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Je ne suis pas retournée à l'école malgré tout ça, je ne voulais pas perdre de temps rattrapable au détriment de celui que je ne pourrais pas rattraper : celui passé auprès de mon père.
Je faisais les devoirs demandés en rentrant le soir, je les donnais à Nacer qui les ramenait aux professeurs. Je faisais tout pour ne pas avoir de retard, j'essayais de comprendre les leçons seule, faire les exercices avec applications. Cette période à été très fatigante mais el hamdoulillah elle m'a beaucoup apportée. Grâce à cela j'ai apprit à m'organiser encore plus et à être plus autonome. Le corps enseignant savait que j'étais une fille sérieuse donc ils notaient mes devoirs à la maison comme si je les avais faits en cours afin de ne pas me pénaliser dans mon bulletin scolaire.

Ces temps-ci j'avais également mit de côté mes lectures de livres au profit de celle du Coran. Je n'étais focaliser que sur lui, il était devenu mon compagnon de galère, mon espoir, mon réconfort. J'en prenais soin comme si j'avais ma petite nièce entre les mains, j'avais tellement de respect pour la parole de Dieu que je le manipulais avec attention.
Un Dimanche nous étions à l'hôpital tous ensemble étant donné que personne ne travaillait. Mon père nous dit :
- Vous vous rendez compte, on est là, dans cette chambre, dans l'hôpital où est morte votre mère. J'ai grandit dans la même rue qu'elle, elle m'a suivit en France et voilà que maintenant je vais mourir dans le même hôpital qu'elle, les choses ne sont-elles pas bien faites ? In cha Allah on se retrouvera au même endroit : le Paradis.

C'est vrai que ma mère était morte dans cet hôpital, c'est celui qui m'a vu naître ce même jour, celui dans lequel l'âme de ma mère s'est détachée de son corps pour rejoindre les cieux. Je n'avais même pas pensé à ça, trop préoccupée par l'état de mon père. Et puis ses paroles raisonnaient dans ma tête, « je vais mourir dans le même hôpital qu'elle ».

- Tu vas pas mourir papa, dis pas ça !
- Je ne vais pas rester éternellement ici, mais Dieu sait mieux.
- Si tu pars je vais devenir quoi ? je vais aller à la DASS.
- Qu'Allah nous en préserve, tu n'es pas orpheline, tu as tes frères et Hafida et Lhousine.
- Je veux pas que tu parte, je veux pas papa, ce serait trop dur sans toi !

J'ai pleuré parce que en réalité je n'arrivais pas à accepté qu'il me quitte, qu'il parte, qu'il m'abandonne sur cette Terre où il est mon repère, sans lui je serais perdue. La douleur et la peur refirent surface en peu de temps, j'avais cette angoisse, même en essayant je n'imaginais pas ma vie sans lui, sans sa douceur, sans sa sagesse. Je ne savais pas comment allait se passer ma vie avec son absence, je n'étais vraiment pas sûre de tenir le coup. J'avais déjà maigrit depuis qu'il était hospitalisé, je ne mangeais plus beaucoup, mon corps et mon esprit souffraient avec mon père, je voulais lui prendre un peu de sa douleur pour pouvoir l'alléger de ses maux et l'avoir un peu plus à mes côtés.

J'en voulais à mon père de vouloir à tout prix rejoindre ma mère sans avoir envie de rester avec moi, je voulais mourir sur place :
- Tu parles que de rejoindre mama et tu t'en fous de rester avec nous ici.
- Je ne décide de rien, c'est ma fin, j'ai assez vécut, j'ai tout vu, j'ai même vu ma fille souffrir, la chair de ma chair. Depuis ce jour je veux mourir, être enterré pour ne plus y penser mais ma culpabilité je l'emmènerais avec moi dans la tombe parce que tu es ma fille, que je t'aime plus que tout, tu es un cadeau de Dieu et moi, moi je n'ai pas prit soin de ce cadeau. J'espère que tu me pardonneras Nouihma dyeli (Ma Naïma)

En disant ça, ses yeux se sont remplis de larmes, il pleurait. Je ne savais pas que mon père se sentait encore coupable, pour moi la page était tournée, même si quelques cicatrices persistaient à l'intérieur et avaient fait de moi la fille renfermée que j'étais devenue. Ces mots me transpercèrent le cœur, mon père n'avait pas pleuré alors que je savais que la douleur physique faisait partie de son quotidien, alors qu'il savait qu'il allait mourir, il était toujours resté fort, serein, patient, mais quand il s'agit de mon passé, de ce que j'ai vécut, de ma souffrance, il versait des larmes.
Je l'ai regardé droit dans les yeux, ses yeux brillaient et étaient noyés par les larmes, je me sentis coupable, coupable de lui en vouloir, de douter de la force de mon amour alors que cet amour qu'il me porte lui ronge le cœur autant que la tumeur a rongé son corps.

- J'ai rien à te pardonner papa, c'est le mektoub ça. C'est du passé, c'est oublié. Pardon papa, j'aurais pas du te dire ça, je t'aime, wallah que je t'aime mais c'est dur de se dire que tu vas me laisser, j'arrive pas à accepter ça.
- Je n'emporte aucune rancune avec moi surtout pas envers mes enfants, ana rdit hlikom, qu'Allah vous guide, je vous aime tous.

J'entends quelqu'un pleuré, c'était bien entendu ma belle sœur Samia la sensible, elle s'avança, me prit dans ses bras, tint la main de mon père et dit :
- El hamdoulillah ya Rabb, el hamdoulillah, je suis tombée sur la belle famille la plus magnifique qu'il puisse être sur Terre.
- Toi aussi ma fille, ainsi que ce que tu portes dans ton ventre, rdit hlikom.
- Hammi (tonton) si c'est un garçon, je l'appellerais Abdeslam c'est sûr et certain in cha Allah.

J'étais toujours serrée contre ma belle-sœur, je regardais mes frères qui jusqu'ici sont restés silencieux, ils se contentaient de regarder et de baisser le regard de temps à autre. Je me suis avancée vers mon frère Adil, je l'ai me suis serrée contre lui, il me prit dans ses bras et Younes fit de même. Je voulais profiter de ces derniers moments en famille, celle que j'ai toujours connue, celle où il n'y a aucun absent.
Ma belle sœur Ahlem rentra dans la chambre quelques instants plus tard avec mon neveu, elle avait laissé Yasmine chez sa mère :
- BAAA (c'est comme ça que mon neveu appelait mon père) !
- Wouldi lhnine (mon tendre fils) viens faire un bisou à ba.
Ma belle sœur embrassa la main de mon père, porta mon neveu afin que celui-ci puisse embrasser son grand-père.
- Regardez ma cha Allah, j'ai même eut des petits enfants ! Je peux partir en paix.
- Ba pourquoi t'es pas à la maison ?
- Pour voir si tu viendrais me voir même si je suis loin.
- Moi je viendrais toujours te voir.
- T'es le fils à qui toi ?
- A ba !
- Allahi rdi hlik.

La semaine passa tranquillement, mon père était toujours en vie mais les médecins le gardaient à l'hôpital, je ne sais d'ailleurs pas pourquoi, je continuais à faire les allers-retours entre l'hôpital et la maison, je dormais chez moui Hafida avec Kamel.
C'était un Jeudi, je me suis réveillée tôt avec mon frère afin de pouvoir aller voir mn père. Arrivés là bas, je le salue, je passe la journée avec lui comme d'habitude avec Kamel, et avant que je parte il me dit ;
- Demain c'est Vendredi ma fille, vas à la mosquée s'il te plaît.
- Mais je veux venir te voir.
- Tu vas à la mosquée et tu viens me voir après in cha Allah d'accord ?

Je l'ai regardé, ses yeux s'étaient encore un peu plus creusés, son visage avait maigrit, ses joues s'étaient creusés, les cernes accentuaient encore un peu plus le fait qu'il était fatigué, la maladie se lisait sur son visage mais je le trouvais toujours aussi beau, cette beauté accentuée par sa tâche sur le front, c'était la marque de sa piété et de sa sagesse. Je ne pouvais pas lui refuser ça, j'irais à la mosquée in cha Allah si c'est ce qu'il veut.

Je lui ai embrassé la main, puis le front, puis je lui ai fait un gros câlin et je suis rentrée rattraper mes prières, faire mes devoirs et reposer mon esprit.

Chronique d'une vie cramée, mais malgré tout, El HamdoulillahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant