Princess of Asgard [FR]

Chapitre XV

La vision était d'horreur. Le corps désarticulé de Loki tombait du haut de la tour Stark sans que personne ne puisse rien faire. Les combats les avaient éloignés du monument, ils avaient donc un triste point de vue sur la scène. Jusqu'au dernier moment, tous étaient persuadés que le Dieu de la Malice allait recourir à l'un de ses petits tours pour se sortir de ce mauvais pas. « Comme toujours », se disait Thor qui assistait à la chute tout en essayant de barrer le passage aux lignes ennemies. Il croyait en son frère, comme Raven croyait en son père. Elle venait d'assommer un de ces extra-terrestres en l'envoyant se cogner contre la carcasse d'une voiture, quand elle avait aperçu cette forme noire se détacher dans le ciel ombragé. Elle avait tout de suite compris de qui il s'agissait. Son cœur menaçait de sortir de sa poitrine, son rythme s'était accéléré jusqu'à en devenir frénétique. Et quelques centaines d mètres avant l'impact, elle sut. Elle sut qu'il n'allait pas s'en sortir comme par magie. Elle tenta alors de se frayer un passage dans la foule mais les combats n'avaient pas cessé. Plusieurs assaillants la bloquèrent dans sa progression et elle perdit un temps précieux à essayer de se défaire d'eux. Quand elle eut enfin un moment de répit, un passage dégagé où se faufiler, c'était trop tard. La peur au ventre, elle vit son père se rapprocher du sol à une vitesse vertigineuse et, juste avant l'impact, elle retint son souffle. Quand la route sous ses pieds trembla, elle laissa échapper un gémissement plaintif, aussi douloureux que celui d'un animal blessé. Ses jambes ne la portaient plus, elle défaillit. Avant que ses genoux ne heurtent le sol, Logan l'avait déjà retenu par l'aisselle.

— Allez, gamine, maugréa-t-il.

Il la traîna ainsi sur plusieurs mètres, laissant leurs camarades se débarrasser de ceux qui voulaient les freiner dans leur progression. Une à deux fois, il dut avoir lui-même recours à ses griffes pour faire le sale travail à sa manière. Dans ses bras, Raven sentait une douleur jusque-là inconnue : celle de perdre un être cher. C'était comme si le lien qui l'unissait à ses deux parents avait brusquement fait son apparition, après des années d'absence. Dès qu'elle avait fait la connaissance de Loki, le puzzle s'était complété et elle en avait moins voulu à sa mère de l'abandonner. Quand son géniteur avait montré toute cette affection, celle-là que même Charles n'avait jamais réussi à lui communiquer, elle s'était sentie aimée, envers et contre tous. Et devant ses yeux, une Déesse de la Mort venait de lui ravir ce qui lui avait toujours manqué sans qu'elle ne l'admette. Elle allait payer pour cela.

Wolverine la conduisit jusqu'à une rue perpendiculaire, qui venait d'être nettoyée par quelques Avengers. Ceux-ci s'étonnèrent de la présence des mutants mais plus encore de l'était de Mystique, qui perdait son masque d'insensibilité et d'impassibilité. Wanda fut celle qui s'approcha en premier d'eux, inquiète.

— Que s'est-il passé ?

Logan ne répondit pas tout de suite, posant d'abord sa protégée par terre pour qu'elle puisse reprendre des forces. Il fit ensuite signe aux curieux de s'éloigner un peu, pour leur raconter à voix basse ce dont ils venaient tous d'être témoin, sur la grande avenue. De son semi-état léthargique, Raven entendit les hoquets terrifiés et ressentit la pitié qu'elle leur inspirait. Même le Captain se fendit d'un « Il ne méritait pas ça » qui lui fit hérisser les poils. Elle se sentait comme un animal en gage. Les larmes lui ravageaient le visage, gonflaient ses yeux au moment où elle en avait le plus besoin. Sa respiration était inquiétante, si rapide qu'elle semblait en état d'hyperventilation. Elle avait chaud, elle transpirait. Sur le pantalon de sa combinaison, elle essuya ses mains devenues moites. Son esprit avait perdu de sa clarté : les mêmes images repassaient en boucle. Elle revoyait l'impact, encore et encore. Elle sentait peser contre son corps le poids de celui des ennemis qui l'avaient empêché d'aller rattraper son père. Elle sentait au plus profond de son être la haine qu'elle nourrissait, plus que jamais, contre Némésis. Il n'y avait plus qu'une seule chose à faire.