Chapitre XVIII

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Une onde d'énergie parcourut le vieux tronc de l'Arbre Monde. Si on tendait bien l'oreille, on pouvait presque entendre son gémissement de douleur. Rares étaient les fois où un tel évènement s'était produit. A vrai dire, c'était la première fois. Elle avait réussi. Elle avait trouvé le nœud où tout se rejoignait et le pouvoir de ce moment hors du temps et de l'espace volait vers elle plus vite que la lumière. Il traversa les galaxies, systèmes solaires, étoiles brûlantes et éteintes avant d'arriver sur la Terre. Là, il se concentra sur elle : le catalyseur suprême d'Yggdrasil. Le choc fut rude, même pour elle. Tout son corps s'arqua en arrière alors qu'elle absorbait l'essence même de l'existence. Ses yeux étaient clos, elle ne respirait plus. Ses mains étaient écartées sur le côté, elle accusait le coup. Quand elle reprit conscience, tout avait changé. Son esprit était clair, limpide. Serein, pour la première fois depuis sa naissance, lui semblait-il. Elle connaissait sa destinée, elle connaissait sa mission. Il était temps de la remplir.

D'un geste de sa main, les secondes cessèrent de défiler. La Terre cessa de tourner, le vent arrêta de souffler. Le monde ne vivait plus. Il existait mais n'avait plus aucun sens, aucun but. Le temps n'était plus, seul subsistait l'espace. Et elle et Thanos. Le titan était le seul qu'elle avait autorisé à se mouvoir. Même sa fille n'avait pas eu ce privilège. Elle demeurait immobile, regardant vers sa mère sans aucune étincelle de vie dans les prunelles. En un claquement de doigts, elle pouvait la faire totalement disparaître, si elle le désirait. Effacer son existence de la surface de la Terre. De l'Univers. Après tout, qu'est-ce qui donnait toute son importance à la vie, si ce n'est cette capacité à se souvenir. Retirer celle-ci et plus rien n'a d'importance. Plus rien ne compte.

- Je savais que tu allais réussir.

Il semblait plus heureux que jamais, se réjouissant à l'avance du génocide qu'il allait commettre. Il avait eu raison de lui faire encore confiance, malgré ce qui s'était passé entre eux. Elle restait sa Némésis adorée. Elle lui sourit, heureuse elle aussi. Il n'avait pas l'habitude de la voir ainsi et voulut s'approcher d'elle pour la prendre dans ses bras. Cependant, elle l'en empêcha, tendant sa main devant elle pour lui barrer le passage.

- Je ne crois pas que tu souhaites m'enlacer, laissa-t-elle échapper d'une voix douce.

Trop douce. Il comprit alors que ce n'était pas Némésis qui se trouvait face à lui mais belle et bien Astrida. Il fit un pas en arrière, pris d'horreur en réalisant la situation dans laquelle il se trouvait. Peu à peu, l'espoir le quitta. Il allait perdre.

- Non, murmura-t-il. C'est impossible...

- Pourtant, c'est ce qui est en train de se passer, ô grand Thanos, s'avança la princesse, le faisant reculer davantage. Tu as perdu. Némésis n'est plus. Elle n'était ni assez forte ni assez loyale pour te mener à la victoire. Et tu as été trop stupide pour lui faire confiance.

Elle martelait ses mots avec soin et précision, pour le frapper plus durement qu'avec des gestes. Elle n'allait pas le laisser s'en tirer ainsi. Il était à sa merci, comme elle avait été à la sienne. Les rôles étaient inversés. La peur avait changé de camp.

- Tu as cru pouvoir m'enlever à ma famille, continua-t-elle, perdant peu à peu son calme, qui n'était qu'une façade. Tu as cru pouvoir me soustraire à mon mari, à ma fille, à mon frère et à tous ceux que j'aimais. Tu as sincèrement cru pouvoir me briser !

Sur ses derniers mots, elle expulsa Némésis hors de son corps. La Pierre Noire qui avait été sa prison quitta le tatouage dans lequel elle s'était incrustée. L'esprit de la Déesse de la Mort flottait au-dessus, perturbée par ce changement brusque de situation.

Princess of Asgard [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant