à scruter l'espace qui s'étendait au-dessus d'eux, en tendant leurs doigts pour se montrer les constellations. De leurs après-midis passés à s'échanger tel ou tel sortilège. Parfois, Frigga venait se joindre à eux. Voilà, ils étaient enfants, presqu'adolescents, tous les trois, avec Thor, et leur mère leur racontait l'histoire du Royaume et des huit autres.

Princess of Asgard [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant