Brisée mais pas vaincue, c'était ainsi qu'elle essayait de se convaincre que son voyage à Munich n'avait pas été un fiasco. Que cela avait servi à quelque chose, puisqu'elle avait enfin vu sa fille, adulte. Pourtant, rien n'arrivait à effacer les affreux mots qu'avait eu cette dernière pour elle quand elle avait appris quel lien de parenté elles partageaient toutes les deux. Et même si Astrida pouvait assez aisément comprendre et imaginer la peine de son enfant - elle aurait sûrement réagi de la même manière, son chagrin face à son rejet demeurait le même. Et l'espoir que le temps fasse son œuvre était trop mince pour qu'elle puisse réellement s'y accrocher. Le cœur en miette, elle avait réservé un voyage retour le plus tôt possible et était monté dans le premier avion à destination de New York. Alors qu'elle s'installait dans son siège, elle n'avait encore aucune idée de ce qu'elle allait faire ensuite.
"Retrouve son fils, celui qu'elle a eu avec Erik..." Elle dormait à nouveau, du moins c'était ce qu'elle en déduisait d'après l'endroit où elle flottait. Une vaste étendue de gris, de fumées, d'étoiles, où la gravité n'existait pas, où le temps avait disparu et où cette voix semblait résider en maître, répétant inlassablement les mêmes mots. "Retrouve son fils..." Mais quel fils ? Où ça ? Comment ? Elle paniquait à l'idée de ne pas pouvoir remplir sa mission à bien. "L'univers est grand, Astrida. Il est multiple, infiniment grand. Infiniment petit. Empli de passage vers des univers semblables et pourtant si différents... Les dimensions parallèles..." fit alors la voix alors qu'elle ne s'y attendait plus. La réponse était là, enfin. Ne restait plus qu'à agir, maintenant.
Elle se réveilla seulement lorsque l'avion amorça sa descente vers l'aéroport de New York. Ce fut la voix de l'hôtesse de l'air qui la sortit en sursaut de son sommeil et pendant quelques secondes, elle regarda autour d'elle, hagarde, hébétée après avoir dormi tout le long du voyage. Ses muscles étaient lourds, sa tête lui tournait et derrière ses paupières flottait encore l'ombre du brouillard de son rêve. Dans ses tympans, le rythme frénétique des battements de son cœur l'assourdissait. Elle ferma les yeux, index sur ses tempes, pour essayer de rassembler ses idées. Depuis des semaines, elle avait ces étranges visions, cette voix qui lui parlait, qu'elle prenait pour une apparition d'un instinct profondément enfoui en elle. Jusqu'à présent, ce dernier n'avait jamais failli, cela voulait-il dire qu'elle devait encore une fois lui faire confiance aveuglément ? Dans ce cas, si telle était sa décision, elle ferait mieux de convoquer quelques personnes à sa table. Mais ces dernières répondraient-elles à ses interrogations ?
Les dimensions parallèles étaient un royaume sur lequel avait renoncé ses ancêtres de régner dessus. Bor, son grand-père, père d'Odin le père de toutes choses, avait découvert la première faille dans le temps il y a des millénaires de cela, alors que la Terre émergeait à peine dans son coin de la galaxie. Et il en avait été si effrayé qu'il en avait interdit l'accès à son peuple. Une croyance qui s'était désormais presque évaporée dans les nuages cosmiques, dont seuls demeuraient encore avertis les membres de la famille royale. À savoir ses frères, leurs parents et elle-même. User de ses pouvoirs pour se modifier l'espace et le temps était interdit, prohibé par la loi de Bor l'ancien. Mais Astrida avait le profond sentiment de ne pas avoir le choix. Et pour mener à bien son plan, elle allait avoir besoin d'un magicien terrien ayant en sa possession une des autres bizarreries qu'avait créé l'Univers à sa naissance...
Quelques heures plus tard, elle était devant cet étrange bâtiment au sein de Greenwich Village, à l'oeil de buffle si particulier qui décorait le toit, une fenêtre vers des mondes inconnus, même pour elle. Elle contempla la devanture de l'établissement, la respiration étrangement calme : elle était presque sereine. Encore secouée par l'entrevue désastreuse avec sa fille, certes, mais désormais animée d'un nouvel espoir. Comme si son instinct refusait de la laisser sombrer ne serait-ce qu'un instant dans la désolation. Son poing se posa à peine sur la porte en bois qu'elle se retrouvait à l'intérieur, par un sortilège, sans avoir eu l'impression d'avoir dû la traverser. Strange était là, le dos tourné, admirant la ville derrière la vitre de son bureau. Les mains croisés derrière son dos, il paraissait bien songeur.
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Princess of Asgard [FR]
FanfictionYggdrasil et ses neufs Royaumes, un vaste univers gouverné depuis la nuit des temps par Odin, roi d'Asgard. Il y a de cela mille ans, l'Arbre de la Vie accueillit en son sein un être né de puissance et d'orgueil, qui allait mettre l'univers tout ent...