Chapitre XVII

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Elle était toujours par terre, sous le choc. Tenait-elle là l'occasion dont elle avait besoin ? Comment lui parler ? Que lui dire pour qu'elle reprenne définitivement le dessus sur Némésis ? Elle avait son attention pleine et entière pour le moment mais elle devait continuer à l'occuper. Peut-être qu'ainsi, elle demeurera pour toujours avec elle. Lentement, elle se remit sur ses pieds, époussetant la poussière qui s'était accumulée au niveau de ses genoux. Astrida brillait toujours et son silence était respectueux. C'était comme si le temps s'était arrêté. Une parenthèse enchantée dont elle devait profiter : c'était peut-être la dernière qui lui sera donnée. Elle se râcla la gorge, encore incertaine de la marche à suivre.

« Suis ton cœur », lui dicta une petite voix près d'elle. Ce murmure insuffla un bien-être dans son esprit. Tout était clair désormais.

- Quand j'étais petite, démarra-t-elle de but en blanc, il m'arrivait souvent de rêver du même endroit et de la même personne. Je ne distinguais ni le paysage, ni les meubles mais l'atmosphère était toujours identique. On se sentait... Chez soi.

Elle inspira au souvenir de cette sensation de bien-être, celle d'appartenir à un endroit. Sitôt qu'elle rouvrait les yeux, ce bonheur disparaissait et ne perdurait qu'une amère mélancolie. En grandissant, son âme devenant de plus en plus sombre et triste, elle avait cessé de faire ce rêve. Mais il restait vivace dans un coin de sa mémoire et elle tenait à le lui partager aujourd'hui, parce qu'elle comprenait enfin.

- De cette personne, je ne voyais jamais le visage non plus. Les détails de son nez, de ses yeux demeuraient flous, un total mystère pour moi. Néanmoins, sa voix m'était familière. Douce, chaleureuse, aimante... Elle me chantait des berceuses et cela avait le don de m'apaiser.

Comme transportée dans ses songes, elle ferma les yeux. D'elle-même, elle commença à chantonner cet air dont elle ne connaissait pas les paroles mais qui semblait gravée au marbre dans son âme pour l'éternité. Elle dodelinait de la tête, plus consciente de l'apocalypse qui se déchaînait il y a quelques instants encore. Elle était revenue du temps de son enfance la plus tendre, celle où elle n'était qu'une petite fille sans histoire. Sans problème.

- Dors, petite princesse, l'accompagna bientôt la voix si familière. Demain, tu seras reine mais en attendant, dors et rêve, dors petite princesse, demain tu seras leur reine mais pour l'instant, tu es ma jolie princesse...

Raven rouvrit les yeux. Astrida remuait les lèvres. C'était elle qui chantait. C'était elle la femme qui venait lui rendre visite dans son sommeil pour lui apporter un peu de bonheur. La mutante sentit les larmes monter à nouveau. Décidément, elle se ramollissait avec le temps. Un sourire effleura son visage. Elle était heureuse de partager ce doux moment avec cette mère qu'elle n'avait jamais connu mais qui, curieusement, avait toujours été là quand elle en avait eu besoin. C'était en grandissant que Raven Darkhölme était devenue Mystique, ce personnage que tout le monde craignait. Elle avait renié tout ce qui avait été fait de bon en elle pour se laisser submerger par le chagrin. Elle avait fini par se convaincre qu'elle ne méritait ni amour ni soutien et pendant longtemps, elle avait agi ainsi. Seule et par égoïsme pur. Aujourd'hui, ce n'était plus le cas.

- Tu étais un bébé adorable, intervint soudain Astrida en penchant la tête légèrement sur le côté, attendrie. Si douce, si calme... Tu ne pleurais jamais. Tu nous regardais, moi et ta grand-mère, avec de grands yeux ébahis. Tu étais destinée à de grandes et belles choses, ma fille. Mais je voulais te protéger. Alors je te chantais des berceuses. Je voulais que tu t'échappes de ce monde et des dangers qui y rôdaient pour t'enfuir au pays des rêves. J'espère avoir réussi, au moins un peu.

Princess of Asgard [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant