Dans l'obscurité la plus totale, elle courait. Où ? Pourquoi ? Elle n'en savait trop rien. C'était son instinct qui lui soufflait de fuir, sans se retourner. Car derrière elle se trouvait ce dont elle avait le plus peur. Qu'était-ce ? Qui était-ce ? Encore des questions sans réponse et elle refusait de jeter un regard derrière son épaule pour en obtenir au moins une. Son cœur battait la chamade, elle s'épuisait à courir de la sorte depuis... Combien de temps ? Une éternité, lui semblait-il. Mais elle continuait, même si ses poumons lui brûlaient.
Elle s'arrêta net, brusquement, sans prévenir. La sensation de panique avait disparu, tout comme le noir environnant, remplacé par un soleil levant. Elle jetait des regards autour d'elle mais ne voyait rien d'angoissant. Au contraire, tout ce qui était présent la rassurait : des murs, un lit, c'était une chambre qu'elle connaissait bien : la sienne. Quelqu'un l'enlaça par derrière mais, loin de s'en effrayer, elle se laissa aller contre le torse musclé, rassurée de le sentir enfin tout contre elle.
— Je t'aime, entendit-elle au creux de son oreille.
Elle ferma les yeux, emportée par une incroyable sensation de plénitude. Mais l'on avait décidé que jamais elle ne trouverait de repos car, à nouveau, elle fut envahie par l'anxiété. Les bras autour de sa taille avaient disparus, remplacée par un linge supportant le poids d'un bébé. Tenant le nourrisson tout contre sa poitrine, elle se déplaçait avec inquiétude, marchant de côté comme si elle longeait un mur ou un rempart. L'enfant pleurait.
— Chut, mon cœur, chut, tentait-elle de l'apaiser, alors qu'elle-même commençait à paniquer.
Il lui semblait qu'elle arrivait enfin à son but, car un soulagement bienvenu l'envahit soudain. Une maison était apparue, cachée entre les arbres. Elle courut jusqu'à elle. Ses poumons criaient grâce, ses muscles brûlaient. Elle prit quelques instants pour reprendre son souffle mais le temps pressait. Elle se résigna alors à poser le bébé sur le perron faiblement éclairé. Elle croisa le regard doux de son enfant et retint un sanglot. D'une main aimante mais tremblante, elle caressa une dernière fois son doux visage. Puis, toujours aussi chagrinée, elle s'en alla, l'abandonnant à son sort.
— Non ! cria-t-elle en se redressant dans son lit.
Elle eut du mal à revenir à la réalité. Elle était dans sa chambre, toujours sur Asgard et elle venait de vivre le plus affreux des cauchemars. Qui était ce bébé ? Elle n'en savait rien mais elle l'avait abandonné. C'était bien elle, la protagoniste principale, ça, elle en était sûre ! Et cela la rendait malade. Elle se cacha le visage avec les mains pour éclater en sanglots. Mais quel monstre abandonnerait ainsi un enfant ? Innocent, sans repère, livré à lui-même ! Et où l'avait-elle laissé ? Quelle était cette mystérieuse maison dans les bois ?
— Trouve-moi...
Le murmure brisa le silence des lieux et elle cessa instantanément de pleurer. Son corps tout entier se contracta, aux aguets. Elle tendit l'oreille, certaine d'être seule dans la chambre et de ne pas perdre la tête au point de commencer à parler sans s'en rendre compte. Rien. Plus rien. Etait-ce un vestige de son cauchemar ? Son subconscient lui jouait-il des tours ? Puis alors qu'elle allait se retourner pour se rendormir, la voix résonna encore une fois dans la nuit.
— Astrida... Trouve-moi...
Cette fois, plus de doute : on l'appelait. Elle se redressa à nouveau et hésita. Devait-elle rester ici, à supporter les appels incessants de cette mystérieuse voix ? Ou oserait-elle se lever et découvrir qu'elle en était la source ? Elle se décida quand le troisième appel se fit plus pressant. Elle délaissa son lit pour poser ses pieds sur le marbre froid de sa chambre. Par précaution, elle passa sur sa chemise de nuit un peignoir en soie et enfila des chaussons en velours, avant d'ouvrir avec précaution la porte de sa chambre.
Elle jeta un coup d'œil dans le couloir brillamment éclairé, ce qui l'aveugla brièvement, elle qui quittait une pièce sombre. Il n'y avait personne, pas un garde, pas un dieu qui aimait les balades nocturnes, rien. Elle espérait que ce soit ainsi durant tout le chemin, peu importe où il la menait. Elle était encore étrangère des personnes du palais : à part Volla, Thor et Odin, elle n'avait croisé que des serviteurs. Si Asgard était réellement la terre des dieux, ils avaient une fâcheuse tendance à se cacher. Elle n'allait cependant pas s'en plaindre. Aventurière, elle traversa le couloir, maintenait guidée par la voix.
— Prends à droite, lui dit-elle à la première intersection.
Elle jeta néanmoins un regard sur la gauche mais chacun des côtés semblait donner sur un couloir identique. Elle fit donc confiance à la voix et bifurqua sur sa droite. Comme le précédent, il était désert mais pas silencieux. Elle entendait des voix, des bruits de pas et d'armure qui se déplaçaient. Elle tenta de conserver une certaine assurance : si elle était la fille d'Odin, tout le monde devait connaître son statut de princesse.
— Reste calme, lui intima l'étrange voix.
C'était comme si elle lisait en elle comme un livre ouvert. C'en était intriguant et un peu effrayant. Cependant, sa curiosité maladive devait être satisfaite. Elle continua son chemin jusqu'à ce que la voix se taise brusquement. Astrida regarda autour d'elle : elle se trouvait maintenant dans les sous-sols et venait de passer une grande arche, gardée par deux guerriers en armure argentée. Bien qu'ayant jeté un coup d'œil intrigué vers leur princesse, les deux gaillards n'avaient pas bronché. Ils n'avaient aucune consigne concernant les balades nocturnes de la déesse.
Elle descendit quelques marches, les bruits devenaient forts et stridents, difficiles à reconnaître. Mais quand elle vit les barreaux et les cellules, elle comprit : elle se trouvait dans les prisons. Pourquoi ? Que devait-elle trouver ici ?
Les détenus la regardaient passer sans comprendre, alors qu'elle avançait encore un peu plus dans les tréfonds du palais. Certains l'apostrophèrent, l'insultèrent mais elle n'en avait cure : elle était entièrement fixée sur son objectif. Son instinct lui dictait un chemin apparemment aléatoire mais elle était certaine d'être sur la bonne voie. Enfin... jusqu'à ce qu'un grognement lui glace le sang. Avant d'avoir pu faire quoi que ce soit, elle vit la bête immonde foncer sur elle et l'attaquer. Je vais mourir, eût-elle le temps de penser avant qu'elle ne fonde complétement sur elle, sans ne lui laisser aucune chance de survivre.
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Princess of Asgard [FR]
FanfictionYggdrasil et ses neufs Royaumes, un vaste univers gouverné depuis la nuit des temps par Odin, roi d'Asgard. Il y a de cela mille ans, l'Arbre de la Vie accueillit en son sein un être né de puissance et d'orgueil, qui allait mettre l'univers tout ent...