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Fatima qui m'avait suivit dans la rue les salua:
- Bienvenue, enfin vous êtes parmi nous, c'est un grand jour !

Elle sert la main à tout le monde, même à mon père. Ça se voyait que ces deux là ne s'aiment pas,il n'y avait pas d'affection entre eux. Des années plus tard, mon frère Adil m'avait avoué que mon père lui avait confié un jour qu'il ne l'avait jamais touchée parce qu'il aurait eut l'impression de tromper ma mère.

Mon frère Adil me dit:
- T'as troooop grand ma petite soeur, tu vas bientôt me dépasser.
Kamel:
- Olalaaaa comment tu m'as trop manqué ! Tu vas me montrer comme tu lis hein ?
Younes:
- On t'a ramené pleins pleins de cadeaux !
Et papa ♥:
- Benti, tu m'as manqué, la maison était vide sans toi, et tu ressemble de plus en plus à ta mère.

Moi je m'en foutais des cadeaux, le plus beau c'était leur présence. Ils restaient un mois et demi sauf Kamel qui restera deux semaines de plus et qui rentrera en avion ensuite.
Je commence à leur raconter mon année scolaire, je cours prendre mes affaires d'école et montre mes cahier et mes frères et mon père qui lui me regarde les yeux humides, pleins de tendresse et d'amour:
- Et dire que j'ai raté tout ça. Ça s'est bien passé avec Fatima ?
Je ne prête même pas attention à la question et continue mes grandes histoires:
- Papa je sais prier, hnini il m'a apprit à prier !!
- C'est bien ma fille, el hamdoulillah !
- Tu veux que je te montre ?
- Plus tard in cha Allah, on est invités à manger chez tes grands-parents.

Mon frère Adil avait trouvé un travail dans une grande entreprise où il avait décroché un bon poste en tant que responsable de secteur en attendant sa promotion en tant que cadre supérieur: un cadre de l'entreprise allait prendre sa retraite, mon frère prendrait sa place. Il touchait donc un bon salaire et voulait prendre un appartement. Quant à Younes, il passait en terminal STG actions commerciales et Kamel passait en cinquième.

- Et son frère ?
- Moi j'aimais bien lalla Hadda et hbibi Hamid mais ils sont morts.
- T'étais triste ?
- Oui un peu, mais lalla Hadda elle m'a dit qu'on se verra au Paradis.
- In cha Allah.

Et je ne cessais de parler, j'étais coupée par Kamel qui de temps à autre essayait de placer le récit de son année au milieu de celui de la mienne.
AAAAAHHHHH QU'EST CE QUE ÇA FAIT DU BIEN D'ÊTRE EN FAMILLE !!
Je ne lachais plus la main de papa, j'avais bien trop peur qu'il s'en aille, je n'avais pas l'intention de le laisser repartir si vite.
Arrivés chez mes grand-parents, mes tantes, mon oncle, mes cousins et cousines embrassaient mes frères et mon père, lalla et hnini firent de même. Moi je faisais parti des meubles donc un simple bisou a suffit.
Je ne suis pas allée rejoindre mes cousins et cousines comme je le faisais d'habitude, non, cette fois je suis allée m'installer avec mes frères au salon. Je vois mon père se lever à l'appel à la prière pour faire ses ablutions et prier, je le suis et fais de même, je voulais tellement lui montrer comment je priais.
Je me positionne derrière lui et hnini pour prier avec eux.

Il était fier, à la fin il me dit:
- Allahi taqabel benti (qu'Allah accepte tes prières ma fille)
Je lui souri, toute contente de moi
- Tu as apprit beaucoup de choses au Maroc c'est bien.
- Oui papa j'ai même apprit des sourate.
- El hamdoulillah, je suis fier de toi ma chérie !
Il m'embrasse le front et mon grand-père lui dit:
- Tu as une fille intelligente tbarkAllah hliha, c'est ma fille, elle est curieuse comme ma Naïma, elle veut tout savoir.
- Oui c'est bien la fille à sa mère ça.

Fatima, elle, était contente d'avoir de nouvelles chaussures, de nouveaux foulards, de nouveaux tissus pour jelaba...
On rentre à l'intérieur où on trouve Khalid. Il dit bonjour à tout le monde, il me dégoûte:
- Franchement votre fille c'est un bonheur ! Elle est bien élevée, polie, obéissante, vous nous avez fait un beau cadeau en la laissant avec nous.

Kamel me posait des questions sur lui:
- C'est lui son frère ?
- Oui c'est Khalid.
- Mais il est vieux pourquoi il vit ici ?
- Il est pas marié il vit avec nous.
- Il a l'air gentil.
Je regarde mon frère et lui souris ! Je ne voulais même pas parler de lui.

Les semaines passèrent à une vitesse phénoménale. Papa ne dort même pas chez Fatima, il dort chez ses soeurs ou chez son frère ou encore chez lalla et hnini de temps en temps. Mes frères eux dorment toujours chez mes grand-parents maternels et je les y suivais. J'étais très peu avec Fatima, je ne m'endormais plus après les visites de Khalid, il faut dire que ces vacances me firent le plus grand bien.

Mon père rentra en France avec Adil et Younes, moi je restai avec Kamel encore pour deux semaines. Les au revoir étaient durs, Adil me prévint:
- Si il y a un problème tu nous appelle, si t'as besoin de quelque chose tu n'hésites pas hein ?

Combien de fois pendant ces vacances j'ai eut envie de cracher le morceau ? De leur dire dans quelle galère je me trouvais ? Combien de fois je me suis tue pour les préserver en repensant à la menace de Khalid au dernier moment ?

Me voilà seule avec mon frère, celui dont je suis le plus proche, celui qui, en plus d'être mon frère est mon meilleur ami.
Papa était parti depuis trois jours, tout le monde faisait la sieste. Kamel n'y était pas habitué et ne la faisait donc pas. Je suis restée réveillée avec lui, nous discutions et il me dit:
- J'aime pas trop Fatima moi. Papa il aurait pas dut se marier avec.
-...
- Tu l'aimes bien ?
- Je t'ai dit oui.
- Et son frère là, Khalid, il est trop bizarre en fait !
-...
- Tu l'aimes bien ?
- Ça va
- Ça veut dire oui ou non ?
- Je sais pas, bon on va s'acheter des bonbons ?
- Tu sais tu vas me manquer...
Il avait les larmes aux yeux !
- Papa il devrait pas te laisser là avec des gens qu'on connait pas, c'est nous ta famille.

Alors là, je ne sais pas pourquoi, j'ai ressenti le besoin de me confier, et puis après tout, c'est mon frère, il savait des choses que je lui racontais et jamais il n'est parti les répéter. Je peux lui faire confiance, de toute façon je ne pouvais pas garder ça pour moi et c'est à lui que je voulais en parler.

C'était la première fois que je mettais un nom sur le calvaire que je vivais, "le viol". Je ne connaissais pas ce mot jusque là.

- Quoi ?
- Il te touche il te viole ??
- Il me touche il me fait des bisous et il m'oblige à faire des choses pas bien.
- Il t'oblige à faire quoi ?
Je lui explique avec mes mots d'enfant l'acte "dégoûtant".
- Je vais le dire à papa !
- S'il te plaît dis lui rien, t'as juré, sinon t'es plus mon frère, je te cause plus !
- Mais c'est grave ! On le dit à hbibi Hassan (mon oncle) il va le tuer !
- Non c'est lui qui va vous tuer.

Pour moi Khalid était fort. Il était fort parce qu'il arrivait à me faire ce qu'il voulait sans que je parle, tout en me faisant taire, il arrivait à me faire peur, il était fort car il me rendait faible. Avec le recule je me rend compte qu'il n'est rien, il n'est qu'un lâche...
Je fais jurer à mon frère de ne rien dire, il me jure après une heure de discussion mais il me dit:
- Je viendrais les tuer moi !

Il allait prendre l'avion une semaine et demi plus tard pour partir rejoindre papa:
- Si il te touche encore une fois tu m'appelles je le tue, je l'égorge.

Me revoilà seule face aux monstres, face à la réalité...

Chronique d'une vie cramée, mais malgré tout, El HamdoulillahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant