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Le lendemain des gens étaient venus chez nous, moui Hafida les accueillait, des femmes venaient m'embrasser, me témoigner leur soutient ou de la pitié, je ne sais pas trop. Même elles qui n'aimaient pas mon père autant que moi, qui le connaissaient à peine pleuraient. Des hommes lisaient du Coran dans le grand salon, les femmes étaient dans le petit salon à discuter, pleurer. Certaines donnaient des billets, d'autres me disaient de venir chez elles quand j'aurais besoin de quoique ce soit.

La maison était remplie mais pourtant je ressentais un grand vide. Il n'y avait plus mon père, il est bel et bien mort, même un homme courageux et pieux comme lui meurt, il allait rejoindre l'autre monde et m'avait laissé moi, seule dans celui là.
Je n'avais toujours pas pleuré et depuis sa mort je n'avais pas décroché un seul mot. Je me sentais tellement vide à l'intérieur de moi. Je n'étais que l'ombre de moi-même, j'étais un zombie. Je regardais les gens sans les voir, les entendais sans les écoutais, je respirais sans vivre.
Kamel me dit :
- Naïma ?
Je l'ai regardé pour qu'il sache que je l'entendais mais je n'arrivais pas à lui répondre, à parler, quelque chose en moi m'en empêchait.
- Pourquoi t'as pas pleuré ? C'est pas normal !
Je continuais à le regarder, ses mots résonnaient dans ma tête mais j'étais ailleurs. J'étais avec mon père, je n'étais pas avec lui.
Adil était allé déclarer le décès de mon père, mes belles sœurs tentèrent de me faire parler mais leurs efforts étaient vains. Non pas que je ne voulais pas parler, bien au contraire, j'aurais aimé crier, pleurer, réagir, mais j'étais sous le choc et je ne parvins pas à exprimer ce que je ressentais. Une assistante sociale est venue sonner à la maison, comme si c'était le moment. Elle voulait savoir ce qui adviendrait de moi étant donné que j'étais mineure et ORPHELINE.

Moui Hafida – Je vais m'en occuper, c'est ma fille ! Vous voyez ce sein ? Et bien c'est lui qui l'a nourrit !
- Ecoutez Madame, vous devez devenir la tutrice légale de cette enfant.
- Aucun problème mais repassez plus tard, là on est occupés !

Je regardais la scène dans mon coin, les femmes me parlaient mais je restais muette, elle demandait à moui Hafida si c'était normal, elle leur dit que depuis hier je n'avais pas ouvert la bouche et l'une d'entre elle dit :
- Meskina tsadmate (elle a été choquée la pauvre)
- Oui je crois, elle n'a même pas pleuré.
- Il ne faut pas qu'une jeune fille comme elle voit un mort, c'est mauvais pour elle.

Elles parlaient de moi comme si je n'étais pas là, mais bon, j'étais là sans être là il faut dire. Je repensais sans cesse au visage de mon père, son corps sans vie. J'avais déjà vu des morts, mais là c'était mon père, mon sang, mon protecteur, mon guide, mon repère. Je me sentais perdue, je voulais le revoir encore une fois, qu'il me parle encore un tout petit peu. Mais c'était trop tard, personne ne revient de la mort.
Les gens me disaient de venir manger mais je n'avais pas faim.
Je me mettais dans le couloir et j'écoutais les hommes réciter le Coran comme ils font au Maroc

Le matin en me réveillant j'avais prié malgré que je n'en avais pas du tout envie, mais j'ai repensé au fait que mon père nous a dit de ne délaisser la prière sous aucun prétexte, donc même si il meurt je devais prier. Même mes prières furent silencieuses, je ne bougeais pas les lèvres, à la fin, j'avais levé les mains au ciel et j'ai demandé à Dieu de l'accueillir auprès de Lui, de le mettre dans Ses jardins de Paradis.
Je me suis enfermée dans ma chambre, mes frères Hakim, Younes, Walid et Kamel ainsi que son ami qui nous avait accompagnés à la mosquée rentrèrent et me trouvèrent assise sur mon lit à regarder dans le vide. Younes s'assied à côté de moi et me dit :
- Naïma tu peux pas continuer comme ça, il faut que tu pleures ou que tu parles, dis nous ce que tu as s'il te plaît !

J'aurais aimé lui dire que je suis triste, que j'ai même honte de ne pas pleurer pour mon père mais c'était impossible, mon corps ne me répondait plus, je n'avais plus le contrôle. J'essayais de lui faire comprendre à travers mon regard mais il était éteint, vide.

Hakim – Naïma tu nous entends au moins.
Walid – Vas y réponds tu nous fais peur là :
L'ami à mon frère à- Meskina wallah elle me fait pitié, faut faire quelque chose !
Kamel – Naïma dis juste un petit mot.

Aucun son ne voulait sortir, je ne bougeais même pas les lèvres, je n'y arrivais plus, je ne pouvais plus, il était parti ...

Chronique d'une vie cramée, mais malgré tout, El HamdoulillahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant