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Sixième partie


Bismi Llah Al-Rahman Al-Rahim


Fatima vint me voir une fois calmée et me dit:
- C'est fini ta petite vie de sale gosse gâtée, maintenant tu vas m'écouter et faire ce que je te dis.

*Pour celles qui comprennent l'arabe ça donnait ça*
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- Daba ma bqitich bent ldanone, safi ghadi twouli tsmaahli ou tdir li qoltlek !
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J'avais hoché la tête en guise de "oui".
Elle rajouta:
- Et si tu dis à quelqu'un que je t'ai tapée tu vas voir ce qu'il t'arrivera. Et appelle moi "mama" devant les gens espèce de malpolie. TFOU !

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- Ou ila haoudti lchi wahed hedchi li tra daba nwourik !Bqa thiyatli mama qadem lnass Allah y nhalha trabi. TFOU !
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Puis elle s'éloigna de moi, me laissant seule sur le sol.
J'avais mal au coeur, personne ne m'avait jamais parlé de cette façon jusqu'ici. Chez moui Hafida et chez papa j'étais la chouchoute, si Walid (mon frère de lait) ou Younes m'embêtait gare à eux.
Cette fois j'étais seule, loin de papa, de moui Hafida, de hammi Lhousine, de Adil...
Personne pour me plaindre. Et puis même si ils étaient là, Fatima me tuerait si je le faisais. Je ne veux plus me faire taper.

La mère de Fatima, Lalla Hadda, est venue me voir pendant que des larmes inondaient mes joues. Elle me tendit la main pour que je me lève.
C'était une vieille femme qui était malade, faible. Elle était très douce et avait l'impression d'être un fardeau pour sa fille qui plusieurs fois lui a dit:
- C'est de ta faute si je me suis pas mariée plus jeune, si j'ai pas d'enfant, c'est toi et ba (papa) qui m'avez bloquée.

Je pris sa main et elle me prit dans ses bras:
- Patientes benti (ma fille), patientes. Fatima n'est pas méchante, c'est parce qu'elle a mit sa vie de côté pour s'occuper de nous qu'elle est devenue comme ça.
Je met remet à pleurer.
- Tu verras, quand je partirais avec son père elle sera plus calme.

Je ne savais même plus quoi dire. Je me contentais de pleurer, de profiter de cette main tendue pour me soulager.

Quelques heures plus tard j'étais assise à ne rien faire, je réfléchissais pendant que Fatima préparait le repas du soir dans la cuisine. Quelqu'un toque à la porte. Elle me demande d'aller ouvrir, je m'exécute.
Je vois ma tante Najia (la soeur à ma mère) derrière la porte, lui saute dans les bras et l'embrasse comme si je ne l'avais pas vu depuis des siècles. Voir un visage familier à ce moment là m'a fait chaud au coeur.
- Ça va hbiba (ma chérie) ?
- Oui khalti. Pourquoi Moncef n'est pas venu avec toi ?
(Moncef c'est son fils, mon cousin préféré)
- Il jouait au foot avec les autres fel derb (au quartier) il a pas voulu me suivre. Elle est où Fatima ?
- Dans la cuisine.

Elle criait:
- Chkoooooune ? (C'est qui ?)

Ma tante rentra et alla à sa rencontre. Fatima, en qualité de grande hypocrite utilisa LE PROTOCOLE comme il se doit.

Le protocole: Marhba ou elf marhba ! Hada nhar kbir men li jiti tzourna !
Traduction: Bienvenue mille fois ! C'est un grand jour aujourd'hui, tu viens enfin nous rendre visite !

Elles me rejoignirent dans la pièce principale et ma tante commença:
- Alors tu te plais ici ? C'est une gentille femme Fatima elle va bien s'occuper de toi.
- Je m'en occuperais comme ma fille. Moi qui n'en ai jamais eut, Allah m'en envoie une belle, je suis comblée. Ma fille va chercher à khaltek (ta tante) du thé, il est sur le potager.
- D'accord.
- D'accord qui ?
- D'accord mama.

En l'appelant ainsi j'avais envie de pleurer toutes les larmes de mon corps. J'avais l'impression de trahir ma mère et moui Hafida.
Pour la deuxième fois de ma vie je pensais à elle, ma mère. Elle que je n'ai jamais connu. Pourquoi m'a-t-elle abandonnée ? Pourquoi tous les autres ont une vraie mère et pas moi ?

Je vais à la cuisine, prend la théière et la ramène au salon.

Elles discutaient de moi et Fatima faisait de grandes promesses:
- Wallah ne vous inquiétez pas, c'est ma fille, je l'ai déjà adoptée, je l'aime comme si elle était sortie de mon ventre !

Moi j'étais ailleurs. J'étais chez moui Hafida, entrain de jouer avec Nacer et Kamel, et d'attendre l'heure où papa viendra me chercher pour le rejoindre à la maison avec Adil et Younes.

Ma tante s'en va, je voulais lui dire:
- S'il te plaît, ne me laisse pas avec elle khalti, elle me tape !

Mais je me contente de lui promettre de venir à la maison le lendemain.

Fatima, après le départ de ma tante me dit:
- Tu sais Naïma, je ne t'aime pas, j'ai accepté de te garder seulement parce que j'ai besoin des sous que ton père va me donner. Je ne suis pas ta mère, je ne veux pas être ta mère.

Je baisse la tête et m'en vais rejoindre son père et sa mère dans la chambre. Lalla Hadda me fait signe d'approcher. J'avance et m'allonge à ses côtés. Elle me raconte que son mari est très malade, qu'il a des problèmes de coeur, qu'elle pense qu'il allait bientôt mourir et qu'elle espére partir en même temps que lui.
Hbibi Hamid, son mari, était aussi âgé, il ne parlait plus et je voyais que ça faisait mal à lalla Hadda.
- Mais lalla Hadda, quand on meurt qu'est ce qu'il se passe après ?
- Après on est libéré de cette vie. Regardes, moi je suis vieille, j'ai fait grandir mes enfants, je peux partir, je suis pressée. Je suis fatiguée, je vais être reposée une fois morte.
- Moi aussi ma mère elle est morte.
- Je sais benti, qu'Allah lui accorde Sa miséricorde, maintenant ta mère est dans sa tombe en attendant qu'elle se fasse juger.
- Pourquoi elle va se faire juger ?
- On va tous se faire juger. Après le jugement, si tu es une bonne personne et que tu as fait de bonnes choses tu vas au Paradis, sinon tu vas en Enfer.
- C'est quoi le Paradis et l'Enfer ?
- L'enfer (Qu'Allah nous en préserve) c'est un endroit que Dieu a crée pour punir ceux qui lui ont désobéit et qui font du mal, le Paradis (qu'Allah nous l'accorde) c'est un grand jardin où tu vivras dans le bonheur in cha Allah. Là bas personne ne meurt, c'est éternel.
- Ma mère tu penses qu'elle va aller où lalla ?
- In cha Allah au Paradis benti je l'espère... il faut que tu sois quelqu'un de bien et on se retrouvera tous là bas. Allé vas dormir, demain tu vas te réveiller tôt.

Je m'allonge, je repense à la discussion de lalla. Mais alors pourquoi on est ici si c'est pour mourir et avoir une autre vie après ? Je lui poserais la question. Et pourquoi ma mère est morte si jeune ? Pourquoi elle ne m'a pas vu grandir avec mes frères comme lalla ?

Alors que toutes ces questions se bousculaient dans ma tête, la porte s'ouvre. Je vois une silhouette se dessiner, une silhouette masculine. J'ai peur, je ramène ma couverture sur ma tête. J'ai envie de crier mais j'ai peur que Fatima vienne me taper.
Une voix grave vint briser le silence:
- Je suis le frère à Fatima ne t'inquiètes pas.

Ah oui c'est vrai qu'elle a un frère qui vit avec eux. Je suis rassurée et me découvre. Il continue:
- Ça va ?
- Oui.

Il se pose sur mon matelas près de moi et pose sa main sur ma cuisse:
- Tu es très belle, ne t'inquiètes pas je ne suis pas méchant comme ma soeur moi.
- Tu t'appelles comment ?
- Khalid et toi c'est Naïma et je suis content que tu viennes vivre avec nous.
- Je suis contente aussi.
- Je vais bien prendre soin de toi, laisses moi faire...

Il remonte sa main encore un peu plus et me fais un sourire. Je m'éloigne un peu de lui, il pose son autre main sur ma bouche:
- Tais toi, ce sera notre petit secret. Si tu le dis à quelqu'un je te tue, mais si tu es gentille avec moi je te donnerais tout ce que tu veux.

Le début du cauchemar. Moi qui croyais que les coups et la méchanceté de Fatima serait le plus dur à supporter...

Chronique d'une vie cramée, mais malgré tout, El HamdoulillahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant