Chapitre III

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Il était encore là, son bébé à la peau si particulière. Qu’il ressemblait tant à son père, se disait Astrida en le contemplant avec amour. Elle le tenait dans ses bras, elle était assise dans sa chambre. Elle venait tout juste de mettre au monde cette petite merveille et elle ne cessait de la couvrir de caresses et de baisers. Elle était seule, avec seulement Frigga et parfois Volla pour l’aider. Personne n’était au courant. Les hommes guerroyaient tous, y compris le sien. Mais ce n’était pas cela qui la faisait tant pleurer. Alors qu’elle aurait dû vivre un moment exceptionnel de bonheur, mettre au monde cet enfant avait été la plus violente des tortures. Parce qu’elle savait qu’elle ne pourrait jamais lui offrir une vie faite de petites attentions et d’amour. Elle ne pourrait jamais. A la place, elle devait l’abandonner. Couper ce lien à peine tissé entre une mère et sa fille.

Frigga essayait tant bien que mal de la consoler mais elle avait fini par se retirer, quand Astrida avait annoncé qu’elle ne passerait pas la nuit. Sa décision était prise : elle ne pouvait rester sur Asgard plus longtemps. Sans savoir où son ennemi frapperait, elle le sentait se rapprocher un peu plus. Elle allait devoir mettre son plan à exécution. Le seul moyen de briser leur lien de parenté, c’était d’oublier qu’il avait un jour pu exister. Loki n’était pas au courant, il ne savait pas qu’elle avait accouché. Il était loin et tant mieux. Alors Astrida devait s’exécuter seule. Elle devra prendre seule la responsabilité de son prochain acte. Elle seule sera la fautive. Ce soir, à cause d’elle, sa petite princesse se retrouva orpheline.
« Retrouve-la », ordonna une voix, grave, montant de l’obscurité.

Astrida courrait. Elle courrait pour sa vie. Celle de sa fille était, elle l’espérait préservée. Elle ne devait pas succomber, elle devait résister.

« Retrouve-la », répétait la voix, plus présente.

« Non ! » voulut crier la princesse. Elle s’enfonçait toujours plus dans le noir, alors pourtant qu’elle essayait de lui échapper. Mais bientôt, elle se retrouva encerclée. Elle était prise au piège. Elle cria d’impuissance.

« Retrouve-la ! »

Elle se réveilla en sursaut, le corps en sueur. Dans sa poitrine, son cœur affolé paraissait sur le point d’exploser. Elle secoua la tête mais déjà, les dernières brides de son rêve s’évaporèrent dans les méandres de sa mémoire. Elle n’en avait plus aucun souvenir. Si ce n’est cette voix qui lui répétait de retrouver sa vie. La voix de sa conscience, elle en était intimement convaincue. Maintenant qu’elle devait être adulte, elle avait le droit de savoir, ne cessait de se répéter Astrida alors qu’elle essayait de se rendormir. Mais elle ne faisait que se tourner et se retourner dans son lit. Son mince drap lui donnait atrocement chaud. Son esprit refusait le repos, ses pensées allaient et fusaient, toutes vers une même direction : sa fille. Son désir de la retrouver était désormais bien ancré en elle. Et quand elle se redressa, son deuil était passé au second plan. Elle refusait de demeurer encore plus longtemps ici, à végéter dans cette chambre et à broyer du noir. Maintenant que la mémoire lui était rendue, autant en faire bon usage. Elle sortit de son lit et enfila immédiatement un pantalon typiquement terrien qu’elle avait rangé dans son armoire, souvenir de son passage sur Terre. Un t-shirt et une veste en cuir plus tard, elle était prête. Son regard se posa sur son katana, déposé dans un coin de sa chambre. Elle n’avait pas l’habitude de s’en séparer. Sa main entoura le manche sculpté et il disparut, caché dans une dimension dont elle était seule maîtresse. Un dernier détail et elle serait fin prête : fermant les yeux pour se concentrer, elle fit disparaître les arabesques qui décoraient son corps, les dissimulant seulement pour ne pas éveiller les soupçons des Terriens à qui elle allait rendre une petite visite de courtoisie.

Sortir du palais dans cette tenue ne fut pas chose aisée mais quelques sortilèges lui permirent de détourner l’attention des gardes qui patrouillaient cette nuit. Ses bottes en cuir foulaient le sol en marbre avec une impressionnante légèreté et elle finit par courir quand elle passa les dernières grilles de la ville. Sur le gigantesque pont arc-en-ciel, elle courait comme si sa vie en dépendait. Enfin, elle allait savoir ce qui était advenue de sa fille. Où avait-elle grandi ? Avec qui ? Quelle femme était-elle devenue ? Tant de questions auxquelles elle attendait mille questions. Mais rien ne pouvait la préparer à ce qui allait suivre.

Heimdall, fidèle à lui-même, ne fit aucun commentaire sur son étrange accoutrement. Il avait déjà compris ses intentions avant qu’elle n’ait à ouvrir la bouche et son épée se ficha dans son réceptacle avec un bruit métallique. Le portail s’ouvrit et sans hésiter, la princesse se présenta devant son étrange tourbillon. Elle se revit soixante-dix ans plus tôt. Elle n’avait pas hésité ce soir-là à laisser sa famille entière sans nouvelle. Cette fois-ci non plus. Quand le gardien annonça la destination, elle se jeta dans le Bifrost comme une âme perdue.

Elle atterrit dans une forêt, là même que celle où elle avait émergé des dizaines d’années plus tôt. Elle se revoyait, encore vêtue de sa robe de maternité, son bébé tenu tout contre elle, courant vers la maison aux fenêtres allumées. Ce jour-là, elle marchait un peu plus tranquillement, le cœur transporté par les souvenirs puissants et si douloureux de cette fois où elle s’était sentie mère pour la dernière fois. Ses bottes avançaient pas à pas, retraçant l’exact même chemin jusqu’à la porte en bois rouge. Elle inspira une grande bouffée de l’air frais du matin. Qu’importe l’heure, elle savait son ami déjà réveillé. Prenant son courage à deux mains, elle frappa trois petits coups distincts sur le battant. Quelques secondes de flottement et ce dernier s’ouvrait, laissant découvrir le visage du professeur Hank Pym.

— Bonjour, Hank, fit-elle avec un petit sourire.

Il la regarda sans prononcer un mot. Son visage ne trahit aucune émotion, tandis que ses yeux la détaillaient de bas en haut. Il ne l’invita pas encore à entrer. Après une minute de mutisme, il laissa enfin échapper :

— Tu te souviens.

Et ces simples paroles suffisaient à laisser trahir son émotion. Mais il n’était pas du genre à faire de grandes démonstrations d’amitié. Il ne prit pas sa vieille amie dans ses bras, se contentant de s’effacer pour la laisser entrer chez lui. Astrida s’exécuta et découvrit le hall de la petite maison des Pym. A sa grande surprise, rien n’avait changé. C’était toujours la même tapisserie un peu vieillotte et les mêmes cadres photos au mur. On les voyait, lui et Janet, sa femme, à leur mariage, à la naissance de leur fille, à leur anniversaire. Et puis soudain, Hank était seul, le sourire fané, aux côtés de Hope, qui ressemblait tant à sa mère disparue. Le cœur de la princesse se serra. Elle n’avait pas oublié la visite de son vieil ami, peu avant Munich, et la promesse qu’elle lui avait faite alors. Janet était perdue quelque part. Peut-être était-elle morte. Mais il méritait la vérité, tout comme leur fille, qui avait dû grandir sans sa mère. Comme la sienne, se disait avec beaucoup de tristesse Astrida. Hank ouvrit la marche jusqu’au salon où il invita cette dernière à prendre place dans un des fauteuils.

— Thé, café ? lui demanda-t-il.

— Non merci, refusa-t-elle poliment.

Il hocha la tête, main dans les poches, comme s’il s’était attendu à cette réponse puis s’assit à son tour. Il était fidèle à lui-même et elle eut beau scruter son visage avec attention, elle n’arrivait pas à déceler qu’elles pouvaient être ses pensées. Elle ouvrit la bouche, prête à prendre la parole, mais le vieil homme l’a devança.

— Je sais pourquoi tu es ici, dit-il de sa voix grave et calme, en apparence. Tu as par miracle retrouvé la mémoire et tu te demandes désormais où est ta fille. Tout comme je me demande où est Janet.

— Hank, commença Astrida mais il ne la laissa pas s’expliquer.

— Je comprends tout à fait, Astrida. Nous avons la possibilité de retrouver ta fille tandis que… Janet est perdue un peu plus loin que la Terre. Je comprends, tu n’as pas à te justifier.

— Je te promets que je te la ramènerai, Hank, fit la jeune femme en s’imposant pour se faire entendre. Tu as ma parole et tu connais la valeur que j’accorde à ce genre de chose.

Il hocha une nouvelle fois la tête, avant de se relever pour aller fouiller dans les tiroirs de l’un de ses meubles. Il en sortit un épais classeur, qu’il ouvrit sur la table basse pour montrer son contenu à l’intéressée. Des morceaux de papier, des coupures de journaux, des photos s’étalèrent sous les yeux avides de la jeune mère, qui se mit à les toucher avec appréhension. Elle se saisit d’abord du tirage d’une édition de New York Times datant des années soixante, où elle découvrit sa fille, dans toute sa splendeur. « Tentative d’assassinat contre le professeur Trask : encore un acte des mutants ». Son cœur se serra en lisant la légende de la photo : « Raven Darkholme, dite Mystique, juste après sa tentative ratée ». Elle leva les yeux vers Hank, qui s’était rassis face à elle.

— J’ai fait comme tu me l’avais dis, commença-t-il. Quand elle a eu douze ans, nous l’avons confié à Charles Xavier. Cela a déchiré le cœur de Janet mais tu nous avais laissé des consignes précises, rappela-t-il.

Elle se souvenait. C’était des consignes qu’elle avait elle-même hérité de Volla, dont les visions s’étaient faites soudain très précises quant à l’avenir du nourrisson. Elle avait vu ce jeune garçon aux pouvoirs immenses, de la même condition que Raven : un mutant. Elle avait alors soufflé l’idée à la jeune femme lors de sa grossesse d’y abandonner l’enfant à cet âge, avant son entrée dans l’adolescence, car c’était à ce moment-là que ses pouvoirs se développeraient. Astrida avait confiance à la voyante. Après tout, elle n’avait pas d’autre choix à cette époque-là.

— Que lui avez-vous raconté ? demanda-t-elle à Hank.

— Nous n’avions pas vraiment le choix, Astrida, fit l’homme d’une voix grave. Je lui ai injecté un sérum expérimental pour lui faire perdre la mémoire et je l’ai déposé à proximité de la maison du jeune garçon. Après cela, je l’ai laissé vivre sa vie mais Janet est restée très regardante sur ce qu’elle faisait. Quand elle a disparu, Raven avait presque vingt ans.

Astrida se saisit d’autres coupures de journaux, dont celle de la crise de Cuba. Elle lissa le papier froissé sous ses doigts, tout en lisant l’article. Il n’y était faite aucune mention des mutants, ni de sa fille, ni de Charles. Pourtant, Hank avait tenu à le garder, pour quelle raison ?

— Ta fille y était, dit-il en anticipant ses questions. Secret défense. Charles a effacé la mémoire de tout le monde au courant.

— Comment est-ce arrivé jusqu’à toi alors ? s’enquit la jeune femme en fronçant les sourcils.

— Il semblerait qu’une certaine Moira McTarget y est échappée. Qu’elle a fait partie de la CIA avant de travailler pour le SHIELD, à l’époque où j’y travaillais encore. Nous avons eu l’occasion d’échanger sur les mutants, elle était au courant de pas mal de choses, comme de l’emplacement de l’institut Xavier, un refuge pour les mutants de tout le pays.

— Tu penses que Raven y est ?

— Je ne sais pas.

Que c’était étrange de prononcer le prénom de sa fille à nouveau. Les corbeaux avaient toujours eu une forte signification dans sa culture nordique, étant les oiseaux d’augure, bonne comme mauvaise et surtout le symbole de beaucoup de grands dirigeants du Danemark, Ragnar en tête. Frigga n’avait pu qu’approuver le choix de sa belle-fille et il en avait été convenu ainsi. Des années plus tard, pourtant, elle n’avait plus l’impression d’être celle l’ayant choisi, tant elle se sentait dépossédée de tout. De sa fille mais également de tous ses droits et devoirs de mère. Elle n’avait jamais pu en devenir une, se disait-elle. Mettre au monde un enfant ne suffisait pas, il fallait aussi l’élever. Mais pour la protéger, elle avait dû l’abandonner et même si cela lui avait peut-être sauvé la vie, Astrida ne se le pardonnerait jamais. Ses mains curieuses continuèrent de fouiller dans le tas de souvenirs, tombant sur de nouvelles coupures de journaux traitant des mutants seuls ou dans leur ensemble. Hank avait compilé tout ce qui pouvait toucher de près ou de loin à Raven et Astrida lui en était reconnaissante. Ses doigts s’arrêtèrent sur la photo d’un bébé, à la peau si bleue, si semblable à celle que son père tenait tant à cacher. Une larme coula silencieusement sur sa joue alors qu’elle admirait sa fille, qui avait un immense sourire. Elle regrettait de ne pas être celle qui la rendait heureuse. Mais Hank et Janet avait su prendre soin d’elle, comme elle le leur avait demandé. Elle essuya sa joue, renifla avant de poser une question qui la taraudait depuis son arrivée.

— S’est-elle jamais mariée ? A-t-elle eu des enfants ? Suis-je…

« Grand-mère » ne franchit jamais la barrière de ses lèvres. Elle ne s’en sentait pas digne pour un sou. Elle baissa la tête, les joues rouges de honte, alors que Hank se levait pour s’assoir auprès d’elle et lui prendre la main dans un geste de réconfort. Il lui tapota le dos avant de soupirer :

— Je ne lui ai jamais connu qu’un homme et à ce que je sache, elle n’a jamais eu d’enfant.

C’est à tour de hocher la tête en silence. Son regard parcourt la pile de papiers devant elle. Rien ne s’était vraiment déroulé comme elle l’avait espéré. A cause du regard négatif des Terriens sur les mutants, sa fille, pourtant si grande et si belle, avait failli se transformer en affreuse meurtrière. Elle laissa échapper de nouvelles larmes et Hank redoubla ses gestes pour la réconforter. Elle se laissa aller contre son épaule, murmurant entre ses sanglots :

— Je suis une mauvaise mère…

— Je t’interdis de dire ça ! la réprimanda gentiment son ami. Tu as fait ce qu’il fallait pour protéger ta fille. Ce qui s’est passé ensuite relève de ses propres choix et seulement des siens.

Elle n’en était pas si sûre. Au fond d’elle, elle était intimement persuadée que, si elle avait pu l’élever sur Asgard, tout aurait été différent. Mais elle demeura muette sur le sujet, se redressant pour sécher ses larmes.

— Ca t’embête de m’accueillir pour la journée ? J’aimerai lire tout ça plus tranquillement. Et demain, j’irai à l’institut Xavier.

— Bien sûr, la chambre d’ami est à l’étage, accepta sans aucune hésitation Hank. Que comptes-tu faire ?

— Retrouver mon enfant.

Je suis infiniment, mille fois désolée, j'ai complétement, complètement oublié de vous publier le chapitre, aïe, pas taper !

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Je suis infiniment, mille fois désolée, j'ai complétement, complètement oublié de vous publier le chapitre, aïe, pas taper !

Mais j'ai une pseudo excuse, j'étais très stressée parce qu'aujourd'hui, je pars en Autriche avec mon école, donc angoisse du départ + d'avoir oublié un truc dans la valise et vous avez une Laura complètement paniquée  xD

Voilà, bon, j'ai réparé mon erreur et j'espère que vous ne m'en voudrez pas trop et que ce nouveau chapitre où l'on retrouve notre cher Hank vous a plu :)

Princess of Asgard [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant